Discours d’Ivar Ekeland au Forum syndical international de soutien et de solidarité avec la Palestine organisé par l’UGTT à Tunis le 20 janvier 2018

Suite à la décision du président américain Trump de reconnaître Jérusalem comme capital de l’Etat d’Israël, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a organisé un Forum syndical international de soutien et de solidarité avec la Palestine à Tunis le 20 janvier 2018, qui correspond au soixante douzième anniversaire de sa création. Plus de 50 syndicats à travers le monde et de nombreuses organisations de la société civile dont l’AURDIP ont participé à ce forum.

De nombreux participants au Forum ont appelé au BDS, notamment Hael Al Fahoum, l’ambassadeur palestinien en Tunisie, Azzam al Ahmad, membre du Conseil législatif palestinien, Shaher Saad, président de la Fédération générale des syndicats palestiniens et Ivar Ekeland, trésorier et ancien président de l’AURDIP.

Ci-dessous le discours d’Ivar Ekeland.

Chers camarades.

Je représente ici l’AURDIP, l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine. Nous sommes allés en Palestine au titre de la coopération universitaire, nous avons vu comment vivaient nos collègues, comment vivaient les étudiants, comment vivaient leurs familles, nous avons vu ce qu’était une occupation militaire, et nous en sommes revenus changés. Nous avons ramené avec nous une flamme: liberté pour le peuple palestinien !

Cette flamme, nous avons essayé de la propager, en France, et, avec l’aide de nos organisations soeurs dans d’autres pays, notamment le BRICUP en Grande-Bretagne, en Europe. Nous avons demandé à plusieurs reprises à la Commission Européenne de mettre en oeuvre l’article 2 du traité de coopération avec Israël, qui prévoit l’application de sanctions en cas de violations des droits de l’homme. Je note que cette demande a été formulée à deux reprises par le Parlement Européen, et que la Commission n’en a jamais tenu compte. Devant cette inaction, nous avons décidé, comme tant d’autres citoyens européens, de prendre nos propres sanctions, et nous nous sommes ralliés au mouvement BDS, lancé par la société civile palestinienne il y a un peu plus de dix ans.

J’ai entendu ici plusieurs interventions qui se demandaient ce que pouvaient réellement faire les organisations ici réunies, et je vais aller droit au but: nous avons besoin de vous ! Le BDS a rapidement rencontré des succès importants (je pense notamment aux prises de position publiques de grands savants comme Steven Hawking ou de grands artistes comme Ken Loach ou Roger Waters), mais il rencontre une opposition violente. Elle peut être insidieuse (les réunions publiques ou les manifestations sur la voie publique en faveur du BDS sont interdites sous prétexte de risque à l’ordre public), ou ouverte (une circulaire du ministre de la justice, émise sous la présidence de Nicolas Sarkozy, mais jamais révoquée depuis, enjoint aux procureurs de poursuivre les militants du BDS pour atteinte à l’exercice d’une activité économique). Nous avons affaire à une véritable répression, qui se double d’une tentative de déligitimation du mouvement, accusé d’antisémitisme.

C’est là que nous avons besoin des syndicats: nous avons besoin que vous interveniez dans le débat public, si ce n’est pour vous rallier au mouvement BDS, du moins pour affirmer sa légitimité. Certes, la Commission Européenne, par la voix de Federica Mogherini, a déclaré que les appels au boycott d’Israel font partie de la liberté d’expression, mais il faut que ce soit dit par des voix plus proches du peuple et mieux écoutées. Les syndicats ont un rôle essentiel à jouer pour populariser la cause palestinienne et pour soutenir les militants qui cherchent par des moyens pacifiques à faire pression sur leur propre gouvernement pour l’amener à respecter les résolutions de l’ONU et le droit international.

Nous avons également besoin des Tunisiens, et de toutes les nationalités représentées ici à Tunis. Nous comptons sur vous pour faire comprendre à nos gouvernements que la cause palestinienne n’est pas oubliée, qu’elle est toujours actuelle, qu’elle suscite l’indignation de l’opinion internationale, et que cet exemple permanent de mépris des obligations internationales rend problématique la résolution pacifique de tant d’autres conflits de part le monde. Il faut que nos gouvernements comprennent qu’en n’appliquant pas le droit international dans le cas particulier d’Israël, ils compromettent la confiance qui fonde les relations entre les peuples et engagent la planète dans un cycle de violence qui ne les épargnera pas.

Vous ne serez donc pas étonnés que je remercie l’UGTT d’avoir pris cette initiative. J’espère que les organisations représentées soutiendrons notre lutte, dont l’enjeu est en définitive le droit des citoyens à influencer la politique.

Ivar Ekeland
Trésorier et ancien-président de l’AURDIP,
ancien président de l’Université Paris-Dauphine,
ancien président du Conseil Scientifique de l’École Normale Supérieure de Paris