Des donateurs milliardaires en colère contre les étudiants anti-Israël de l’université de Harvard

Plusieurs associations étudiantes de la prestigieuse université américaine ont dénonce la responsabilité du « régime israélien » dans la guerre qui l’oppose au Hamas, provoquant la réaction de donateurs ulcérés.

Rongeaient-ils leur frein depuis des mois contre ces étudiants gauchistes adeptes du wokisme et de la cancel culture ? Toujours est-il que les milliardaires américains sont sortis de leurs gonds lorsque certaines associations étudiantes de Harvard ont fait porter sur l’Etat d’Israël la responsabilité des attaques terroristes du Hamas.

« Nous, les organisations étudiantes soussignées, tenons le régime israélien entièrement responsable de toute la violence qui se déroule », ont écrit, le 10 octobre, trente-quatre associations étudiantes du campus, essentiellement des groupes de minorités musulmanes qui, sans un mot pour les victimes israéliennes, ni les femmes ni les enfants assassinés, ajoutaient : « Les jours à venir nécessiteront une prise de position ferme contre les représailles coloniales. Nous appelons la communauté de Harvard à prendre des mesures pour mettre fin à l’anéantissement en cours des Palestiniens. »

Kenneth Griffin, le milliardaire fondateur du hedge fund Citadel a décroché son téléphone pour exiger que la direction de la célèbre université du Massachusetts monte au créneau pour défendre l’Etat hébreu. Cet homme, qui a donné 500 millions de dollars (468 millions d’euros) à Harvard, ne décolérait pas, notamment dans un entretien au New York Times, y qualifiant d’« impardonnable » la lettre des associations étudiantes. Et il n’est pas le seul. Non juifs – comme M. Griffin qui est presbytérien — ou juifs, les anciens élèves de l’université sont partis à l’assaut.

Le patron du hedge fund Pershing Square, Bill Ackman, a demandé la liste des membres des associations signataires. « Un certain nombre de PDG m’ont demandé si Harvard publierait une liste des membres de chacune des organisations de Harvard qui ont publié la lettre attribuant l’entière responsabilité des actes odieux du Hamas à Israël, afin de s’assurer qu’aucun d’entre nous n’embauche l’un d’eux par inadvertance », a twitté M. Ackman.

Devant les critiques, le financier a persisté : « Embaucheriez-vous quelqu’un qui imputerait aux victimes les violences ignobles d’un groupe terroriste ? Je ne pense pas. Embaucheriez-vous un membre d’une association scolaire qui aurait publié une déclaration accusant les victimes de lynchages perpétrés par le Ku Klux Klan, je ne pense pas. »

Une liste noire du genre « McCarthy »

Certains sont passés à l’action, tel le célèbre cabinet d’avocat Davis Polk, qui a annulé les offres d’embauches faites à trois étudiants de Harvard et de Columbia à New York, d’autres universités ayant connu des polémiques similaires à celles de Harvard.

« Les opinions exprimées dans certaines déclarations contreviennent directement [à notre] système de valeurs », a déclaré le cabinet Davis Polk dans un communiqué. Pour garantir « un environnement de travail solidaire et inclusif, les dirigeants étudiants ayant signé ces déclarations ne sont plus les bienvenus ». Toutefois, deux des trois étudiants ayant expliqué qu’ils n’avaient pas approuvé cette lettre ont vu leur cas réexaminé.

Dans cette bataille, Larry Summers, l’ancien président de Harvard et ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, avait été l’un des premiers à monter au créneau : « En près de cinquante ans d’affiliation à Harvard, je n’ai jamais été aussi désillusionné et éloigné qu’aujourd’hui », avait-il déploré. Mais il a fini par demander un peu de compassion vis-à-vis des étudiants dans un entretien à Bloomberg : « Cette lettre a été publiée six heures après les attentats… Certains, j’en suis sûr, étaient naïfs et stupides. » Selon lui, Ackman s’est « laissé un peu emporter » en exigeant une liste noire du genre « McCarthy ».

« Deux maux ne font pas un bien », a renchéri son collègue économiste Jason Furman, ancien conseiller de Barack Obama. « Publier des listes d’étudiants et des informations personnelles sous les rubriques “terroriste”, “génocidaire” et “antisémite” est tout simplement une erreur en toutes circonstances, et surtout lorsque bon nombre des personnes citées n’ont rien à voir avec cette déclaration. » Mais ce n’est pas l’avis de Ken Griffin, qui estime que ces étudiants « auraient été considérés comme des adultes il y a cent ans. »

Leslie Wexner, ancien patron de Victoria’s Secret, a décidé de couper ses liens avec Harvard. Ronald Lauder, président du Congrès juif mondial et héritier d’Estée Lauder, a menacé de supprimer les donations à l’université de Pennsylvanie après avoir critiqué l’accueil par cette dernière d’un festival d’écrivains palestiniens où des propos antisémites auraient été tenus. Enfin, Jon Huntsman, ancien ambassadeur américain en Chine, a annoncé à la même université qu’il « fermait son carnet de chèques », estimant que « [le] relativisme moral [de l’université] » l’avait rendue « méconnaissable ».

Désintérêt et liberté d’expression

Le 12 octobre, sous la bannière « les antisémites en chefs de Harvard », un camion portant le nom d’étudiants ayant signé la pétition contre Israël sillonnait les rues de Cambridge (Massachusetts), la ville située près de Boston qui abrite Harvard, avec renvoi à un site Internet : Harvardhatesjews (« Harvard hait les juifs »).

Certains ont tenté de défendre ces étudiants. « Furieux sur l’antisémitisme, des milliardaires tentent d’interdire la liberté de parole sur les campus », titre un article du Los Angeles Times qui contre-attaque en rappelant le passé peu reluisant de certains de ces milliardaires – les liens de Leslie Wexner avec le pédocriminel Jeffrey Epstein – et les rétributions dont bénéficient les donateurs, avec des bâtiments baptisés à leur nom et des biographies sérieusement enjolivées.

L’affaire pose la question de l’influence académique de ces donateurs prétendument désintéressés et les étudiants concernés se défendent au nom de la liberté d’expression. L’ennui, c’est que Harvard était au regard de ses détracteurs devenu le temple de la cancel culture et de l’absence de liberté d’expression. Selon le classement effectué par les associations conservatrices College Plus et Fire (The Foundation for Individual Rights and Expression), repris par le Wall Street Journal, l’université figure au 248ᵉ et dernier rang de la liberté d’expression, selon une enquête réalisée auprès de 55 000 étudiants américains, avec pour commentaire : « épouvantable ».