Des dirigeants universitaires israéliens contestent la décision d’ouvrir une faculté de médecine dans une colonie en Cisjordanie

Ces dirigeants universitaires affirment que la décision d’ouvrir cette faculté à l’Université d’Ariel est un « diktat de politiciens » qui ouvrira la voie à une ingérence gouvernementale dans le système éducatif.

Le Comité des dirigeants universitaires exige de nouvelles délibérations sur la décision d’autoriser l’Université d’Ariel, dans la colonie de peuplement d’Ariel en Cisjordanie, à ouvrir une faculté de médecine.

Dans une lettre aux termes vifs, les dirigeants universitaires citent la décision comme un exemple de mesures qui amènent les universitaires à ne plus avoir l’assurance que les entités chargées de superviser le système de l’enseignement supérieur peuvent le protéger contre toute ingérence excessive du gouvernement.

« Il n’y a pas lieu de prendre des décisions hâtives, certainement pas de celles conçues pour ressembler à un diktat de politiciens », écrit le Comité des dirigeants universitaires à la présidente du Conseil du Comité de planification et de budgétisation de l’enseignement supérieur, la professeure Yaffa Zilbershats.

La semaine dernière, lors d’une réunion du Comité de planification et de budgétisation, les trois représentants universitaires au Comité ont lu une lettre de protestation qui dénonce ce qu’ils qualifient d’ingérence politique du ministre de l’Éducation, Naftali Bennett, dans les travaux du Comité.

Aujourd’hui, la critique des dirigeants universitaires élargit la confrontation. Contrairement aux réclamations passées de même nature, cette fois, l’Université Bar Ilan est partie prenante dans la critique.

Lors d’une réunion, la semaine dernière, du Comité de planification et de budgétisation, les professeurs Yeshayahu Talmon, Mouna Maroun et Yossi Shain ont déclaré : « Récemment, le Comité de planification et de budgétisation a pris des décisions d’une manière rapide et impropre, contournant même le Comité ».

Cette critique se concentre sur la rapidité avec laquelle l’Université d’Ariel a reçu l’approbation d’ouvrir une faculté de médecine, alors même « qu’il manquait des réponses d’importance » à un certain nombre de questions.

Le Comité de planification et de budgétisation est chargé de répartir les 11 milliards de shekels (2,5 milliards €) du budget du gouvernement pour l’Enseignement supérieur entre les différentes universités et facultés. La critique publique du processus d’approbation pour la faculté de médecine est considérée comme extraordinaire, tout comme la lettre envoyée jeudi dernier à Zilbershats par le Comité des dirigeants universitaires qui représente les universités de recherche d’Israël.

Dans la lettre, le président de l’Université de Tel Aviv, le professeur Joseph Klafter, écrit que la lettre de protestation des trois représentants universitaires au Comité de planification et de budgétisation sur la façon de prendre les décisions « constitue une très forte sonnette d’alarme ».

Dans une référence directe aux allégations des trois professeurs sur l’intervention du ministre Bennett de l’Éducation dans les domaines professionnels, Klafter ajoute : « Nous voyons avec beaucoup d’inquiétude grandir le manque de confiance envers un organisme que nous estimons d’extrême importance – le Conseil de l’enseignement supérieur – le seul tampon entre le monde universitaire et les politiciens, et le Comité de planification et de budgétisation – l’entité chargée d’attribuer les ressources de l’État au système de l’enseignement supérieur, lequel, dans le cadre de ses travaux, est également censé s’engager dans une planification et une réflexion à long terme ».

Dans leur lettre, les dirigeants universitaires demandent que « soit produite la base de données présentée aux membres du Comité de planification et de budgétisation comme toile de fond de (sa) décision » pour la faculté de médecine d’Ariel.

Ils demandent également que la question soit revue par le Comité, en tenant compte des arguments avancés par les membres du Comité qui s’opposent à l’approbation de la faculté de médecine d’Ariel.

Il n’est pas clair que le Comité de planification et de budgétisation soit bien disposé à l’égard de la requête, mais cela atteste d’un fossé qui s’élargit entre le Comité et les dirigeants universitaires.

Selon une source universitaire, la lettre reflète « une inquiétude de voir le CPB se transformer en une autorité purement formelle pour Bennett ». La source ajoute : « Ces dernières années, nous avons été obligés de regarder avec tristesse comment le Conseil de l’enseignement supérieur obtempère à toutes les décisions que le ministre veut faire passer, même lorsqu’il s’agit de décisions totalement politiques ».

Selon des sources universitaires, ces décisions incluent la loi qui rend les institutions académiques israéliennes en Cisjordanie responsables du Conseil israélien pour l’enseignement supérieur et la tentative de dicter un code d’éthique au monde universitaire. Une source ajoute : « Récemment, nous avons été témoins d’un processus préoccupant qui apparaît aussi au CPB, lequel, jusqu’à présent, se conduisait d’une manière totalement professionnelle en ce qui concerne l’allocation des fonds de l’État ».

Des critiques similaires ont été exprimées au cours du week-end par un groupe d’universitaires, la Communauté académique de Basha’ar pour la société israélienne, à laquelle de nombreux membres du corps enseignant universitaire appartiennent. « Les protestations des professeurs membres du CPB sont une alerte de… l’érosion des mécanismes responsables du système de l’enseignement supérieur » affirme le groupe.

En réponse, le Comité de planification et de budgétisation déclare : « La lettre des dirigeants universitaires est remplie de déformations et contient des éléments de diffamation. Le processus de prise de décision sur la question de la faculté de médecine d’Ariel est irréprochable. La première décision sur la question a été prise en novembre 2017 et les équipes professionnelles ont soumis tout le matériel nécessaire pour la session. La session entière s’est déroulée selon les procédures ». Le CPB ajoute : « Il est regrettable que chaque fois qu’un problème survient qui pourrait saper le ‘guide universitaire’ », en référence à une association commerciale ou professionnelle fermée, « leurs représentants au CPB choisissent de s’opposer à la question pour des raisons non pertinentes. Nous continuerons de diriger le système de l’enseignement supérieur et de travailler à son développement continu ».