Des centaines d’universitaires interpellent le Département d’Etat pour qu’il rectifie sa définition de l’antisémitisme et respecte en tant que libre expression la critique d’Israël

La revue de presse qui suit a été fournie par Jewish Voice for Peace (Une voix juive pour la paix).

18 mai 2015 – Une lettre ouverte signée par plus de 250 membres du Conseil Académique Consultatif de Jewish Voice for Peace demande au Département d’Etat des Etats-Unis de revoir sa définition de l’antisémitisme de façon à empécher toute accusation d’antisémitisme d’être utilisée pour réduire au silence les critiques d’Israël.

A la lumière de récents articles, qui ont fait l’actualité, et qui mêlaient les débats sur les campus à propos de la politique israélienne avec des compte-rendus de montée de l’antisémitisme, la lettre affirme la nécessité impérieuse de distinguer la critique de l’état d’Israël de l’antisémitisme véritable.

En particulier, la lettre questionne la pertinence de certaines clauses de la définition de l’antisémitisme par le Département d’État qui réfèrent à « démoniser », « délégitimiser », et « appliquer ‘deux poids et deux mesures’ à l’état d’Israël ». Comme Simona Sharoni, une enseignante israélo-américaine de Gender and Women’s Studies (Etudes sur le genre et les femmes) à SUNY Plattsburgh, l’a noté : « De telles interdictions sont si vagues qu’elles peuvent être, et ont été, utilisées pour réduire au silence toute critique de la politique israélienne ». Selon Palestine Solidarity Legal Support (Soutien légal à la solidarité avec la Palestine) qui rend compte des tentatives de faire taire des militants défendant les droits des Palestiniens, 60 incidents de cette nature ont eu lieu sur les campus états-uniens dans les quatre premiers mois de l’année 2015.

En ce moment, un texte qui doit passer devant l’Assemblée Législative de l’état de Californie cette semaine vise à codifier la définition problématique du Département d’Etat au sein de la loi. Les militants anti-palestiniens ont l’intention d’utiliser cette loi pour réduire au silence ceux qui veulent qu’Israël rende des comptes sur sa façon de traiter les Palestiniens.

On compte parmi les universitaires connus qui ont signé la lettre : Rabab Abdulhadi (San Francisco State University), Joel Beinin (Université de Stanford, ancien président de Middle East Studies Association of North America), Karen Brodkin (UCLA), Judith Butler (UC Berkeley), Lisa Duggan (NYU, président de American Studies Association), Richard Falk (Princeton University, ancien rapporteur à l’ONU sur les droits des Palestiniens), Katherine Franke (Columbia University), Neve Gordon (Université Ben Gourion), Amy Kaplan (Université de Pennsylvanie), Zachary Lockman (NYU), Ian Lustick (Université de Pennsylvanie), John Mearsheimer (Université de Chicago), Chandra Talpade Mohanty (Syracuse University), Joan Nestle, James Schamus (Columbia University), Sarah Schulman (City University of New York), and Joan Scott (Princeton University).

Une pétition signée par plus de 15 800 membres de Jewish Voice for Peace a également circulé en soutien à cette lettre.

Jewish Voice for Peace est une organisation communautaire nationale, inspirée de la tradition juive de travailler à une paix juste et durable, respectant les principes définissant les droits humains, l’égalité et le droit international pour tous les habitants d’Israël et de la Palestine. Jewish Voice for Peace a 200 000 partisans connectés, plus de 65 groupes, une branche jeune, un conseil rabbinique et un comité consultatif composé d’artistes et d’intellectuels réputés.

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Ce qui suit est le texte de la lettre, et la liste complète des signataires est disponible sur demande.

Chers secrétaire d’état John Kerry, envoyé spécial pour surveiller et combattre l’antisémitisme Ira Forman, et ambassadeur itinérant pour le bureau de la liberté religieuse dans le monde David Saperstein,

En tant qu’universitaires engagés dans le combat contre l’antisémitisme et autres formes d’oppression, nous nous opposons aux efforts en cours pour réduire au silence la critique légitime de l’état d’Israël en codifiant son inclusion dans la définition de l’antisémitisme.

Plusieurs résolutions au niveau de l’état (1) et du campus (2) en Californie font exactement cela en utilisant la définition problématique du Département d’Etat concernant l’antisémitisme.

La soi-disant « définition du Département d’Etat » contient des clauses à propos de « démonisation », de « délégitimisation » et d’ « utilisation du ‘deux poids, deux mesures’ à l’égard de l’état d’Israël », interdictions qui sont si vagues qu’elles peuvent être, et ont été, interprétées pour faire taire toute critique des politiques israéliennes.

Ces clauses proviennent d’une proposition de définition de l’Observatoire Européen [des phénomènes racistes et xénophobes], laquelle a été largement critiquée et a été retirée (3) comme document de travail par l’instance européenne en 2013. Cette définition possède peu d’autorité légale (4) aux États-Unis parce que, si elle était mise en oeuvre, elle restreindrait la liberté d’expression contrairement à la Constitution. Qui plus est, une définition aussi vague diminue la possibilité d’identifier et de traiter les incidents de véritable antisémitisme quand ils surviennent.

En tant que Juifs et alliés, nous demandons au Département d’État des États-Unis de revoir sa définition de l’antisémitisme afin qu’elle reflète son engagement à s’opposer à la haine et à la discrimination sans restreindre la liberté d’expression protégée par la Constitution.

Signée par plus de 250 membres du Conseil Consultatif de Jewish Voice for Peace.

Références :

  1. Texte de la législation de Sacramento.
  2. Résolution de l’Université de Californie à Los Angeles, la position de Jewish Voice for Peace.
  3. Article du magazine en ligne « Times of Israël » : l’Union Européenne retire son projet de définition de l’antisémitisme.
  4. Palestine Legal [Action Network] : FAQ sur la définition de l’antisémitisme par le Département d’Etat.