Des archéologues s’empressent d’évacuer les artefacts menacés par une frappe israélienne

Les responsables déménagent en hâte trois décennies de découvertes dans une ‘opération à haut risque’

Un responsable en charge de presque trois décennies de découvertes archéologiques à Gaza a raconté comment les artefacts ont été évacués en hâte du bâtiment dans la ville de Gaza menacé par une frappe israélienne.

« Ce fut une opération à haut risque, menée dans un contexte extrêmement dangereux pour tous ceux qui y étaient impliqués – un véritable sauvetage de dernière minute », a dit Olivier Poquillon, directeur de l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem (EBAF) où étaient hébergées ces reliques.

Mercredi matin, les autorités israéliennes ont ordonné à l’EBAF – l’une des plus anciennes institutions académiques de la région – d’évacuer ses réserves archéologiques entreposées au rez-de-chaussée d’une tour résidentielle de Gaza ville qui devait être prise pour cible.

L’armée israélienne n’a pas confirmé l’avertissement quand l’AFP l’a interrogée, mais plusieurs sources ont dit que la France, l’Unesco et le Patriarcat Latin de Jérusalem avaient joué un rôle clef dans l’obtention d’un bref sursis qui a permis de déplacer la plupart des artefacts.

« Alors qu’il ne reste presque aucun acteur international ni aucune infrastructure sur le terrain, ni rien qui fonctionne, nous avons dû improviser le transport, le travail et la logistique », a dit Poquiillon.

L’évacuation, a-t-il ajouté, a été menée dans le plus grand secret, avec « comme préoccupation majeure, en tant qu’organisation religieuse, de ne mettre aucune vie en danger », alors que l’armée israélienne intensifiait ses opérations dans le plus grand centre urbain du territoire.

Le dépôt contenait environ 180 mètres cubes de découvertes des cinq principaux sites archéologiques de Gaza, dont le monastère Saint Hilarion du quatrième siècle, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. La totalité de ces sites a été endommagée, a dit l’EBAF, exprimant son inquiétude pour les mosaïques « uniques » laissées à nu malgré leur fragilité.

Poquillon a dit que Gaza possède « un patrimoine extrêmement ancien, très précieux pour la région, témoin de la succession et de la coexistence de peuples, de cultures et de religions ».

L’un des deux musées de Gaza a été détruit et l’autre lourdement endommagé depuis que la guerre a commencé il y a près de deux ans.

Des chercheurs ont dit à l’AFP que, à part quelques ruines éparses grandement vulnérables aux bombardements, l’entrepôt de l’EBAF était le seul dépôt important d’artefacts qui restait dans le territoire palestinien.

La découverte du passé de Gaza a commencé après les accords d’Oslo en 1993.

Deux ans après, le service des antiquités de Gaza nouvellement créé a commencé ses premières fouilles archéologiques en coopération avec l’EBAF, mettant à jour les restes de l’ancien port grec d’ Anthedon et une nécropole romaine.

Les fouilles se sont arrêtées après la prise du pouvoir par le Hamas en 2007 et l’imposition du blocus par Israël, reprenant des années plus tard avec le soutien du British Council et de l’ONG française Première Urgence Internationale (PUI).

Avec Israël qui envosage une prise de contrôle totale sur Gaza et les négociations de paix au point mort, les archéologues disent que les perspectives de reprise des fouilles sont lointaines.

L’Unesco, qui a déjà identifié, à l’aide d’images satellite, des dégâts sur 94 sites patrimoniaux de Gaza, dont le Palais du Pacha du 13ème siècle, n’a pas encore pu faire un inventaire complet.

« Nous en avons sauvé une grande partie, mais lors d’un sauvetage, vous perdez toujours quelque chose et vous faites toujours face à des choix pénibles », a dit René Elter, archéologue affilié à l’EBAF et coordinateur scientifique pour PUI.

Le dépôt, a-t-il dit, était particulièrement précieux parce que les collections avaient été systématiquement répertoriées.

« Beaucoup d’objets ont été cassés ou perdus, mais ils avaient été photographiés ou dessinés, ce qui fait que les informations scientifiques ont été préservées », a dit Elter. « Peut-être est-ce que ce seront les seules traces qui resteront de l’archéologie de Gaza – dans des livres, des publications, des bibliothèques. »