Déclaration pour le boycott d’un groupe de travail à l’université hébraïque de Jérusalem

Cinquante-cinq universitaires et intellectuels, la plupart exerçant une fonction en lien avec l’Asie du Sud, et quatre grandes associations académiques et culturelles figurent parmi ces centaines d’universitaires en différents domaines qui exhortent les universitaires à boycotter toute manifestation officielle organisée par les universités et les institutions israéliennes qui se font les complices de l’occupation et de l’apartheid. En particulier, les signataires, ci-dessous, de la lettre demandent aux universitaires de ne pas participer pas au groupe de travail sur l’Asie du Sud dans la Deuxième Guerre mondiale, lequel doit se tenir cet été à l’université hébraïque de Jérusalem. Sont notamment présents dans cette liste d’universitaires et intellectuels : Aijaz Ahmad, Partha Chatterjee, Githa Hariharan, Jasbir Puar, Nivedita Menon, Tithi Bhattacharya, Junaid Rana, et Najaf Haider. Nous nous engageons à ne pas franchir la ligne internationale de piquetage jusqu’à ce que « l’occupation de la Palestine et le blocus de Gaza cessent, l’inégalité raciale infligée aux Palestiniens en Israël prenne fin, et que le Mur de l’apartheid soit démantelé ».


Au cours du mois passé, les forces militaires israéliennes ont investi des universités palestiniennes, tirant à balles réelles, blessant et lançant des lacrymogènes sur les étudiants. À l’université technique palestinienne Kadoorie de Tulkarem en Cisjordanie, l’armée israélienne a envahi le campus et blessé neuf étudiants palestiniens. Les soldats israéliens ont également pénétré dans l’université de Birzeit le 11 janvier, et ils ont fermé les portes de cet important centre de l’enseignement supérieur palestinien. Les soldats sont allés de porte en porte dans les dortoirs, harcelant les étudiants avant d’enlever Aseed al-Banna, membre du conseil des étudiants. Le Syndicat des universités palestiniennes a dénoncé ces incursions et ces attaques continuelles contre le droit à l’instruction. Tel est le contexte pour les étudiants et universitaires palestiniens, qui font tout ce qu’ils peuvent pour travailler, sous l’occupation et sous le feu des Israéliens.

En outre, à l’automne 2015, de nombreux étudiants et jeunes ont été tués, arrêtés, enlevés, placés en détention administrative (sans limitation de durée) et torturés, par les soldats et par les colons israéliens. Les Palestiniens en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, à Jérusalem, et à l’intérieur même d’Israël, ont été soumis à une agression brutale par Israël impliquant des assassinats extrajudiciaires par les soldats, des lynchages par les colons, des incendies criminels dans lesquels moururent des bébés et des familles, et un harcèlement raciste quotidien. Ce ne sont là que les incidents les plus récents d’une violence promulguée par l’État israélien qui mène cette guerre en toute impunité, et qui continue d’encager et d’assiéger les Palestiniens.

Au beau milieu de tout cela, l’université hébraïque de Jérusalem organise un séminaire sur la « La situation difficile indienne : l’Asie du Sud dans la Deuxième Guerre mondiale », en juin 2016 [Ce groupe de travail est parrainé par le Conseil européen de la Recherche en vertu de l’Accord d’Association Union européenne-Israël, en dépit des violations continues et flagrantes par Israël des droits de l’homme et du droit international, auxquelles [se sont opposés publiquement des centaines d’universitaires européens.]].

Nous appelons tous les historiens sur l’Asie du Sud à boycotter ce groupe de travail et toutes les interactions académiques de cette sorte avec les universités israéliennes qui se font les complices de l’occupation, de la guerre, et de l’apartheid.

Participer au groupe de travail de l’université hébraïque serait franchir la ligne mondiale de piquetage et violer l’appel au Boycott, Désinvestissement et Sanctions, appel lancé par la Palestine (www.pacbi.org). Le boycott académique est un outil puissant pour nous les universitaires, pour exprimer notre opposition de principe à l’occupation, à l’apartheid et à la colonisation. Mais si l’ensemble des universités israéliennes se rendent totalement complices de la politique coloniale et raciste de l’État, l’université hébraïque de Jérusalem se distingue tout particulièrement en ce que :

  • son campus du Mont Scopus est construit sur une terre palestinienne confisquée en toute illégalité par Israël en 1968. L’annexion unilatérale par Israël de Jérusalem-Est occupée, ainsi que sa mise en œuvre d’une législation israélienne interne, sont des violations de la Quatrième Convention de Genève qui ont été à plusieurs reprises dénoncées par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies ;
  • elle entretient des liens étroits avec l’industrie militaire israélienne, laquelle est accusée de crimes de guerre contre les civils palestiniens ; elle accorde des privilèges spéciaux aux soldats et au personnel de sécurité israéliens ; et elle collabore avec l’armée israélienne dans la formation de ses agents et recrues ;
  • elle discrimine les Palestiniens, y compris ceux qui sont citoyens d’Israël, dans plusieurs domaines, notamment en ne fournissant pas de services d’enseignement aux habitants de Jérusalem alors qu’elle en fournit aux organisations juives ; et en ne donnant aucun cours en arabe ;
  • elle dénie toute liberté d’expression et de manifestation à ses rares étudiants palestiniens.

En outre, le boycott académique est un acte de solidarité avec nos collègues palestiniens qui se voient refuser toute liberté académique, il est une dénonciation de leur situation de non-liberté. Israël refuse systématiquement aux universitaires et étudiants palestiniens le droit à l’instruction et la liberté de mouvements, car ils n’ont pas la possibilité de se déplacer librement pour des études, des conférences et des recherches, à l’intérieur de la Palestine comme au-delà des frontières. Des universités palestiniennes ont été bombardées ; des écoles ont été fermées ; des universitaires et étudiants ont été expulsés, arrêtés et, dans certains cas, tués. Israël empêche aussi méthodiquement les universitaires et étudiants internationaux de venir faire des recherches ou étudier en Palestine, et il décide de qui peut entrer dans ses frontières pour visiter les institutions académiques palestiniennes. Par conséquent, le soutien au boycott académique est un appel à la liberté académique pour tous, et à la fin de la séquestration dont sont victimes nos collègues palestiniens dans tous les territoires palestiniens morcelés.

Enfin, nous notons l’ironie avec laquelle l’appel à contribution du groupe de travail mentionne la décolonisation de l’Inde à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, sans rappeler que la décolonisation de l’Inde s’est produite alors même qu’un régime colonial d’implantation se mettait en place en Palestine en 1948, l’année de la Nakba. Il y a sans aucun doute un débat intéressant à avoir à propos « de l’entendement, de la mémoire, et de l’opinion » sur la Deuxième Guerre mondiale et le rôle des combats nationalistes, débat qui pourrait amener utilement les historiens sur l’Asie du Sud à aborder ces questions s’agissant de Jérusalem.

Mains nous ne pouvons l’avoir tant que l’occupation de la Palestine et du blocus de Gaza n’auront pas cessé, que l’inégalité raciale infligée aux Palestiniens en Israël n’aura pas pris fin, et que le Mur de l’apartheid ne sera pas démantelé.

Signatures

1. Abdul Rahman Ansari, Assistant Professor, Indraprastha College for Women, University of Delhi
2. Achin Vanaik, Retd. Professor of International Relations and Global Politics, University of Delhi.
3. Aditya Nigam, Professor, CSDS, Delhi
4. Aijaz Ahmad, Professor, Comparative Literature & Critical Theory, University of California, Irvine.
5. Amar Farooqui, Department of History, University of Delhi.
6. Anandhi S., Madras Institute of Development Studies.
7. Anjali Arondekar, Feminist Studies, University of California-Santa Cruz
8. Anupama Rao, Department of History, Barnard College.
9. Aradhana Sharma, Chair and Associate Professor, Anthropology, Wesleyan University
10. Awanish Kumar, Assistant Professor, Department of Public Policy, St. Xavier’s College, Mumbai.
11. Ayushya Kaul, Research Scholar, Delhi.
12. Barnita Bagchi, Faculty of Humanities, Utrecht University.
13. Biswamoy Pati, Department of History, University of Delhi.
14. Carolyn L. Karcher, Professor Emerita, Temple University
15. Chandni Desai, University of Toronto, Canada
16. Chirashree Das Gupta, Jawaharlal Nehru University.
17. Dibyendu Chaudhuri, Pradan.
18. Elisabeth Armstrong, Smith College.
19. Elora Halim Chowdhury, Associate Professor, University of Massachusetts-Boston
20. Githa Hariharan, writer, India.
21. Harry C. Meserv, Emeritus Associate Librarian, San Jose State University
22. Jasbir Puar, Rutgers University
23. Junaid Rana, Associate Professor, University of Illinois at Urbana-Champaign
24. Jyotsna Singh, journalist, India.
25. Kasturi Ray, Assoc. Professor, Women and Gender Studies; Co-Director South Asian Studies Program, San Francisco State University
26. Kavita Saraswathi Datla, Department of History, Mount Holyoke College.
27. Manu Goswami, Department of History, New York University.
28. Modhumita Roy, Department of English, Tufts University.
29. Najaf Haider, Centre for Historical Studies, Jawaharlal Nehru University.
30. Nivedita Menon, Professor, Jawaharlal Nehru University, Delhi, India
31. Nosheen Ali, Habib University, Karachi, Pakistan
32. Parama Roy, English, University of California-Davis
33. Partha Chatterjee, Columbia University.
34. Piya Chatterjee, Scripps College
35. Pranav Jani, Associate Professor, Ohio State University, Columbus, Ohio
36. Rahul Vaidya, New Delhi.
37. Rajini Srikanth, University of Massachusetts-Boston
38. Ranabir Samaddar, Distinguished Chair in Migration and Forced Migration Studies, Calcutta Research Group, India.
39. Saadia Toor, Associate Professor, Sociology, College of Staten Island; Women’s Studies Certificate Program, CUNY Graduate Center
40. Saibal Bishnu, Kolkata, India.
41. Satadru Sen, Historian.
42. Saumyajit Bhattacharya, Department of Economics, Kirori Mal College, University of Delhi.
43. Sayandeb Chowdhury, School of Liberal Studies, Ambedkar University, Delhi.
44. Seema Mustafa, journalist, India.
45. Selvyn Jussy, Department of Linguistics, University of Calcutta.
46. Shefali Chandra, Associate Professor, South Asian History, Washington University-St. Louis
47. Sherna Berger Gluck, Emerita, California State University-Long Beach
48. Snehal Shingavi, Associate Professor, English, University of Texas, Austin
49. Suchetana Chattopadhyay, Department of History, Jadavpur University.
50. Sujani Reddy, Associate Professor, American Studies, SUNY-Old Westbury
51. Sukumar Murlidharan, Indian Institute of Advanced Studies, Shimla.
52. Sunaina Maira, Professor, Asian American Studies, University of California, Davis.
53. Surajit Mazumdar, Jawharlal Nehru University, New Delhi.
54. Tithi Bhattacharya, Professor of History, Purdue University.
55. Vijay Prashad, Professor of International Studies, Trinity College.
56. Maia Ramnath, Professor of History and Asian Studies, Pennsylvania State University.

Approuvée par les Campagnes pour le boycott académique et culturel suivantes :

  • l’AURDIP (Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine) ;
  • le BRICUP (Comité britannique pour les universités de Palestine) ;
  • l’InCACBI (Campagne indienne pour le boycott académique et culturel d’Israël) l’USACBI (Campagne états-unienne pour le boycott académique et culturel d’Israël).