DECLARATION EUROPEENNE D’OBJECTION DE CONSCIENCE

Pas d’activités académiques « comme si de rien n’était » pendant l’occupation, l’apartheid et le génocide en Palestine

  • Des membres du personnel enseignant et administratif de l’enseignement supérieur et de la recherche en Europe appellent les dirigeants universitaires à mettre fin aux accords bilatéraux avec les institutions israéliennes et avec les compagnies complices de graves violations du droit international (jus cogens), en particulier d’une occupation illégale, de la ségrégation et de l’apartheid, du génocide et de la violation du droit à l’auto-détermination du peuple palestinien.
  • Nous appelons l’Union européenne à respecter ses obligations légales et à mettre fin immédiatement à l’accord d’Association entre l’UE et Israël au vu de la violation par Israël de son Article 2. Selon l’Accord, la Commission européenne a accordé plus de 2,12 milliards d’euros de subventions à des institutions israéliennes, y compris à des institutions complices de graves violations du droit international (en particulier au ministère israélien de la Défense).
  • En l’absence d’une action de principe comme celle esquissée ci-dessous, nous déclarons notre objection de conscience à toute collaboration avec des institutions israéliennes et avec les compagnies complices de graves violations du droit international et nous nous engageons à soutenir le droit du peuple palestinien à la vie, à la dignité et à l’auto-détermination.

Signez la Déclaration européenne ici.

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Nous, membres soussignés du personnel enseignant et administratif travaillant dans l’enseignement supérieur et la recherche en Europe, sommes indignés par la destruction systématique du peuple palestinien par Israël et par le déni de leur droit à l’auto-détermination. À la mi-septembre 2025, les forces israéliennes avaient tué plus de 65 000 Palestiniens à Gaza, dont 18430 enfants. Les experts médicaux suggèrent en outre que la mortalité par des blessures traumatiques a été largement sous-estimée dans les rapports. Une commission d’enquête indépendante à l’initiative des Nations Unies conclut maintenant qu’Israël a commis quatre des cinq actes génocidaires définis par la Convention sur le génocide de 1948, avec « l’intention de détruire les Palestiniens de Gaza ». Le Premier ministre israélien lui-même a clarifié l’objectif de la campagne militaire punitive à Gaza comme étant de «  détruire de plus en plus de maisons » et de ne laisser aux Palestiniens « aucun endroit où revenir » : une expulsion de masse soutenue par près de 82% des Israéliens juifs. Fin juillet 2025, la résolution non contraignante de la Knesset d’annexer la Cisjordanie a annoncé au monde entier son intention criminelle. Mais Israël a déjà réalisé de facto une annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par l’accélération de la violence des colons sponsorisée par l’État et par l’expansion juridictionnelle, avec la complicité consciente des financeurs européens, y inclus la Commission européenne.

Comme l’interprétation juridique offerte par l’université d’Anvers l’a affirmé, ces crimes et d’autres en cours contre le peuple palestinien violent les fondations mêmes, les normes impératives, de l’ordre de droit international, qui interdit le génocide, les crimes contre l’humanité, la discrimination raciale et l’apartheid, et le droit à l’auto-détermination. Israël est premier dans le monde, pour la deuxième année consécutive, dans toutes les mesures de la violence contre les enfants, en étant responsable de plus d’enfants amputés à Gaza que partout ailleurs dans le monde. En plaçant plus de 86 % de la Bande de Gaza sous une ordonnance autorisant à « tirer pour tuer » en juillet 2025, Israël a fait des sites de distribution de nourriture des champs d’assassinats, sous le feu des snipers, les tanks et les hélicoptères de combat et a mis en place un « massacre silencieux » par la famine et les morts de malnutrition, dans une doctrine d’extermination qui reçoit un large soutien dans la société israélienne.

Ce n’est que le dernier chapitre d’une litanie de crimes que les 27 États membres de l’UE, parties du Statut de Rome, étaient sous l’obligation d’empêcher et qui auraient dû déclencher la fin de l’Accord d’association entre l’UE et Israël selon l’ Article 2 de l’Accord, qui affirme le respect du droit international. Après un examen de l’UE concluant qu’Israël viole des droits humains fondamentaux, les États membres de l’UE ont néanmoins voté contre l’imposition de sanctions à Israël, mettant la priorité au contraire sur l’engagement de l’UE « à ne pas punir Israël ». Cependant, le Comité spécial des Nations Unies pour enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien (A/79/363, IX), des experts chevronnés des droits humains des Nations Unies et de nombreuses associations de défense des droits humains, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ainsi que l’Association internationale des spécialistes sur le génocide ont tous déterminé que les actions d’Israël à Gaza remplissaient les critères de la définition des génocides. Israël est actuellement sous le coup d’une enquête pour crime de génocide par la Cour internationale de justice (CIJ), le principal organisme judiciaire des Nations Unies et des dirigeants israéliens sont recherchés par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, dont le crime d’extermination et le crime de famine. En juillet 2024, la CIJ a déclaré que l’occupation par Israël des territoires palestiniens est illégale, qu’elle revient à une annexion, qu’elle constitue une agression continue et viole l’interdiction de la ségrégation et de l’apartheid. Des experts des droits humains des Nations Unies ont clarifié que, pour que les États membres des Nations Unies respectent leurs obligations après le jugement de la CIJ, ils doivent «  annuler ou suspendre les relations économiques, les accords commerciaux et les relations universitaires avec Israël, qui peuvent contribuer à sa présence illégale et à son régime d’apartheid dans le territoire palestinien occupé ».

De plus, en oblitérant le secteur entier de l’éducation et le patrimoine culturel à Gaza, les actions d’Israël visent à détruire systématiquement le passé et le futur du peuple palestinien. Ce que des experts des Nations Unies ont baptisé de « scolasticide » dès avril 2024, suivant Karma Nabulsi, est couplé avec la complicité des universités israéliennes de l’autre côté de la clôture entourant Gaza. Toutes les disciplines des universités israéliennes ont été depuis longtemps des complices majeures dans la matrice israélienne de l’occupation militaire, de la violence des colons, de l’apartheid et maintenant du génocide. Elles ont joué un rôle actif dans le développement de systèmes d’armement et de doctrines militaires et juridiques utilisées pour maintenir l’occupation illégale de la Palestine, en justifiant la colonisation illégale et l’annexion des territoires occupés, en rationalisant le nettoyage ethnique et les assassinats extra-judiciaires des Palestiniens autochtones, et en participant à d’autres violations explicites des droits humains et du droit international ; elles ont aussi systématiquement exercé des discriminations contre les étudiants et le personnel « non-juif » (Wind 2024). 

L’échec de l’UE à agir face à une telle criminalité éhontée est aussi l’échec de toutes les institutions publiques en Europe, dont les universités, contraintes par association à empêcher des crimes comme le génocide. Le programme de l’UE Horizon Europe a joué un rôle actif dans l’encouragement de ces crimes, en facilitant la collaboration avec des universités israéliennes complices et en versant 2,12 milliards d’euros à des entités israéliennes, dont le ministère israélien de la Défense, depuis 2014. La Commission européenne a fourni à des institutions israéliennes plus de 238 millions d’euros rien que pendant la première année du génocide. Malgré les inquiétudes éthiques et juridiques exprimées au Parlement européen, la Commission européenne a continué à subventionner la recherche pour des fabricants israéliens de drones, de bombes à fragmentation et d’armes chimiques, tels que Israeli Aerospace Industries et Elbit Systems. Un soutien financier de la sorte à l’armée israélienne a établi un accablant bilan de complicité dans ce que la CIJ a reconnu comme l’occupation criminelle des territoires palestiniens et de manière plausible également dans le génocide en cours par Israël à Gaza.

Même ainsi, nous ne sommes pas sans leadership ni espoir. Guidés par nos collègues palestiniens de Gaza nous, soussignés, nous engageons à soutenir la lutte palestinienne pour une vie de dignité, pour la liberté, l’égalité et la sécurité dans leur propre patrie, et pour le droit à l’éducation. Dès 2004, la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) a appelé à un boycott des institutions universitaires israéliennes afin de construire une pression non-violente pour qu’Israël respecte le droit international. En accord avec la définition acceptée internationalement de la liberté d’expression telle qu’elle a été adoptée par le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels (UNESCR), les directives de PACBI appellent à :

  • refuser toute forme de coopération universitaire et culturelle avec les institutions israéliennes ;
  • recommander un boycott global des institutions israéliennes complices ;
  • promouvoir le désinvestissement d’Israel auprès des institutions universitaires internationales ;
  • travailler à la condamnation institutionnelle des politiques israéliennes ;
  • soutenir les institutions académiques et culturelles palestiniennes directement sans exiger d’elles un partenariat avec leurs homologues israéliennes.

Alors que l’UE et la majeure partie de son secteur de l’enseignement supérieur continuent à esquiver leurs obligations vis-à-vis du droit international, quelques universités d’Irlande, de Belgique et des Pays-Bas ainsi que toutes les universités d’Espagne et la plupart de celles de Norvège, ont adopté des mesures concrètes pour prendre leurs distances par rapport aux institutions israéliennes et aux compagnies complices d’activité criminelle. Parallèlement, huit pays du Groupe de la Haye ont annoncé des sanctions contre Israël en respect de leurs obligations vis-à-vis du système juridique international que l’UE a trahi.

Alors que nous commençons une nouvelle année universitaire témoin d’un génocide, nous déclarons que nous ne prendrons part à aucune collaboration avec des institutions israéliennes de l’enseignement supérieur et de la recherche complices et que nous travaillerons à démanteler la complicité de l’Europe dans la destruction de la Palestine. Nous nous engageons à couper les liens avec toutes les institutions israéliennes complices, les représentants de ces institutions et les individus qui participent aux efforts d’Israël pour normaliser ou «  donner une meilleure image »  à sa criminalité. En accord avec les Directives de PACBI pour le boycott universitaire international d’Israël, nous boycottons la complicité et non l’identité, et nous rejetons pour des raisons de principe les boycotts basés sur la citoyenneté, la race, le genre ou la religion. En même temps, nous nous engageons à promouvoir de nouveaux partenariats avec les institutions palestiniennes pour combattre l’isolement systématique de l’éducation et de la recherche palestiniennes.

Nous déclarons que nous suivrons désormais les trois principes suivants :

  1. Nous ne contribuerons à aucune collaboration avec les institutions israéliennes complices, et nous ne médiatiserons, ne promouvrons ni n’encouragerons de telles collaborations ;
  2. Nous ne contribuerons à aucun échange d’étudiants et/ou de personnel avec les institutions israéliennes complices et nous ne médiatiserons, ne promouvrons ni n’encouragerons de tels échanges ;
  3. Nous ne participerons à aucune activité organisée par, ou impliquant, des institutions israéliennes complices et nous ne médiatiserons, ne promouvrons ni n’encouragerons la participation à de telles activités.

En outre, nous, soussignés, sommes engagés à défendre le droit international et les droits humains et à ce titre nous appelons les chercheurs et chercheuses en Europe à collaborer seulement avec des partenaires de principe qui reconnaissent les décisions des tribunaux internationaux et la Résolution 194 (III) des Nations Unies entérinant le droit au retour des réfugiés palestiniens et de leurs descendants. Nous n’aurons pas de repos jusqu’à ce qu’ils puissent retourner chez eux.

Signez la Déclaration européenne ici

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Cette déclaration a été écrite par un collectif de chercheurs en Europe et finalisée le 17 septembre 2025. Elle est inspirée par la Déclaration d’Uppsala d’objection de conscience. Finalisée en Suède le 8 mai 2025, cette Déclaration a été signée par plus de 2400 membres du personnel enseignant et administratif représentant toutes les institutions d’enseignement supérieur et de recherche du pays. Une déclaration similaire a été depuis signée par 400 universitaires d’Allemagne, et une autre doit bientôt suivre en Espagne.

Ressources supplémentaires

  • Pour en savoir plus sur la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israel (PACBI), voir le site web du mouvement international BDS.
  • Pour en savoir plus sur les projets de recherche Horizon Europe subventionnés par l’UE et liés aux crimes israéliens en Palestine depuis octobre 2023, voir la pétition European Scholars for Human Rights
  • Pour en savoir plus sur la complicité des universités en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en France, et en Suède, suivez les liens indiqués.
  • Rejoignez la campagne Stop Funding Genocide [Cessons de financer le génocide] pour briser l’Accord d’association entre Israël et l’Union européenne.
  • Lisez la Lettre ouverte co-signée par 209 anciens ambassadeurs et personnel de haut rang d’États membres de l’UE appelant à la mise en œuvre immédiate de mesures de l’UE contre les actions illégales d’Israël à Gaza et en Cisjordanie.
  • Lisez l’ Appel urgent d’universités belges aux dirigeants de l’Union européenne et des États membres afin de suspendre immédiatement l’Accord d’association entre Israël et l’Union européenne.
  • Lisez la pétition pour mettre fin à l’Accord UE-Israël par l’ECCP (Europe), l’AFP (Irlande), l’AURDIP (France), le BA4P (Belgique), le BRICUP (Royaume-Uni), Dutch Scholars for Palestine (Pays-Bas) et le RUXP (Espagne), signée par 75 organisations et plus de 4500 membres du personnel et étudiants des universités.

— Les membres du personnel enseignant et administratif (y compris les doctorants, le personnel hors recherche, et les émérites) formellement associés à n’importe quelle institution d’enseignement supérieur et de recherche de l’UE/EEA, de Suisse ou du Royaume-Uni sont invités à signer la Déclaration. Merci de la signer en utilisant votre adresse mail universitaire/institutionnelle. Si votre adresse mail n’est pas acceptée ci-dessous, merci de contacter uppsaladeclaration@protonmail.com.