Déclaration de solidarité de l’USACBI avec les enseignants et les étudiants attaqués à l’Université de la ville de New York

Le 22 mars, l’éminente professeure Sarah Schulman a été sommée de témoigner devant une Commission sur l’antisémitisme de l’Université de la Ville de New York (CUNY). La Commission a été….

Le 22 mars, l’éminente professeure Sarah Schulman a été sommée de témoigner devant une Commission sur l’antisémitisme de l’Université de la Ville de New York (CUNY). La Commission a été montée à la hâte après que l’Organisation Sioniste d’Amérique ait remis une lettre contenant une série d’allégations d’antisémitisme sur plusieurs campus de CUNY. Des journaux tels que le New York Post et l’Observer n’ont aucunement tenté d’enquêter sur ces allégations, couvrant le récit comme si c’était un fait. Ainsi que le signifie clairement le professeur Schulman dans ce qu’elle rapporte de son témoignage, les accusations d’antisémitisme au campus de Staten Island étaient totalement infondées.

Comme l’a documenté Palestine Legal dans son rapport, L’exception palestinienne à la liberté de parole, les événements de CUNY font partie d’un comportement typique dans le pays, selon lequel des militants critiques de la politique de l’État israélien ou défenseurs des droits civiques des Palestiniens sont régulièrement calomniés et traités d’incivils, de diviseurs, d’antisémites ou de soutiens du terrorisme.

Ces accusations ont un impact destructif croissant. L’accusation d’antisémitisme qui dénigre et menace des universitaires courageux tels Bill Mullen, Jasbir Puar, Steven Salaita, et Sarah Schulman, a en plus été récemment maniée par des membres du Sénat de l’État de New York pour légitimer le vote d’une loi visant à faire une coupe de près d’un demi million de dollars dans le budget de l’université de la ville de New York. Des projets de loi réprimant ou interdisant les campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions pour la liberté des Palestiniens ont été présentés dans différents États du pays.

Nous nous élevons contre tous les efforts engagés pour faire taire la contestation et pour s’en prendre à la liberté de parole, à la liberté universitaire, au soutien à la libération de la Palestine ou à la campagne de boycott, désinvestissement, sanctions contre Israël. Même si nous avons confiance dans le fait qu’enquêter sur des allégations telles celles de CUNY ne peut que révéler que les accusations de comportement raciste ou discriminatoire sont infondées, nous notons que de telles enquêtes sont des formes d’intimidation qui contribuent à criminaliser la contestation sur les campus. Nous notons aussi comment le deux poids deux mesures est à l’œuvre : il n’y a pas eu, par exemple, de commissions sur l’islamophobie à CUNY ou dans d’autres institutions. Il est au contraire largement évident que des associations d’étudiants qui se préoccupent de l’islamophobie ont été infiltrées par la police et que leurs membres ont été empêchés de tenir des réunions sous divers prétextes. Aussi lançons nous un appel aux groupes sur les campus du pays, à défendre fermement la liberté académique et le droit à la contestation dans ces temps de persécution.

Voici la déclaration de la Professeure Sarah Schulman

J’ai témoigné aujourd’hui devant la Task Force de CUNY sur l’antisémitisme.

J’étais accompagnée par mon avocat, Jed Eisenstein, qui est président du Bureau de Jewish Voices for Peace. J’ai eu aussi le soutien juridique de Palestine Legal et du Centre pour les Droits Constitutionnels.

Un membre de la Task Force, Paul Shechtman, était absent. Lui et son avocat qui – en plus d’être dans cette Task Force – défend l’officier du Département de Police de New York qui a tué Akai Gurley, et sa firme a aussi défendu Dominique Strauss-Kahn. En son absence, j’ai été interrogée par la juge Barbara Jones.

À mon arrivée à leur bureau de Park Avenue, on m’a présenté une liste d’accusations de quatorze pages établie par l’Organisation Sioniste d’Amérique (ZOA). Cette organisation, autrefois importante, est maintenant un petit groupe d’extrême droite. Quand bien même ZOA a mené une campagne de presse me traitant d’antisémite dans le New York Post et le Daily News, en fait je n’étais nommée nulle part dans leur lettre.

Ils en avaient en revanche contre le groupe d’étudiants dont je suis la conseillère académique, les Étudiants pour la Justice en Palestine (SPJ) de la Faculté de Staten Island (CSI). Nous avons passé en revue systématiquement toutes les accusations, TOUTES étant fabriquées ou absurdes. Par exemple, SPJ était accusé de tracer des svastikas sur les murs de la faculté. Mais aucun incident de ce genre n’a jamais été relevé. Aucun rapport n’existe qui mentionnerait que qui que ce soit ait fait une telle chose à CSI ; le président de la faculté lui-même ne se souvient pas que cela soit jamais arrivé.

La lettre était en réalité une liste de calomnies contre les étudiants musulmans. De vagues accusations revenaient sans cesse selon lesquelles « un étudiant musulman » avait dit quelque chose de désagréable à un étudiant juif. Mais il n’y avait aucune preuve que cet étudiant musulman fabriqué avait quelque rapport que ce soit avec SPJ. Ces étudiants n’ont jamais été identifiés, et il n’y avait aucun détail tel que des dates.

J’ai aussi parlé des étudiants eux-mêmes : à quel point je respecte nos étudiants et combien le travail avec eux m’a enrichie. Combien d’étudiants de SPJ sont palestiniens. Leurs familles ont été déplacées. Des membres de leur famille ont été en détention illégale. On leur a refusé l’entrée en Israël/Palestine à cause de leur militantisme politique. J’ai dit à la Task Force que j’ai appris à connaître les étudiants et certains membres de leurs familles. Qu’ils n’ont JAMAIS été antisémites ou homophobes ni n’ont fait quoi que ce soit qui justifie une réponse institutionnelle négative.

Une des accusations était qu’une « étudiante juive » avait caché son étoile de David à la vue d’étudiants musulmans. En plus du fait que cela n’a rien à voir avec SPJ, j’ai expliqué à la Task Force qu’il existe des Juifs qui ont de perceptions déshumanisantes des Arabes, des Musulmans et des Palestiniens et qui projettent sur eux une énorme anxiété. Mais que cela n’a rien à voir avec les étudiants musulmans eux-mêmes. Et que ce n’est certainement pas leur faute.

Puis nous avons discuté de la relation entre sionisme et judaïsme. J’ai témoigné du fait que depuis la naissance du sionisme, depuis que Théodore Herzl a publié son livre l’État juif en 1896, des divergences existent parmi les Juifs sur le sionisme. Que pendant toute son histoire, pendant 5 700 ans, le judaïsme a été une religion de dialogue enracinée dans le commentaire et dans le questionnement. Et que le moment présent est le seul où les Juifs sont convoqués à une pensée homogène. Qu’en fait, cette pression pour forcer les Juifs à une pensée unique est a-historique et non judaïque.

Nous en sommes venus finalement à l’enquête elle-même. J’ai expliqué en détails à la Task Force comment l’Organisation Sioniste d’Amérique m’a harcelée sur Twitter, envoyant de dix à quarante tweets par jour à mon éditeur, à des critiques, des amis et des collègues dans lesquels ils me traitaient de « terroriste » ; comment ils ont saboté ma page Wikipedia, y insérant un messonge selon lequel je serais allée à Gaza en tant « qu’invitée du Hamas » (je ne suis jamais allée à Gaza et je n’ai pas de contact avec le Hamas) ; et qu’ils se sont servi des media pour me harceler parce que nous n’avons pas les mêmes valeurs.

J’ai ensuite soulevé la question troublante de Abe Foxman (le chef de la Ligue anti diffamation d’extrême droite) cité dans le Daily News pour avoir dit qu’il approuvait la façon dont j’étais traitée à CUNY. J’ai demandé : « comment Abe Foxman sait-il seulement COMMENT CUNY me traite ? » Comment ces individus qui ne sont même pas fiables parviennent-ils à établir une liste d’accusations absurdes et obtiennent que CUNY se donne du mal et engage des dépenses pour créer une Task Force ? » Et j’ai dit que je voyais « une relation inopportune entre ZOA et CUNY ». J’ai finalement demandé : « pourquoi donc sommes nous ici ? »

À la fin de la réunion, on m’a demandé ce que je pensais que la Task Force devait indiquer dans son rapport final. Ma suggestion a été que « les Étudiants pour la Justice en Palestine devraient être traités comme n’importe quel autre groupe d’étudiants ».

On verra !