Déclaration d’Al-Haq sur la suspension de financement imposée par la Commission européenne

Le 17 décembre 2021, des membres du groupe S&D [Socilaistes et démocrates] du Parlement européen ont posé des questions parlementaires sur la suspension de financement à laquelle Al-Haq a été….

Le 17 décembre 2021, des membres du groupe S&D [Socilaistes et démocrates] du Parlement européen ont posé des questions parlementaires sur la suspension de financement à laquelle Al-Haq a été soumise par la Commission européenne. L’ONG Monitor, une organisation toxique de diffamation affiliée au gouvernement israélien, a saisi l’occasion de ces questions pour lancer de nouvelles attaques contre le financement européen de Al-Haq et contre la société civile palestinienne plus largement.

Caractéristiques de l’agenda et des tactiques de l’ONG Monitor, ces attaques sont à motivation politique et pleines de désinformation. Des groupes amplifiant les attaques de l’ONG Monitor affirment maintenant que la Commission « a mis fin » au financement de Al-Haq. Cela n’est pas exact : le financement de Al-Haq a été supendu (mis en pause) en attendant une vérification de la part de la Commission.

Malheureusement, la Commission a fait preuve d’un comportement hautement problématique vis-à-vis de Al-Haq, préparant la scène pour les dernières attaques de l’ONG Monitor. Pour rétablir quelques faits, nous clarifions ce qui suit :

La suspension n’est pas un développement récent. La Commission l’a imposée en mai 2021, en gelant un des nos projets juridiques subventionnés par l’Union européenne (UE). Elle l’a fait en se référant à « un rapport du gouvernement israélien qui lance des accusations contre le détournement des subventions des donateurs européens par les organisations de la société civile palestinienne afin de financer des activités terroristes ».

Le rapport mentionné est exactement le même « rapport confidentiel du gouvernement israélien » dont +972 Magazine (et d’autres médias) ont révélé qu’il ne contenait absolument aucune preuve sérieuse contre Al-Haq et les cinq autres ONG palestiniennes qu’Israël a désignées en octobre 2021 comme « organisations terroristes » (voir aussi l’article de suivi par +972 Magazine).

Nous avons vu ce rapport biaisé et en avons rendu compte. L’information minimale relative à Al-Haq qu’il contient est complètement ridicule. Basé sur un témoignage non confirmé de quelqu’un qui n’a jamais été impliqué dans Al-Haq, le rapport affirme que « quelqu’un qui n’est pas un agent du Front populaire de libération de la Palestine est interdit de tout travail » avec Al-Haq. La pure absurdité de cette affirmation se passe d’autre commentaire.

Quand la Commission a annoncé la suspension de son financement, elle nous a informés qu’elle vérifierait si notre projet avait été « sujet à une quelconque violation de ses obligations ou à une irrégularité ». Elle a lancé un examen à cette fin, auquel nous nous sommes conformés. Cet examen a été achevé en juillet 2021 — des mois avant qu’Israël n’ait désigné Al-Haq, pour des raisons politiques. L’examen n’a identifié « aucune violation d’obligations ou irrégularité ». Pourquoi la Commission n’a-t-elle pas levé la suspension de son financement à ce moment ?

De plus, la Commission n’a ni clarifié ni étayé les motifs factuels et juridiques de sa suspension. Nous avons demandé cette clarification dès mai 2021. A ce jour, nous ne l’avons pas reçue. La Commission a simplement ignoré nos questions et nos demandes légitimes à ce sujet, qui sont directement pertinentes pour notre capacité à nous défendre contre les allégations d’Israël et contre toute mesure défavorable de l’UE basée sur ces allégations.

La Commission n’a répondu qu’à la fin de 2021, après l’implication de notre avocat. Elle l’a fait en se référant aux allégations d’Israël, confirmant qu’elle n’avait pas levé la suspension de financement dans l’attente « d’investigations supplémentaires sur l’information reçue des autorités israéliennes » — ajoutant qu’une « une décision sur la suspension ne sera probablement pas prise avant la fin du premier trimestre de 2022 » — i. e. pas avant la fin mars.

C’est choquant. Comme plusieurs Etats membres de l’UE, la Commission a reconnu à plusieurs reprises qu’Israël n’a pas réussi à ce jour à présenter quelque chose de concret et de crédible contre les six ONG désignées, dont Al-Haq. Elle est parfaitement consciente des risques sérieux auxquels sont confrontées ces ONG tant au niveau organisationnel qu’au niveau individuel. Pourquoi la Commission augmenterait-il notre vulnérabilité en agissant selon les désignations d’Israël, retardant sa décision pendant des mois — et encourageant de fait Israël à accroître encore sa campagne de persécution politique ?

C’est à la fois surprenant et troublant, si l’on considère que la Commission est parfaitement consciente de l’agenda politique derrière l’attaque d’Israël contre la société civile palestinienne. Israël cherche à perturber les ONG qui surveillent ses violations sévères des droits humains et du droit international, parmi lesquelles des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, dont le crime d’apartheid, qui rapportent sur ces crimes et qui promeuvent la demande que des comptes soient rendus. Flanqué par des organisations proxys comme l’ONG Monitor, Israël le fait par des campagnes de diffamation, d’exclusion des plateformes et de cessation de financement contre la société civile palestinienne.

Sous la précédente Commission, de telles campagnes ont été dénoncées comme « sans fondement et inacceptables ». Dans une lettre officielle de juillet 2017, la Haute-Représentante de l’UE d’alors, Mogherini, a explosé contre l’ancien ministre israélien des Affaires stratégiques, Erdan, comme « contribuant à des campagnes de désinformation ». Elle l’a fait en réponse à des allégations aussi vagues, infondées et à motivations politiques que les affirmations à la base des tentatives actuelles d’Israël pour criminaliser et détruire la société civile palestinienne.

Nous savons qu’Al-Haq a encore beaucoup d’amis dans l’UE, dans la Commission et dans les Etats membres. Cependant, nous savons aussi que la Commission actuelle inclut des responsables qui sont désireux de s’adapter à l’agenda d’Israël, aux dépens des inquiétudes et des intérêts légitimes de la société civile palestinienne et des droits fondamentaux des Palestiniens en général.

En tant qu’ Al-Haq, nous espérons sincèrement que l’UE reviendra à son engagement envers la société civile palestinienne, engagement basé sur les valeurs et sur la confiance qui a caractérisé nos relations de principe pendant longtemps. Pour le bien de la société civile palestinienne — mais aussi dans l’intérêt propre de l’UE, en tant qu’acteur de premier plan dans le monde pour promouvoir les droits humains et la règle de droit et en tant que principal promoteur international d’une solution viable à deux Etats.

La suspension de financement que la Commission a imposée sur Al-Haq marque une rupture de cet engagement. Elle n’est pas fondée, elle est illégitime et elle devrait être rejetée par quiconque soutient les principes démocratiques et les droits humains. Comme indiqué plus haut, le traitement de Al-Haq par la Commission a été caractérisé par un manque stupéfiant de transparence et de réactivité, en violation des standards minima de la Commission en matière de bonne administration. Nous réfléchirons à d’autres options et démarches pour contester la suspension qui a duré plus de neuf mois.

(Pour plus d’information sur l’agenda et les tactiques de l’ONG Monitor, voir le rapport de septembre 2018 du Groupe de travail sur la politique israélienne : «  NGO Monitor – Defaming human rights organizations that criticize the Israeli occupation  » [ONG Monitor — Diffamer les organisations des droits humains qui critiquent l’occupation israélienne] ; y compris une section p. 35-37 sur les attaques de l’ONG Monitor contre Al-Haq)

Lien à la déclaration entière ici