D’après un rapport, l’Université de l’Illinois a protégé un suprématiste blanc, mais non Steven Salaita

L’association américaine des professeurs d’université (AAUP) a publié un rapport accablant sur le licenciement de Steven Salaita par l’Université de l’Illinois. Ce rapport ouvre la voie à une possible censure….

L’association américaine des professeurs d’université (AAUP) a publié un rapport accablant sur le licenciement de Steven Salaita par l’Université de l’Illinois. Ce rapport ouvre la voie à une possible censure de l’université.

La censure, qui doit être votée lors de l’assemblée annuelle de l’AAUP, est une sanction rare et grave, destinée à « informer les membres de l’association, la profession dans son ensemble et le public, que des éléments insatisfaisants sur la liberté académique et de titularisation ont prévalu ».

C’est une salissure préjudiciable que la plupart des institutions voudraient à tout prix éviter. Avant même une éventuelle censure, le rapport de l’AAUP va certainement renforcer le boycott de l’université qui a vu des universitaires de renom, dont Cornell West, Todd Presner, directeur des études juives de UCLA et Anital Hill, professeur de Brandeis, annuler leur venue sur ce campus.

Salaita a été licencié en août dernier alors qu’il était sur le point d’être titularisé dans le cadre du programme d’études américaines indiennes du campus d’Urbana-Champain (UIUC), sur la base de tweets critiquant l’attaque israélienne sur Gaza, que les administrateurs ont taxé de manque de « civisme ».

Ce faisant, l’université a violé des principes historiques de poids sur la liberté académique et de titularisation, ainsi que le conclut le rapport.

Salaita a été « démis »

Le rapport de l’AAUP confirme – sur la base de précédents datant de 1962 aussi bien que de pratiques généralement acceptées en la matière – que la décision de l’université a constitué un licenciement et non un simple retrait de l’offre de poste.

Salaita avait donc droit à la pleine protection de sa liberté académique et à une procédure en bonne et due forme, toutes choses que l’université a violées.

Le rapport examine de façon méticuleuse le motif de « civisme » cité par la recteure de l’UIUC, Phyllis Wise, et qualifie de « pure spéculation » le fait que les tweets de Salaita feraient de lui un enseignant inapproprié.

L’AAUP défend depuis longtemps l’idée que le « civisme » et la « collégialité » sont des critères vagues maniés par les puissants sur les marginaux de manière à imposer la conformité aux idées dominantes.

Le rapport signale que par le passé, des critères de civisme étaient utilisés par « les aristocrates pour se distinguer de la bourgeoisie » et par « les Chrétiens pour établir leur supériorité sur les Musulmans et les Juifs ».

La peur des professeurs

Dans les interviews conduits avec des professeurs sur le campus, le comité d’investigation de l’AAUP a perçu de fortes préoccupations quant à un « effet paralysant » sur la liberté de parole causé par la décision concernant Salaita.

Le fait que « des enseignants non titularisés en particulier se sentaient menacés et que nombre d’entre eux, notamment dans les humanités, cherchent des postes ailleurs a été rapporté », parce qu’ils « craindraient que l’université ne les soutienne pas si des critiques sont faites de l’extérieur à leurs travaux ».

Un professeur a dit au comité que la conduite de l’université avait été « terriblement dévastatrice » pour le moral des enseignants.

Les programmes les plus touchés sont ceux qui sont déjà marginalisés – les études ethniques, en particulier le programme de renommée internationale concernant les études Indiennes Américaines.

Un professeurs a dit au comité : « je ne connais pas un seul enseignant (de ces programmes) qui ne soit à la recherche d’un autre poste », une observation réitérée par un administrateur, selon le rapport.

« Les enseignants nés à l’étranger, les non-citoyens dont beaucoup enseignent à temps partiel dans les départements de langue » et les professeurs qui « enseignent l’arabe ou qui sont musulmans » se sentent « particulièrement fragilisés par l’éviction du professeur Salaita » a ajouté le rapport.

Les membres auxiliaires du corps professoral ressentent un risque élevé et, ajoute le rapport, « les craintes d’enseignants en attente de titularisation ont été exacerbées » par l’hostilité de l’administration aux tentatives de syndicalisation.

Protection des préjugés

Deux exemples antérieurs en rapport avec la liberté de parole mentionnés dans le rapport de l’AAUP éclairent la pure hypocrisie de l’université de l’Illinois dans le licenciement de Salaita.

En 2010, le département d’études religieuses décidait de ne pas réembaucher un professeur à temps partiel chargé de cours sur le catholicisme, après qu’il ait envoyé un mail aux étudiants dont certains ont trouvé qu’il exprimait des vues anti-gay.

« Sans rapport avec la liberté académique, quoi qu’il en soit, l’administration de l’UIUC décida de rejeter » la décision du département et « embaucha cette personne pour assurer ce cours », note le rapport.

Dans le cas de Salaita, les administrateurs se sont montrés plus particulièrement soucieux de ce que ses déclarations – exprimées en dehors des salles de cours – pourraient mettre mal à l’aise des étudiants au sujet d’Israël. Ils n’ont apparemment pas eu le même souci vis-à-vis des étudiants LGBT.

Il y a un autre contraste flagrant avec Salaita dans le cas du professeur aujourd’hui retraité après de longues années d’enseignement, Robert Weissberg.

Selon le rapport de lAAUP, Weissberg « défendait régulièrement les principes de la suprématie blanche » et s’exprimait souvent dans des rencontres suprématistes. Parmi les opinions qu’il épouse, « les Noirs ont généralement la réputation bien méritée de violence collective déclenchée pour un rien ».

« L’administration ne prit aucune mesure contre lui, manifestant ainsi de la tolérance pour des propos offensants, hors les murs, qui n’ont pas été observés chez Salaita », note le rapport.

Le rapport de l’AAUP soutient globalement les éléments du Comité sur la liberté académique et la titularisation du Conseil des professeurs de l’UIUC qui, en décembre dernier, a critiqué les violations de politique et de procédure de l’administration.

La recteure Wise a annoncé qu’elle ne tiendrait pas compte de ses recommandations, notamment sur le fait de revoir la décision de licencier Salaita.

Les choses étant ce qu’elles sont, il serait étonnant que Wise et les fiduciaires de l’université qui ont soutenu sa décision, fassent marche arrière – même face à la menace de la censure.

En janvier, Salita a intenté une procédure contre les fiduciaires, les administrateurs et les donateurs de l’université concernant son licenciement.

Cette affaire en est encore au début de la phase de contentieux.