Conflit israélo-palestinien : un statu quo mortifère

Avec la mort de neuf Palestiniens et de sept Israëliens en deux jours, la zone a connu une escalade des violences. Pour sortir de l’impasse, le lien entre l’occupation et les violences devra être reconnu au lieu d’être occulté par la dénonciation du recours au terrorisme par des Palestiniens.

Raid israélien meurtrier à Jénine, en Cisjordanie occupée, tirs de roquettes palestiniennes sur Israël depuis Gaza, bombardements israéliens en représailles, attaque terroriste près d’une synagogue d’un quartier de colonisation israélien situé dans la partie orientale de Jérusalem conquise en 1967 : en l’espace de deux jours, avec la mort de neuf Palestiniens et de sept Israéliens, ce conflit a renoué avec ses pires heures.

L’escalade en cours ne surprendra que ceux qui s’obstinent à nier la réalité d’une spirale mortifère. Depuis des semaines, le niveau de violence ne cesse d’inquiéter. En Cisjordanie occupée, les douze derniers mois ont ainsi été les plus meurtriers pour les Palestiniens depuis la fin de la deuxième Intifada, en 2005. Ce bilan dramatique a été enregistré avant même l’arrivée au pouvoir en Israël de la coalition la plus à droite de l’histoire du pays, qui a confié à un responsable d’extrême droite, membre d’un parti naguère interdit, le portefeuille de la sécurité.

Face à cette flambée de violence, les appels au calme lancés depuis les capitales étrangères, de Washington à Paris, résonnent dans le vide, sans doute du fait de leur propre vacuité. Car ils s’accompagnent toujours de l’invocation de la solution des deux Etats, la seule à même, à les en croire, de mettre un terme, un jour, à ces violences qui semblent sans fin. La possibilité d’une Palestine viable s’est malheureusement évanouie depuis longtemps, faute d’une confiance minimale dont les deux protagonistes sont désormais incapables et faute d’un arrêt de la colonisation israélienne de la Cisjordanie qui ronge inlassablement le territoire qui aurait dû constituer un Etat palestinien.
Camper dans le déni

Rien n’est en mesure aujourd’hui d’entretenir le plus faible espoir. En Israël tout d’abord, où la société se divise pratiquement sur tout sauf sur la question palestinienne, et où les perspectives oscillent entre le maintien d’un statu quo instable et une annexion pure et simple de pans entiers de la Cisjordanie. Au sein de l’Autorité palestinienne privée de sa raison d’être, la création d’un Etat. Elle est incarnée par Mahmoud Abbas, 87 ans, plus impuissant et discrédité que jamais auprès d’un peuple qui constate chaque jour la disparition du moindre horizon politique et au sein duquel la tentation de la lutte armée reprend de la vigueur.

Les parrains occidentaux de feu le processus de paix, qui ont choisi de camper dans le déni, peuvent mesurer la pertinence de leur indifférence à l’aune de la détermination affichée par la nouvelle coalition israélienne de faire respecter « un droit exclusif et inaliénable sur toutes les parties de la Terre d’Israël », qui inclut à ses yeux la Cisjordanie occupée, et à y encourager la colonisation. Les régimes arabes qui ont spectaculairement normalisé leurs relations avec Israël dans le cadre des accords Abraham, sans se soucier une seconde du sort des Palestiniens, ont également alimenté l’illusion de ce statu quo.

Ce dernier restera la garantie du désastre tant que le lien entre l’occupation et les violences ne sera pas reconnu au lieu d’être totalement occulté par la dénonciation, en elle-même légitime, du recours au terrorisme par des Palestiniens. Attendu lundi et mardi dans la région, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Antony Blinken, doit prendre la mesure de l’impasse. S’il s’en tient aux antiennes éculées, sa visite ne sera qu’une nouvelle occasion perdue de commencer à en sortir.

Le Monde