L’Université palestinienne Birzeit, en Cisjordanie, s’inquiète d’une nouvelle procédure du ministère israélien de la défense qui entrera en vigueur à partir du mois de mai. Cette procédure permettra à l’armée israélienne de décider quels professeurs et étudiants, et en quel nombre, pourront venir chaque année enseigner ou étudier dans les universités palestiniennes. « Il s’agit d’une violation du droit à l’éducation », selon l’appel lancé par l’Université de Birzeit.
A partir du mois de mai, Israël déterminera quels professeurs étrangers seront encore autorisés à enseigner dans les universités de Cisjordanie occupée. L’État israélien limitera également le nombre d’étudiants étrangers. Il s’agit de la dernière tentative d’Israël de restreindre le droit fondamental des Palestiniens à l’éducation et de porter atteinte à la liberté académique et à l’autonomie des universités palestiniennes.
L’Université de Birzeit est l’une des principales universités palestiniennes, située près de Ramallah, en Cisjordanie. Elle appelle les universitaires du monde entier à protester contre ces violations de la liberté académique. Nous, universitaires de différentes disciplines en Belgique, décidons de nous joindre à cet appel.
Les nouvelles procédures mises en place pour décider qui peut entrer dans le pays pour étudier ou donner des cours à l’université ont été élaborées par le ministère israélien de la défense. Seul un organe gouvernemental de ce ministère sera autorisé à juger si une personne peut entrer dans le pays pour enseigner dans une université palestinienne.
L’appel de l’Université de Birzeit
Pour montrer ce que signifient les mesures draconiennes qu’Israël veut imposer, nous citons l’appel de l’Université de Birzeit, ne serait-ce que pour donner la parole aux personnes qui seront touchées par les nouvelles mesures :
« Prévue pour entrer en vigueur en mai 2022, la « Procédure pour l’entrée et la résidence des étrangers dans la région de Judée et Samarie » accorde aux militaires israéliens des pouvoirs immenses pour isoler les universités palestiniennes du monde extérieur, et pour déterminer le cours futur de l’enseignement supérieur palestinien. La nouvelle directive confère à l’armée israélienne le droit absolu de sélectionner les professeurs, chercheurs et étudiants étrangers qui peuvent être présents dans les universités palestiniennes, ainsi que d’imposer ses propres critères arbitraires sur les domaines d’études autorisés et les qualifications acceptables. Elle exige que chaque candidat se soumette à un interrogatoire auprès de la mission diplomatique israélienne dans son pays d’origine, tout en imposant de lourdes cautions monétaires aux personnes sélectionnées pour l’entrée. En outre, la directive limite fortement le nombre d’enseignants et d’étudiants étrangers autorisés (100 et 150 par an, respectivement), et limite la durée de leur emploi à cinq années non consécutives, empêchant ainsi l’embauche et la promotion durables du corps enseignant. Par conséquent, certains professeurs et étudiants actuels qui ne détiennent pas de permis de résidence pourraient être contraints de partir et les programmes universitaires se trouvent dans l’incapacité de recruter de nouveaux employés et d’entreprendre des recherches et des échanges universitaires en collaboration. En clair, la directive assiège les universités palestiniennes et les prive d’un contrôle fondamental sur leurs décisions académiques.
L’attaque contre le droit à l’éducation et la liberté académique que ces procédures incarnent fait partie de l’assaut continu contre les institutions palestiniennes d’enseignement supérieur depuis leur création. Les étudiants, le corps enseignant et les employés de l’Université de Birzeit souffrent depuis des décennies d’une campagne militaire israélienne implacable qui comprend des fermetures forcées (l’une d’entre elles a entraîné la fermeture de l’université pendant plus de quatre ans), des incursions sur le campus, des intimidations et des emprisonnements. Ces actions sont indissociables du système raciste et multiple d’apartheid et de persécution qui prive le peuple palestinien de ses droits les plus fondamentaux, notamment la liberté d’expression et la poursuite de progrès et de développement scientifiques.
Nous appelons toutes les organisations universitaires et de défense des droits de l’homme à se joindre à nous pour refuser ces procédures, et à exiger que tous les gouvernements tiennent Israël, la puissance occupante, pour responsable de cette violation manifeste du droit international, notamment de la Quatrième Convention de Genève (1949), du droit à l’éducation inscrit dans l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et de l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966). »
Les universitaires soussignés soutiennent pleinement cet appel de l’Université de Birzeit et appellent les universités et les autorités politiques belges à informer les autorités israéliennes que ces mesures d’apartheid qui paralysent l’enseignement supérieur palestinien sont totalement inacceptables. Plus que jamais, la participation d’Israël aux programmes d’échange et de recherche belges et européens doit être soumise à la condition contraignante du respect de la liberté académique des institutions palestiniennes.
*Carte Blanche réalisée par un collectif de signataires :
Prof Ludo Abicht (UAntwerpen) ; Prof em. Jean-Jacques Amy (VUB), Prof. Karel Arnaut (KU Leuven) ; Prof. Yves Cartuyvels (U St Louis, Bruxelles) ; Prof. ém. Marie-Christine Closon (UCLouvain) ; Prof. Bert Cornillie (KU Leuven) ; Prof. em. Marc David (UAntwerpen) ; Prof. Daniel de Beer (U St Louis, Bruxelles) ; Prof. Alban de Kerchove d’Exaerde (ULB) ; Prof. Patrick Deboosere (VUB) ; Prof. Lieven De Cauter (KU Leuven & RITCS) ; Prof. em. Herman De Ley (UGent) ; Prof. Amaury Dehoux (UCLouvain) ; Prof. em. Marc Demeyere (UGent) ; Prof. Serge Deruette (UMONS) ; Prof. Vincent Engel (UCLouvain) ; Prof. Jan Engelen (KU Leuven) ; Prof. Nadia Fadil (KU Leuven) ; Prof. Dr. Tomaso Ferrando (UAntwerpen) : Prof. ém. Jean-Marie Frère (ULiège) ; Prof. ém. Michel Gevers (UCLouvain) ; Prof. Serge Gutwirth (VUB) ; Prof. ém. Perrine Humblet (ULB) ; Dr. Omar Jabary Salamanca (UGent) ; Prof. ém. Marc Jacquemain (ULiège) ; Prof. Olivier Klein (ULB) ; Dr. Vijay Kolinjivadi (UAntwerpen) ; Prof. em. Madeline Lutjeharms (VUB) ; Prof. Yves Moreau (KU Leuven) ; Prof. Christine Pagnouille (ULiège) ; Prof. Olivier Servais (UCLouvain) ; Prof. Roschanack Shaery (UAntwerpen) ; Dr. Nozomi Takahashi (UGent) ; Prof. Gert Van Hecken (UAntwerpen) ; Prof. Dan Van Raemdonck (ULB et VUB) ; Prof. Thomas Vanriet (KU Leuven) ; Dr. Karin Verelst (VUB/RITCS). prof Karim Zahidi (UAntwerpen).