L’une des plus grandes menaces contre la liberté d’expression en Occident s’avère être la campagne multinationale qui grandit et veut bel et bien rendre illégal le plaidoyer en faveur du….
L’une des plus grandes menaces contre la liberté d’expression en Occident s’avère être la campagne multinationale qui grandit et veut bel et bien rendre illégal le plaidoyer en faveur du boycott d’Israël. Des personnes se sont fait arrêter à Paris – le site du ralliement de « la liberté d’expression » 2015 (pour les critiques musulmans) – pour avoir porté des t-shirts pro-boycott. Des étudiants pro-boycott sur les campus US – là où dans les années 1980 le boycott de l’Afrique du Sud prospérait – sont continuellement sanctionnés pour non-respect de la politique anti-discrimination. Des dirigeants canadiens ont menacé de poursuites pénales les défenseurs du boycott. Des organismes gouvernementaux britanniques ont, par la loi, interdit certains types de plaidoyer de boycott. Israël lui-même a carrément criminalisé toute défense de tels boycotts. À noter que tout ceci a été entrepris avec à peine une réaction de la part de ceux qui se glorifiaient d’être les croisés de la liberté d’expression quand c’était le moment de défendre les caricatures antimusulmanes.
Mais maintenant, le gouverneur démocrate de New York, Andrew Cuomo, a considérablement intensifié cette attaque contre la liberté d’expression sur le sol des États-Unis, visant les citoyens états-uniens. Le prince de la dynastie politique de New York a publié aujourd’hui un décret présidentiel en direction de tous les organismes sous son contrôle afin qu’il soit mis fin à toutes les affaires engagées avec des entreprises ou organisations soutenant un boycott d’Israël. Il veille à ce que les citoyens qui ont et expriment un point de vue particulier soient punis par un refus des allocations dont profitent les autres citoyens : une violation classique de la liberté d’expression (imaginez si Cuomo avait publié un décret déclarant que « quiconque exprime un point de vue conservateur doit avoir toutes ses allocations de l’Etat immédiatement supprimées »).
Plus inquiétant encore, le décret présidentiel de Cuomo exige que l’un de ses commissaires dresse « une liste des institutions et entreprises » qui – « soit directement, soit par l’intermédiaire d’une maison mère ou d’une filiale » – soutiennent un boycott. Cette liste du gouvernement sera alors affichée à l’attention du public, et la responsabilité leur incombera de prouver à l’État qu’en réalité, elles ne soutiennent pas un tel boycott. Donna Lieberman, directrice exécutive de l’Union pour la Défense des Libertés civiles, de New York, a déclaré à The Intercept : « Chaque fois que le gouvernement crée une liste noire sur la base d’une opinion politique, il soulève de sérieuses inquiétudes en raison du Premier Amendement et celle-ci ne fait pas exception ». Robby Soave, de Reason, l’a dénoncée aujourd’hui comme « honteusement autocratique ».
Lire les dispositions à ce sujet dans le décret de Cuomo, c’est se confronter à la mentalité d’une mesquine tyrannie de la censure, avec un parfum d’humiliation publique maccarthyste, dans sa forme la plus pure. Voyez par vous-même.
Pire encore est la nature impérieuse du décret de Cuomo. Comme Ben Norton, de Salon, l’a souligné, « La législature de New York a tenté en vain, pendant des mois, de faire passer une législation anti-boycott ». Alors à la place, Cuomo ordonne, unilatéralement, cette punition contre les défenseurs du boycott.
Le sénateur démocrate de New York, Chuck Shumer, n’a pas perdu de temps en exigeant maintenant une loi fédérale qui prolonge le décret de Cuomo. Hillary Clinton, en juillet dernier, a écrit une lettre publique à son supporter milliardaire (et du Parti démocrate) Haim Saban qui se définit lui-même comme un fanatique d’Israël, approuvant le principe de base de cette démarche de censure – que boycotter Israël est une forme d’antisémitisme – et a récidivé dans son discours de mars devant l’AIPAC. De nombreux Républicains soutiennent des mesures identiques.
Au-delà du maccarthysme et de la profonde menace contre la liberté d’expression, l’odeur nauséabonde de l’hypocrisie de Cuomo et des démocrates est suffocante. Il n’y a guère plus de deux mois, Cuomo interdisait aux employés de l’État de se rendre en Caroline du Nord pour soutenir le boycott contre l’État américain en protestation de sa loi anti-transgenre. Ce décret présidentiel pro-boycott (contre la Caroline du Nord) de Cuomo commençait en proclamant que « l’État de New York est un chef de file national dans la protection des droits civils et des libertés de tous ses citoyens » et donc, il interdit « tout voyage financé par l’État » vers la Caroline du Nord.
Mais dans sa justification de cette punition contre ceux qui critiquent Israël, le conseiller de Cuomo a déclaré au New York Times : « C’est une chose que de dire que je veux me livrer à un discours politique. C’en est une autre que de dire que je vais vous sanctionner ou vous pénaliser pour vous être livré à une activité commerciale ». Pourtant, cela – « que je vais vous sanctionner ou vous pénaliser pour vous être livré à une activité commerciale » -, c’est exactement ce qu’a fait Cuomo il y a seulement deux mois en boycottant la Caroline du Nord. Pensez donc à quel point c’est pervers : pour le gouverneur de New York, il est non seulement acceptable mais encore noble de boycotter un État américain, mais il est immoral et punissable de boycotter Israël, un pays étranger qui se rend coupable, depuis des décennies, d’une occupation brutale et illégale. Les questions posées par The Intercept à Cuomo sont restées sans réponse depuis la publication.
Pus ironique encore, Cuomo, en imposant un boycott de la Caroline du Nord, a dit qu’il agissait ainsi parce que « l’égalité de droit de tous les citoyens d’une société libre… doit être protégée et chérie » – or, c’est exactement le principe que le boycott d’Israël cherche à appliquer en mettant fin à une oppression et une discrimination à l’encontre des Palestiniens. Mais même si vous n’êtes pas d’accord avec le boycott d’Israël lui-même, aucune personne douée de raison ne devrait vouloir qu’Andrew Cuomo et les autres représentants élus aient le pouvoir de décréter quelles opinions politiques sont acceptables, et lesquelles débouchent sur un déni des allocations de l’État.
L’hypocrisie concernant la liberté d’expression de la part de toutes sortes de personnes est ici évidente. En 2012, les conservateurs ont été furieux quand le maire de Chicago, Rahm Emanuel, a annoncé qu’il allait bloquer l’expansion de la chaîne de restaurants Chick-fil-A dans la ville, pour la punir de l’activisme anti-gay de son propriétaire, présentant ce mouvement comme une grave menace pour la liberté d’expression (une position que nous avons partagée). Tout au long de 2015, des experts, tel Jonathan Chait du New York, se sont drapés du drapeau de la liberté d’expression quand est venu le moment de défendre le discours raciste et anti-gay sur les campus, insistant sur le fait que toutes les formes de discours, même les « discours de haine », devaient être protégées (position que nous partageons également).
Mais maintenant, une campagne systématique, internationale – totalement bipartite aux États-Unis – est mise en œuvre pour une mauvaise utilisation des ressources de l’État et avoir force de loi, dans une attaque frontale contre la liberté d’expression et le droit de se rassembler librement, et pratiquement aucun de ces gens-là ne s’y oppose, parce qu’ils fonctionnent tous pour protéger Israël de toute critique. Il est assez bizarre que quelqu’un se soit fait élire gouverneur de New York et qu’il pense ensuite qu’une partie de son travail consiste à protéger Israël de toute critique. Qu’il s’en prenne au droit à la liberté d’expression des citoyens de son propre pays – quelques semaines seulement après avoir imposé un boycott contre un autre État américain – vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir sur le rôle qu’Israël continue de jouer dans le discours américain, et sur la volonté des gens de piétiner les principes de la liberté d’expression faisant ainsi profiter leurs objectifs politiques.