Anas al-Sharif, illustre correspondant d’Al Jazeera, parmi les cinq journalistes tués par une frappe aérienne israélienne à Gaza

Israël admet avoir exercé une attaque délibérée contre le journaliste connu pour ses reportages de première ligne, par une frappe sur une tente voisine de l’hôpital al-Shifa.

Un journaliste renommé, déjà menacé par Israël, a été tué avec quatre collègues par une frappe aérienne israélienne.

Anas al-Sharif, qui était l’un des visages le plus reconnaissables à Gaza, a été tué dimanche soir, alors qu’il était sous une tente montée pour des journalistes à côté de l’hôpital al-Shifa à Gaza. Ses funérailles ont eu lieu lundi matin.

Sept personnes au total ont été tuées dans cette attaque, dont al-Sharif ainsi que le correspondant d’Al Jazeera, Moahmmed Qreiqeh et les cameramans Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa, selon la radio qatarie.

Les forces de défense d’Israël ont admis que la frappe a eu lieu et ont prétendu que le reporter « avait été à la tête d’une cellule terroriste de l’organisation terroriste Hamas et qu’il était responsable de la promotion des attaques de roquettes contre des civils israéliens et contre les FDI. 

L’armée a prétendu avoir pour preuve des renseignements et des documents trouvés à Gaza, mais des avocats des droits humains ont dit qu’il avait été visé pour ses reportages de première ligne sur la guerre de Gaza et que les allégations d’Israël manquaient de preuves.

Appelant al-Sharif « un des plus courageux journalistes de Gaza », Al Jazeera a dit que l’attaque était « une tentative désespérée de faire taire des voix en prévision de l’occupation de Gaza ».

Le mois dernier, Avichaï Adraee, le porte-parole des FDI, a partagé une vidéo sur X accusant al-Sharif d’être membre de l’aile militaire du Hamas. À ce moment-là, Irène Kahn, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la liberté d’expression, a qualifié cela d' »allégation sans fondement » et « d’attaque éhontée contre des journalistes ».

En juillet, al-Sharif a dit au comité de protection des journalistes (CPJ) qu’il vivait avec « le sentiment que je peux être bombardé et tué à tout moment ».

Après cette attaque, le CPJ a dit être consterné d’apprendre la mort des journalistes.

 « La méthode israélienne consistant à étiqueter des journalistes comme combattants sans fournir de preuves crédibles, soulève de sérieuses questions sur ses intentions et sur son respect de la liberté de la presse » a dit Sara Qudah, la directrice régionale du CPJ.

« Les journalistes sont des civils et ne doivent jamais être visés. Les responsables de ces meurtres doivent être tenus pour tels ».

Près de 70% des journalistes tués depuis le 7 octobre 2023 sont morts en Israël et en Palestine

Le syndicat des journalistes palestiniens a condamné ce qu’il a appelé « un crime sanglant d’assassinat ».

En janvier de cette année, après la signature d’un accord de cessez-le feu entre le Hamas et Israël, al-Sharif a attiré une large attention lorsque, au cours d’une émission en direct, il a ôté son gilet pare-balles alors qu’il était entouré de dizaines d’habitants célébrant une pause dans les hostilités.

Quelques minutes avant sa mort, al-Sharif a posté sur X : Dernières nouvelles : un bombardement israélien intensif avec des ceintures de feu frappe les parties est et sud de la ville de Gaza ».

Dans un message final, dont Al-Jazeera dit qu’il a été écrit le 6 avril et posté sur le compte X d’al-Sharif après sa mort, le reporter disait qu’il « avait connu la douleur sous toutes ses formes, goûté bien souvent à la souffrance et à la perte, mais je n’ai jamais hésité une seule fois à transmettre la vérité telle quelle, sans distorsion ni falsification ».

« Allah peut témoigner contre ceux qui sont restés silencieux, ceux qui ont accepté qu’on nous tue, ceux qui ont étouffé notre souffle et dont le cœur est resté de pierre face aux restes éparpillés de nos enfants et de nos femmes, ne faisant rien pour arrêter le massacre auquel notre peuple est confronté depuis plus d’une année et demie » a-t-il poursuivi.

L’homme de 28 ans laisse derrière lui une femme et deux jeunes enfants. Son père a été tué par une frappe israélienne sur la maison familiale dans le camp de réfugiés de Jabalia dans la ville de Gaza en décembre 2023. À ce moment-là al-Sharif a dit qu’il continuerait à faire des reportages et il a refusé de quitter le nord de Gaza.

Un autre journaliste d’Al Jazeera à Gaza, Hani Mahmoud, a dit : « C’est peut-être le pire de ce que j’ai pu faire comme reportage au cours des derniers 22 mois. Je ne suis pas éloigné de l’hôpital al-Shifa, à juste un pâté de maisons et j’ai pu entendre l’explosion massive qui a eu lieu il y a une heure et quelque près de l’hôpital al-Shifa. 

« J’ai pu la voir quand elle a illuminé le ciel et, pendant quelques instants, le bruit a circulé qu’il s’agissait du camp de journalistes à l’entrée principale de l’hôpital al-Shifa ».

Al-Sharif et ses collègues ont fait des reportages à partir de Gaza depuis le début du conflit.

« Il est important de souligner que cette attaque se produit juste une semaine après qu’un représentant de l’armée israélienne a accusé directement Anas et mené une campagne contre Al Jazeera et ses correspondants de terrain à cause de leur travail, à cause de leur infatigable suite de reportages sur l’affamement, la famine et la malnutrition » a jouté Mahmoud.

Israël a tué de nombreux journalistes d’Al Jazeera et des membres de leur famille, dont Hossam Shabat , tué en mars et Ismail al-Ghoul et son cameraman Rami al-Rifi , tués en août.

La femme du correspondant en chef Wael al Dahdouh, son fils et son petit-fils ont été tués en octobre 2023  et lui-même a été blessé dans une attaque qui a tué le cameraman d’Al Jazeera,  Samer Abu Daqqa, quelques semaines plus tard.

Israël, qui ne permet pas à des journalistes étrangers de pénétrer à Gaza et qui a ciblé des reporters locaux , a tué 237 journalistes depuis le début de cette guerre le 7 octobre 2023, selon le bureau des médias du gouvernement de Gaza. Le comité de protection des journalistes a dit qu’au moins 186 journalistes ont été tués dans le conflit de Gaza. Israël nie cibler délibérément des journalistes.

Avec Reuters et l’Agence France-Presse