Amira Hass interdite de conférence à l’Université de Birzeit

– L’AURDIP condamne l’expulsion d’Amira Hass d’une conférence à l’Université de Birzeit. Nous rappelons que le boycott académique est dirigé contre le gouvernement israélien et ses institutions, engagés dans une….

– L’AURDIP condamne l’expulsion d’Amira Hass d’une conférence à l’Université de Birzeit. Nous rappelons que le boycott académique est dirigé contre le gouvernement israélien et ses institutions, engagés dans une politique systématique de colonisation et d’apartheid, et non contre les citoyens israéliens, qui à titre individuel peuvent être d’opinion très diverses, et même opposés à leur propre gouvernement. Amira Hass est depuis longtemps une des voix les plus efficaces pour dénoncer l’occupation et ses méfaits, et nous souhaitons qu’elle puisse continuer son travail.

Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP)

– Communiqué de presse de l’Université de Birzeit : Birzeit University Respects and Welcomes Supporters of Palestinian Rights


Quand une journaliste d’Haaretz est priée de quitter une université palestinienne

Un incident isolé a débouché sur un vaste débat pour savoir si le droit des étudiants de Birzeit à un espace sûr où les Israéliens ne seraient pas autorisés devait aussi s’appliquer aux gens de gauche.

Amira Hass | Haaretz | Traduction J.Ch. pour l’AURDIP | 28 septembre 2014 |

La Fondation allemande Rosa Luxembourg et le Centre d’Etudes du Développement (CDS) de l’Université de Birzeit ont organisé une conférence intitulée « Alternatives au Développement Néolibéral dans les territoires Palestiniens Occupés – Perspectives Critiques ».

Pendant le premier exposé de mardi, deux conférenciers du CDS m’ont approché en l’espace de dix minutes, me demandant de sortir parce qu’ils avaient besoin de me parler. Je leur demandai d’attendre la pause mais, après qu’ils me l’aient demandé une troisième fois, je suis sortie de la salle de conférence. « N’ai-je pas le droit d’être ici ? » demandai-je, à demi plaisantant, mais l’un des conférenciers me répondit qu’il y avait un problème.

En m’inscrivant à l’entrée de la conférence, j’avais écrit à côté de mon nom l’institution à laquelle j’appartenais, Haaretz. Depuis vingt ans, me dit la conférencière, il existe une loi à Birzeit stipulant que les Israéliens (c’est-à-dire les Israéliens juifs) ne sont pas autorisés sur les terrains de l’université. Les étudiants qui tenaient le bureau d’inscription à la conférence virent que j’avais écrit « Haaretz », réalisèrent que j’étais Israélienne et coururent avertir les autorités de l’université. Le service de sécurité contacta à son tour les organisateurs de la conférence, dit la conférencière. Elle et ses collègues eurent peur, me dit-elle, que les étudiants fassent irruption dans la salle de conférence pour protester contre ma présence.

De là où nous nous tenions dans le hall d’entrée, je ne voyais pas de horde d’étudiants approchant pour me chasser, moi qui représentant l’ « entité sioniste ». Mais lorsque des amis et des connaissances (dont des conférenciers) m’ont téléphoné plus tard pour découvrir ce qui s’était passé, je compris alors que la rumeur qui courait était que les étudiants m’avaient attaqué. Et donc, dans l’intérêt de la vérité, ce n’est pas ce qui s’est passé. Ce qui s’est passé, c’est que deux conférenciers m’ont demandé de partir. Et je suis parti.

Une des conférenciers m’expliqua qu’il était important que les étudiants aient un espace sûr où les Israéliens (Juifs) ne soient pas autorisés à entrer ; que, bien que la loi pose problème, ce n’était ni le lieu ni le moment pour discuter d’un amendement ; et que, de même qu’elle pourrait demander que l’on me traite différemment comme une exception à la règle, un autre conférencier pourrait demander le même traitement préférentiel pour Yossi Beilin, ancien ministre de la Justice d’Israël connu comme l’un des architectes des Accords d’Oslo et de l’Initiative de Genève et comme l’initiateur du projet sioniste Taglit. Elle me dit aussi que le Professeur Ilan Pappe, auteur, entre autres livres, de « Le Nettoyage Ethnique de la Palestine », avait été invité à faire une conférence à Birzeit mais que, étant donné la loi, il avait fait sa conférence hors du campus. L’autre conférencier me dit que, si je n’avais pas écrit « Haaretz » sur le bulletin d’inscription, j’aurais pu rester. Et, un autre membre de la faculté, que je connaissais depuis 40 ans et qui passait par là, dit : « C’est pour ta propre sécurité (face aux étudiants) ». Cela me rappela alors l’image que les Israéliens ont communément des Palestiniens : des exaltés irrationnels. Une citoyenne palestinienne d’Israël venue à la conférence partit, écoeurée, ce sont ses mots, devant mon expulsion.

Entre temps, on informa de cette difficulté Katja Hermann, directrice du Bureau Régional de la Fondation Rosa Luxembourg dans les Territoires Occupés. Bien que comprenant l’importance de préserver un espace sûr pour les étudiants palestiniens, tout comme les féministes ont créé des espaces réservés aux femmes, elle n’arriva pas à comprendre pourquoi il était impossible d’expliquer aux étudiants (« que je ne vois même pas », remarqua-t-elle) que ce puritanisme manque son but. Je suis régulièrement invitée à des événements organisés par « Rosa », affectueux petit nom de la fondation. Hermann choquée dit alors que si elle avait connu cette loi de Birzeit et la décision de m’exclure du public de la conférence, elle n’aurait pas accepté de tenir l’événement dans les murs de l’université.

Ces vingt dernières années, je suis entrée des dizaines de fois à l’Université de Birzeit et j’y ai fait partie de l’auditoire de diverses conférences académiques. J’y ai aussi interviewé des membres de la faculté à la fois dans et hors du campus. Il y a un an, un conférencier économiste a refusé une interview, me disant : « Ce n’est pas personnel. Mais vous savez ce que sont les règles. » Je ne savais pas qu’il y avait une règle contre le fait d’être interviewé par Haaretz.

Il est ben connu que l’université n’emploie pas de Juifs israéliens dans son personnel universitaire, même issus des cercles de la gauche anti-sioniste. En 1998, ma candidature pour un cours d’Arabe pour étrangers a été refusée. (Un ami plein d’ironie, Iyad de Gaza, m’a répliqué : « Avec ton accent de Gaza, comment peuvent-ils t’accepter ? ») Mais on ne m’avait jamais dit qu’il existait une loi universitaire contre ma présence même, en tant que Juive israélienne, sur le campus de Birzeit. La revendication comme quoi la loi s’applique à moi parce que je représente une institution israélienne n’est pas très solide : les citoyens palestiniens d’Israël qui enseignent dans les universités israéliennes ne sont pas soumis à la même règle. Si j’avais connu l’existence d’une telle loi, je ne serais pas venue à la conférence. J’ai, d’autres endroits où investir mon énergie subversive.

Si j’écris à propos de cet incident, c’est justement parce que je ne l’ai pas pris personnellement. Je n’ai pas pris personnellement le fait que quelques membres de la faculté se sont cachés derrière de supposés étudiants en colère et une loi que beaucoup d’autres semblent ne pas connaître. A mon avis, il aurait été bien plus digne de me dire explicitement : Nous ne faisons pas de différence entre ceux qui soutiennent l’occupation et ceux qui sont contre, entre ceux qui relatent la politique d’éviction forcée des Bédouins et ceux qui mettent en place cette politique. ; pour nous, il n’y a qu’une place pour tout Juif israélien – dehors.

Mercredi, en session finale de la conférence, un conférencier d’un autre département a demandé à discuter le fait que j’avais été jetée dehors et la décision d’interdire les Juifs israéliens de gauche en général. On m’a dit que le conférencier et d’autres, qui n’étaient pas présents au moment de l’incident, furent choqués et exprimèrent leur protestation. Quant on annonça qu’on m’avait demandé de sortir « pour ma propre sécurité », beaucoup de gens quittèrent la salle en colère. Entre temps, une tempête a éclaté sur Facebook. Des connaissances m’ont depuis appelé pour s’excuser. Le propriétaire de mon épicerie locale s’est excusé « au nom du peuple palestinien ».

Pendant ce temps, samedi, l’université a publié un communiqué qui disait : « L’administration n’a rien contre la présence de la journaliste Hass. L’université, en tant qu’institution nationale, fait la différence entre amis et ennemis du peuple palestinien… et travaille avec toute personne ou institution qui est contre l’occupation. »

Je comprends le besoin émotionnel des Palestiniens de créer un espace sûr qui soit interdit aux citoyens d’un Etat qui dénie leurs droits et leur a volé leur terre. En tant que femme de gauche cependant, je mets en question la logique anti-colonialiste qui consiste à boycotter les militants juifs israéliens de gauche. En aucun cas, ces militants de gauche ne cherchent des certificats casher lorsqu’ils s’opposent à l’occupation et s’efforcent de mettre fin au régime juif de privilèges.