Israël cible les maigres moyens qu’ont les Palestiniens pour accéder à de la nourriture, bombardant deux cantines de fortune et le centre de distribution de l’UNRWA à Jabaliya au cours des derniers jours

CAMP DE REFUGIES DE JABALIYA, GAZA—
C’est vendredi, juste après le coucher du soleil, qu’un missile israélien s’est fracassé sur le bâtiment de l’UNRWA au milieu du camp de réfugiés de Jabaliya dans le nord de Gaza, tuant quatre personnes — dont un enfant, selon les témoins — et endommageant sérieusement un centre de distribution de nourriture, un entrepôt et un centre de soins organisés par l’agence des réfugiés des Nations Unies.
« La zone entière a été détruite et réduite à des décombres », a dit à Drop site Al Moatassem Shalayel, 20 ans, qui avait quitté la zone quelques minutes auparavant. L’oncle de Shalayel, Ehab Abu Hussein, âgé de 45 ans, a été tué dans le bombardement. « Nous rassemblons ses biens, son chapelet de prière et son chapeau. Son corps a été déchiqueté, mais nous voulons garder un souvenir de lui ». Shalayel a perdu de nombreux membres de sa famille au cours de la guerre. « Je n’ai plus d’oncles, ni de tantes en vie maintenant, seulement ma grand-mère », a-t-il dit.
Peu après, le porte-parole de l’armée israélienne a dit qu’ils ont attaqué Jabaliya en utilisant la surveillance aérienne et des munitions de précision.
« Tout a été arrêté et bombardé. Tout a disparu maintenant, c’est complètement détruit », a ajouté Shalayel. « [L’objectif d’Israël] est d’affamer et d’étouffer les gens. Leur but est de nous empêcher de manger ou de boire. Ils veulent juste que nous ayons faim ».

L’attaque du 9 mai sur le centre de distribution des Nations Unies s’est produite dans le contexte de la campagne de bombardement d’Israël au service de sa politique de la terre brûlée qui a repris à pleine puissance le 18 mars après un court « cessez-le-feu ». Depuis, Israël a ciblé des cantines caritatives, des camps de déplacements, des écoles, des hôpitaux, de prétendues « zones humanitaires » et d’autres rassemblements civils, de manière régulière. Rien que samedi, les frappes israéliennes ont bombardé deux tentes utilisées pour préparer de la nourriture à Khan Younis et dans la ville de Gaza.
Plus de 2700 Palestiniens ont été tués dans les sept dernières semaines, dont plus de 900 enfants, selon le ministère de la Santé de Gaza. Le bilan officiel depuis le début de l’attaque génocidaire d’Israël est de presque 53000, des milliers d’autres étant portés disparus sous les décombres.
Israël a aussi imposé un blocus complet sur Gaza depuis le 2 mars, refusant l’entrée de toute nourriture, de tout médicament, de tout combustible et de toutes les autres fournitures de base, selon une politique de famine forcée et de punition collective — maintenant dans son troisième mois. Des milliers de Palestiniens souffrent de malnutrition aiguë, en particulier des milliers d’enfants, alors que Gaza a été plongée dans la pire crise humanitaire depuis le début de la guerre.
Les organisations d’aide humanitaire ont arrêté la distribution de nourriture et les boulangeries ont fermé. Au cours des derniers jours, un tiers des cuisines communautaires soutenues par les Nations Unies — qui sont la dernière ligne de vie pour la majeure partie de la population — ont fermé, à cause de l’épuisement des provisions alimentaires et d’un accès limité aux combustibles. « Nous vivons sur les cantines caritatives. Chaque jour, ils nous apportent des lentilles, ils nous épuisent avec les lentilles », a dit à Drop site Tala Ghassan Al-Masri, 13 ans, qui a survécu au bombardements de vendredi à Jabaliya. « J’aimerais pouvoir manger du pain, des frites, des tomates et les choses que ma soeur et ma mère faisaient pour nous ».

Les marchés sont presque vides et les prix pour les articles de base comme la farine ou les végétaux ont explosé. Hala al-Ghandour, 9 ans, était à un marché à proximité de Jabaliya vendredi quand la frappe aérienne israélienne a touché le bâtiment de l’UNRWA. « J’ai entendu un grand bruit et j’ai vu un éclair et une explosion », a-t-elle dit. « J’arrivais pour acheter une tomate et un concombre. Tout est cher et nous ne pouvons pas nous permettre beaucoup de choses ».
La semaine dernière, le cabinet de sécurité d’Israël aurait approuvé un plan pour augmenter encore son offensive militaire contre Gaza et proposé un plan pour livrer des quantités limitées d’aide humanitaire sous des conditions sévères — établissant des zones militarisées à l’intérieur de Gaza où des contractants privés, incluant potentiellement ceux d’une entreprise des États-Unis, distribueraient de la nourriture par un processus qui inclut des filtrages de sécurité hautement restrictifs et des quantités contrôlées de calories. Quinze organismes des Nations Unies et plus de 200 ONG ont dénoncé le plan dans une déclaration commune.
« Ce plan semble conçu pour renforcer le contrôle israélien sur les fournitures vitales et c’est un plan qui forcera les gens à aller dans les zones militaires — les mettant complètement en danger pour pouvoir collecter l’aide humanitaire », a dit à Drop Site la porte-parole de l’UNRWA Tamara Alrifai. Alrifai a dit que le plan ne seulement « était contraire aux principes humanitaires », mais qu’il était aussi « impraticable du point de vue logistique ».
Le plan propose de permettre l’entrée de soixante camions de provisions par jour, bien en-dessous du minimum requis d’au moins 500 camions par jour, selon es Nations Unies. « C’est une tentative pour imposer une alternative à un système humanitaire multilatéral et internationalement reconnu, organisé par les Nations Unies et qui inclut d’autres organisations humanitaires. C’est un écosystème entier pour l’acheminement et la livraison d’assistance humanitaire dans les situations d’urgence qui marche, et ce plan vise à ignorer complètement ce système et à le remplacer », a-t-elle dit. « Ce plan mettra en danger les vies des civils, puisqu’ils vont être ‘autorisés’ — mais en réalité forcés— à se rendre dans des centres de distribution israéliens désignés, au sud, sous des bombardements et des hostilités continus ».
Le gouvernement de Trump semble aussi avancer son propre plan pour la distribution de l’aide humanitaire, un plan qui serait dirigé par une « fondation » non-gouvernementale nouvellement créée et qui impliquerait des contractants de sécurité privés, d’anciens officiers militaires des États-Unis et des responsables d’aide humanitaire. Le président Trump doit visiter la région dans la semaine à venir, avec des arrêts en Arabie saoudite, au Qatar et dans les Émirats arabes unis.
Le siège et le bombardement continus d’Israël a aussi sévèrement limité l’accès à l’eau des Palestiniens de Gaza. Samedi, l’Autorité palestinienne pour l’eau a publié une déclaration indiquant que la destruction de l’infrastructure et le blocage de l’entrée de combustible ont conduit à un arrêt presque total de la fourniture des services d’eau, décrivant Gaza comme « une région mourant de soif ». Environ 75% des foyers ont rapporté que leur accès à l’eau s’est détérioré dans les derniers mois, selon l’UNICEF, les diarrhées aqueuses aiguës représentant maintenant un quart des cas de maladies enregistrées à Gaza.
À Jabaliya, comme dans d’autres zones, les réseaux d’assainissement ont été détruits ou manquent de combustible pour fonctionner, ce qui conduit à des écoulements des eaux usés généralisés dans les rues et à une invasion croissante de rongeurs et d’insectes dans les abris surpeuplés des personnes déplacées, selon les responsables municipaux de Jabaliya.
« Mon message au monde est que nous voulons la fin de cette guerre, nous voulons que la vie redevienne normale », a dit Shalayed. « Nous voulons voir de bons jours dans ce qui reste de nos vies. C’est tout. »
- Photo : Une vue de la destruction après que l’armée israélienne a ciblé un bâtiment de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, UNWRA) dans le camp de réfugiés de Jabaliya, Bande de Gaza. 10 mai 2025. (Photo by Mahmoud Issa/Anadolu via Getty Images)