L’Association des Écoles d’Architecture (ACSA) a annoncé cet après-midi avoir annulé la parution à venir de la Revue d’Éducation à l’Architecture (Journal of Architectural Education) sur la Palestine.

L’Association des Écoles d’Architecture (ACSA) a annoncé cet après-midi avoir annulé la parution à venir de la Revue d’Éducation à l’Architecture (Journal of Architectural Education) sur la Palestine. Un courriel envoyé aux conseillers pédagogiques et aux dirigeants administratifs des écoles membres de l’ACSA a déclaré que la décision résultait d’un vote du Bureau des Directeurs de l’ACSA réuni le 21 février. L’équipe de rédaction du numéro Automne 2025 de JAE comprenait Nora Akawi, Omar Jabary Salamanca, Zoé Samudzi, et Nick Estes et devait être publié par Taylor & Franci.s. La page internet du numéro a été retirée du site de JAE.
Cette annonce a été faite le jour même où McLain Clutter, le directeur général par intérim de JAE a été licencié par l’ACSA. Clutter, professeur associé du Collège d’Architecture et d’urbanisme Taubman de l’Université du Michigan, qui était en principe en poste jusqu’en 2026, a dit à AN (Le Journal des Architectes) que son emploi était supprimé parce qu’il avait refusé d’approuver la décision de l’ACSA d’arrêt de la publication.
Clutter a dit qu’il avait la possibilité de rester à JAE s’il aidait à mettre en place une version de remplacement. Clutter a rejeté cette offre et donc a été licencié. Après son licenciement, le directeur général Michael Monti a envoyé une lettre aux rédacteurs de JAE les informant de ces changements ; il a précisé qu’il « serait le point de contact principal de la revue pour le moment ».
« Je suis profondément déçu de ce qu’a fait le Bureau de l’ACSA, a dit Clutter à AN après son licenciement. « Cette décision représente une violation flagrante des principes de liberté académique, d’intégrité intellectuelle et de l’éthique de la recherche que l’organisation prétend soutenir –au moment précis où nous, architectes académiques, pourrions rechercher de l’aide auprès d’organismes comme l’ACSA pour la garantie de tels principes. L’ACSA sera du mauvais côté de l’histoire, laissant aux enseignants d’institutions membres peu de raisons d’avoir foi en leur soutien ».
“Une longue Série de Difficiles Discussions”
JAE est l’une des deux revues académiques publiées par l’ACSA et diffusées aux écoles membres. Le numéro Automne 2025 de JAE devait se centrer sur « la campagne génocidaire en cours d’Israël contre les Palestiniens de Gaza » ont dit les éditeurs dans l’appel à contributions lancé à l’automne dernier. « Ce numéro de la Revue de l’Enseignement de l’Architecture appelle à des réflexions urgentes sur les implications de ce moment historique pour la conception, la recherche et l’enseignement en architecture » disait l’appel.
Aujourd’hui, Cathi Ho Schar est la présidente de l’ACSA et José Gámez vice-président. Selon Monti, au nom du Bureau de l’ACSA, « la décision est prise à la suite d’une longue série de difficiles discussions au sein de l’organisation sur les risques possibles liés à la publication de la revue.
Monti a ajouté que « le Bureau de l’ACSA a décidé que les risques liés à la publication de la revue ont considérablement augmenté du fait de nouvelles mesures de l’administration présidentielle des États-Unis et d’autres actions au niveau étatique. Ces risques importants incluent des menaces personnelles aux rédacteurs, auteurs et correcteurs de la revue ainsi qu’aux bénévoles et aux salariés de l’ACSA. Ils comportent aussi des risques juridiques et financiers pour l’organisation dans son ensemble.
Nora Akawi, une professeure assistante palestinienne de l’école d’architecture Cooper Union et membre également du bureau éditorial de JAE, a dit à AN qu’elle n’a pas été informée par l’ACSA du vote du 21 février et qu’elle n’a pas eu d’explication de la raison pour laquelle la parution a été annulée avant le courriel largement envoyé par l’ACSA à ses membres l’après midi du 28 février. L’équipe éditoriale de JAE n’a pas été destinataire de ce courriel et Akawi n’était pas informée que la page d’accueil de la publication à venir était retirée du site internet de JAE.
La réponse des rédacteurs
En réponse à l’annulation de la sortie du numéro et au licenciement de Clutter, les rédacteurs ont partagé la déclaration suivante avec AN :
“Nous sommes consternés par cette décision, mais non surpris étant données la répression et la censure croissantes sur tout ce qui concerne la Palestine aux États-Unis et en Europe. La déclaration de l’ACSA est présentée comme un élément de considération et d’attention des membres de JAE et de son propre bureau face à la répression politique de l’administration Trump. Mais en réalité, vu les tentatives de censure de la direction de l’ACSA datant d’avant l’appel à contributions de septembre 2024, il est clair qu’ils utilisent « les nouvelles mesures de l’administration présidentielle étatsunienne » comme une couverture commode pour exécuter ce qu’ils avaient toujours projeté de faire. L’ACSA annule la publication de JAE sur la Palestine sans en avoir lu le contenu qui est en cours d’évaluation par des pairs. Plutôt que de capituler devant une pression politique extérieure, l’ACSA devrait protéger le bureau éditorial de JAE et la liberté académique des rédacteurs et de ceux qui contribuent à la revue. Le Bureau de l’ACSA a la responsabilité de soutenir les valeurs qu’il prétend représenter.
Nous soutenons le bureau de JAE, qui a voté à l’unanimité la publication de l’appel à contributions et nous faisons appel à l’ACSA pour rétablir à la fois le numéro de JAE sur la Palestine et McLain Clutter comme directeur général par intérim de JAE. Nous restons en contact étroit avec le bureau éditorial de JAE dans les prochaines démarches que nous projetons ».
Cruz Garcia, qui siège au bureau éditorial de la revue et qui a précédemment co-édité son numéro Réparations ! était partie prenante de la Bourse ACSA pour l’avancement de l’équité en architecture. Garcia a écrit un article pour AN en avril dernier sur les « dangereux universitaires qui diffament et gesticulent », lesquels soutiennent ouvertement la Palestine aujourd’hui, dont Samia Henni, qui a reçu des menaces de mort et de vandalisme respectivement à l’Université ETH de Zurich et à l’Université Cornell. Akawi a aussi été victime de campagnes de dénigrement de la Mission Canary, un site internet d’agitation qui a été accusé par des groupes de défense des droits civils de lancer des attaques diffamatoires contre des intellectuels qui critiquent Israël.
« La décision de l’ACSA d’annuler la parution du numéro Automne 2025 de JAE sur la Palestine, citant de vagues « risques en augmentation » tenant au climat politique et juridique, illustre le problème d’obéissance anticipée – un concept critiqué par (l’Association Américaine de Professeurs d’Université), où des institutions s’auto-censurent préventivement de peur de possibles réactions plutôt que de soutenir la liberté académique » a dit Garcia à AN à la suite de l’annonce.
“Particulièrement désemparés”
Ce soir, Ozayr Saloojee, rédacteur associé à JAE sur le design, a envoyé un message aux contributeurs potentiels ayant soumis des éléments à prendre en considération pour le numéro sur la Palestine, en les informant de ce changement. « Nous Sommes particulièrement désemparés au vu du travail magnifique et rigoureux que vous avez soumis à notre considération, qui est actuellement dans notre processus d’évaluation par des pairs et revu par notre bureau éditorial bénévole, par des relecteurs extérieurs et des spécialistes du thème » a-t-il écrit. Il a dit que “le bureau de JAE est engagé sur ce numéro et que nous sommes à la recherche de formats alternatifs et d’événements pour publier ce travail – si ce n’est pas dans le cadre de l’ACSA, ou, nous l’espérons, via d’autres plateformes et espaces ».
Pour l’avenir, l’ACSA a annoncé la publication d’un numéro Automne 2025 de JAE sur un autre thème. L’ACSA a dit “être en train de considérer les options pour la revue dans un cadre plus large. L’organisation a commencé à travailler avec ses divers secteurs et membres académiques pour évaluer de façon holistique comment des changements dans le climat juridique et politique concernant l’enseignement supérieur et les associations à but non lucratif vont affecter les établissements, enseignants et étudiants membres aussi bien que les nombreux programmes et services de l’organisme ».
- Photo : L’équipe de rédaction du numéro Automne 2025 de JAE comprenait Nora Akawi, Omar Jabary Salamanca, Zoé Samudzi, et Nick Estes. Cette pièce d’Amal Al-Nakhala, accompagnait l’appel à contributions (Courtesy JAE)