Des éducateurs de San Francisco souscrivent à BDS

Alex Schmaus et Brian Bean rendent compte du soutien du premier syndicat d’éducateurs des écoles publiques des Etats Unis au boycott, désinvestissement et sanctions contre l’apartheid israélien.

Les Educateurs Unis de San Francisco (UESF) sont devenus le premier syndicat d’éducateurs des écoles publiques des Etats Unis à tenir compte de la société civile palestinienne et à souscrire au mouvement pour le boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre l’apartheid israélien. L’UESF a également appelé le président Joe Biden à mettre fin à l’aide à Israël et a appelé à mettre fin au bombardement sur Gaza et à arrêter l’expulsion par la force de familles palestiniennes de Sheikh Jarrah.

Le syndicat de Bay Area (zone de la baie), qui représente plus de 6.200 enseignants et autre personnels scolaires, a voté la résolution de soutien à BDS (reproduite ci-dessous) le 19 mai à son assemblée mensuelle des délégués. Ce fut un pas important qu’il faudrait répéter pour relancer le mouvement BDS et l’étendre dans les syndicats de travailleurs américains.

En 2005, 170 organisations de la société civile palestinienne, dont des syndicats, ont lancé un appel à la solidarité internationale pour défier le mépris flagrant du droit international par Israël. Cet appel a mis en place une stratégie – sur le modèle du mouvement réussi pour faire pression sur l’Afrique du Sud de l’apartheid – d’organisation de campagnes de boycott et de désinvestissement de corporations et d’institutions culturelles israéliennes et internationales complices de l’apartheid. Elles ont aussi appelé à des sanctions en cas d’affaires faites avec Israël. Le mouvement s’est ancré internationalement dans de grandes fédérations nationales de syndicats qui soutiennent l’appel et se désinvestissent. Aux États Unis, BDS a connu un développement explosif sur les campus et le soutien important des plus grandes églises. Ce fut là l’une des forces qui ont transformé la politique américaine si bien que la question palestinienne est passée d’un sujet refoulé jusqu’à être considérée comme une juste cause dans les cercles progressistes. Cependant, les syndicats de travailleurs ont ici traîné les pieds avant de soutenir BDS. C’est en lien avec la faiblesse générale des syndicats de travailleurs des Etats Unis qui ont subi des décennies de défaites et de capitulation face au parti Démocrate.

On a vu des indices de ce à quoi pourrait ressembler un nouveau mouvement ouvrier pendant la vague de grèves des éducateurs en 2018-2019 – la dite Révolte des États Rouges. Ces grèves massives – influencées par la grève de 2012 du Syndicat des Enseignants de Chicago – furent dans bien des cas des grèves politiques illégales qui comportaient des réclamations du mouvement social au-delà des questions de salaires et de sécurité de l’emploi.

Un effet de cette révolte fut la formation du Mouvement des Éducateurs de Base de San Francisco (SFMORE), nouvelle association de membres actifs de l’UESF. Dans son conseil se trouvent un certain nombre de socialistes issus des Socialistes Démocrates d’Amérique, et d’autres groupes.

SFMORE s’est réuni le 11 mai alors qu’en Palestine surgissaient des manifestations massives et des soulèvements des deux côtés de la Ligne Verte, et alors qu’un bombardement israélien massif sur Gaza était en cours. Le groupe a débattu sur l’augmentation de résolutions de solidarité à l’assemblée des délégués de l’UESF – l’organe de délibération le plus haut du syndicat – en solidarité à la fois avec le mouvement social en Colombie et avec la cause palestinienne.

On a estimé que c’était le bon moment. Il y avait l’explosion de manifestations en Palestine occupée, des soulèvements à l’intérieur de parties de Palestine qu’Israël avait conquises en 1948, et des manifestations massives de solidarité à travers le monde. Il y avait aussi une bataille très publique dans les médias contre le récit conventionnel qu’Israël utilise pour camoufler ses crimes. Les militants du syndicat voulaient s’inspirer d’une expression exaltante de la résistance palestinienne qui ouvrait de nouvelles pistes de combat. Cette résistance héroïque dévoilait la nature raciste et la pratique quotidiennement violente de l’apartheid israélien, obligeant à un changement de conscience à travers le monde. Il était temps maintenant d’exprimer sa solidarité à pleine voix. Les militants de SFMORE en arrivèrent à cette conclusion après avoir participé à la manifestation de 5.000 personnes le 15 mai à San Francisco, en voyant le cours de l’histoire contraint par les Palestiniens vivant sous occupation et s’organisant dans la diaspora. Parfois, les conditions peuvent changer rapidement. Le mouvement ouvrier a besoin d’être préparé pour répondre rapidement quand il y a des gens dans la rue qui ripostent – c’est à dire quand les esprits commencent à changer et que les horizons du possible évoluent.

Ainsi, le 17 mai, la résolution a été soumise avec neuf signataires. La liste des nouveaux dirigeants de l’UESF, Organiser le Pouvoir Syndical (OUP), a exprimé son soutien et le décor était planté pour le débat et le vote du 19 mai.

A l’assemblée des délégués, le président sortant de l’UESF a suspendu le règlement qui n’autorise généralement que trois orateurs pour et trois orateurs contre toute résolution pour permettre une discussion et un débat aussi démocratiques que nécessaire.

Les orateurs qui argumentaient pour la défense du sionisme étaient en nombre inférieur, quatre s’exprimant contre et une douzaine environ parlant en faveur de la résolution de solidarité avec la Palestine, principalement issus de SFMORE, mais aussi de OUP, et quelques délégués indépendants. Certains ont pu s’exprimer plus d’une fois.

Il y a eu une tentative pour présenter une résolution sioniste de remplacement qui a été présentée comme rédigée par une organisation extérieure, le Conseil des Relations de la Communauté Juive (JCRC). Le JCRC est une branche du Conseil Juif des Affaires Publiques – association qui a également créé le Réseau d’Action pour Israël, qui tente de contrer la « délégitimisation » d’Israël et sape les efforts pour obtenir justice pour la Palestine. Le JCRC a essayé de neutraliser la résolution de solidarité pour transformer le soutien aux droits des Palestiniens en un discours libéral disant que le nettoyage ethnique et la punition collective des Palestiniens n’était qu’un « conflit » entre les deux côtés. Les militants de SFMORE ont répondu en avançant qu’il s’agissait d’une question d’opprimés – les Palestiniens, et d’oppresseur – l’État d’Israël. La tentative sioniste pour blanchir la résolution a échoué : 8 délégués ont voté pour la résolution de remplacement, 25 ont voté contre, et 4 se sont abstenus.

Et ainsi à une très grande majorité, les délégués de l’UESF ont voté en faveur d’une résolution qui exprime la solidarité avec les Palestiniens et souscrit à BDS : 23 pour, 6 contre et 7 abstentions. Par ce vote, le syndicat et les éducateurs de San Francisco ont choisi d’être du bon côté de l’histoire.

L’adoption de cette résolution n’est pas la fin de l’histoire, mais seulement le commencement. Souscrire à BDS n’est qu’un début pour s’assurer que le syndicat et les écoles de San Francisco sont dissociées de l’apartheid israélien. Il y a d’autres campagnes à mener. La résolution elle même ne garantira pas que l’UESF sera connue pour son soutien aux droits des Palestiniens et son combat contre l’apartheid raciste. Et même, nous attendons encore une déclaration publique du syndicat lui-même. Il se peut qu’il y ait une riposte sioniste et le mouvement des travailleurs doit être prêt au combat.

C’est l’histoire d’un changement de perception d’Israël et de la Palestine et de possibilités pour améliorer la solidarité internationale. C’est aussi l’histoire de la transformation d’un syndicat d’éducateurs sous l’influence de grèves dans les écoles de Los Angeles, Oakland et ailleurs dans le pays. Cela concerne le besoin de faire entrer une politique socialiste de solidarité dans les syndicats américains afin de restaurer un mouvement syndical combattant.

Nous espérons que cela s’étende. Le moment est venu. Nous espérons qu’un nouveau mouvement déploie ses ailes et que des campagnes BDS prospèrent dans le mouvement des travailleurs américains. Nous espérons que des déclarations symboliques puissent ensemencer le terrain pour d’autres actions comme le refus du Syndicat International des Dockers et Magasiniers de décharger un cargo israélien la semaine dernière. Nous espérons qu’un mouvement ouvrier s’organise pour se battre pour de meilleures conditions de travail et aussi pour de meilleures conditions dans le vaste monde. Nous sommes pour un mouvement ouvrier qui frappe pas seulement pour nous, mais pour les Palestiniens et les populations opprimées partout dans le monde. En effet, les syndicats palestiniens ont appelé, pas plus tard que le 22 mai, à une action immédiate et urgente des syndicats ouvriers internationaux. Nous devons montrer que la classe ouvrière et ses institutions peuvent agir avec solidarité.

Résolution en solidarité avec le peuple palestinien

Attendu que plus 1.500 Palestiniens de quartiers de Jérusalem affrontent la menace d’un déplacement forcé et la démolition de leurs maisons par les autorités israéliennes, et que les enfants représentent un large pourcentage des familles menacées de se retrouver sans abri.

Attendu que ce schéma et cette pratique de dépossession et d’expansion des colonies ont été jugées illégales selon le droit international.

Attendu que de nombreuses organisations internationales réputées de défense des droits de l’homme, telles que Human Rights Watch et B’Tselem située en Israël, ont qualifié ces pratiques d’Israël comme de l’« apartheid » et un régime de discrimination raciale légalisée perpétré contre le peuple palestinien. La Cour Pénale Internationale a ouvert une enquête sur ces pratiques.

Attendu que, en réponse aux manifestations palestiniennes contre ces pratiques illégales et le déplacement forcé de familles de Sheikh Jarrah, la police israélienne a attaqué ces manifestations à de nombreuses reprises, blessant des centaines de personnes, y compris dans un raid sur la Mosquée Al-Aqsa, lieu de culte.

Attendu que, depuis le 10 mai, les Forces de Défense Israéliennes (FDI) ont entamé une campagne intense de bombardements et de tirs de mortier sur le territoire de Gaza. Au moment où nous écrivons, presque 200 personnes, dont plus d’un quart sont des enfants, ont été tuées. Plus de 1.300 ont été blessées et 400.000 Gazaouis ont perdu leur logement.

Attendu que, depuis 2005, plus de 170 organisations de la société civile palestinienne, dont des syndicats d’éducateurs, ont – sur le modèle du mouvement pour mettre fin à l’apartheid sud-africain – demandé à la communauté internationale de rejoindre la campagne de boycott, désinvestissement et appel à des sanctions contre Israël. Depuis lors, de nombreux syndicats d’éducateurs, dont le plus grand syndicat européen d’éducateurs (le Syndicat National des Enseignants) et de nombreuses fédérations nationales de syndicats du monde entier ont souscrit à cet appel.

Qu’il soit par conséquent résolu que les Éducateurs Unis de San Francisco (UESF) expriment leur solidarité avec le peuple palestinien et appellent Israël à mettre fin au bombardement de Gaza et au déplacement à Sheikh Jarrah.

Qu’il soit par conséquent également résolu que l’UESF souscrit à la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions contre l’apartheid en Israël.