Il a dit à ses filles terrorisées de ne pas s’affoler. Alors, une frappe aérienne l’a tué

Ahmed al-Mansi, qui avait une chaîne sur You Tube avec ses filles, est mort dans une frappe aérienne le week-end dernier.

N’ayez pas peur, continuez à jouer. C’est presque fini, répète ce père palestinien à ses deux filles alors qu’elles cherchent désespérément où s’abriter lorsque les avions israéliens vrombissent au-dessus d’eux.

« Papa », crient-elles, cachant leur tête sous des coussins.

Quelques minutes seulement avant l’attaque, Ahmed al-Mansi, 35 ans, filme ses deux filles, âgées de six et douze ans, en train de jouer avec un jeu de pêche aimanté qu’il venait juste de leur acheter pour l’Aïd afin de les distraire pendant le féroce bombardement de la Bande de Gaza par Israël.

La vidéo a été postée mercredi dernier sur le canal familial You Tube, appelé « les stars Sarah et Hala », qui au cours des quatre derniers mois a raconté la vie de ses filles à Gaza, y compris plus récemment les frappes aériennes intensives.

Ce canal a récolté des dizaines de milliers de vues et élevé la famille à une sorte de statut de célébrité dans la Bande, quantité de personnes disant que cela les réconfortait.

Mais cette vidéo, où Ahmed se filme en train d’acheter des jouets pour ses enfants, serait la dernière.

Trois jours plus tard il était tué dans une frappe aérienne.

« Je vous souhaite un joyeux Aïd », dit al-Mansi dans un sourire. « Nous n’aurons pas la possibilité de suivre les traditions habituelles de l’Aïd puisque… c’est très dangereux de conduire la voiture dans les rues. »

« Hala est très perturbée. Je veux faire quelque chose qui la rende heureuse. Je vais lui acheter quelque chose qui la rende heureuse. »

Malgré ses efforts pour réconforter ses filles et les rassurer sur le fait qu’elles sont en sécurité, Ahmed a été tué dans une série féroce de raids aériens sur sa ville au nord de la Bande de Gaza pendant le week-end.

Les vidéos tournées par les membres survivants de la famille sont déchirantes.

Le déluge est incessant : il y a au moins 10 frappes en 15 secondes à peine.

Dans l’obscurité, on entend les enfants hurler et vomir.

Israël a dit que, cette nuit là, ils visaient les réseaux souterrains de tunnels que les combattants utilisent pour se battre.

Ahmed fait partie des 213 personnes tuées, la plupart par les tirs israéliens à Gaza, d’après le ministère de la Santé de Gaza. Quelque 61 enfants et 36 femmes font partie de ce chiffre.

En Israël, mardi, le nombre de morts s’élève à 12 après que deux ouvriers Thaï aient été tués dans une attaque massive de roquettes sur Eshkol, d’après la police.

Malgré d’intenses efforts internationaux pour négocier un cessez-le-feu, avec la présence d’un envoyé américain et de médiateurs égyptiens faisant la navette entre les deux côtés, le combat a continué.

Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a dit après une réunion lundi avec les responsables de l’armée : « Nous continuerons à agir aussi longtemps que nécessaire afin de rendre le calme et la sécurité à tous les citoyens israéliens. »

Les combattants de Gaza – qui ont tiré une quantité sans précédent de 3.200 roquettes sur Israël – ont eux aussi promis de continuer et ont à nouveau menacé de bombarder Tel Aviv.

Pris entre deux feux, il y a les civils qui paient le prix le plus haut.

Les Nations Unies ont dit mardi que 52.000 personnes ont été déplacées à Gaza et plus de 2.500 se sont retrouvées sans abri alors que leurs maisons et des tours d’immeubles ont été frappées.

Le taux de mortalité, cependant, continue de monter.

Le frère aîné d’Ahmed, Hamed 36 ans, photographe bien connu à Gaza, a dit à The Independent que, la veille de la mort d’Ahmed, il avait organisé un fête d’anniversaire pour Hala, sa fille âgée de six ans.

« Il essayait de faire tout ce qu’il pouvait pour les rendre heureuses, pour les distraire de ce cauchemar », a dit Hamed.

Le jour des raids aériens fatals, Ahmed a déménagé sa propre famille ; puis, avec son autre frère, Youssef, il est allé aider Hamed à déplacer ses enfants plus loin du pire du bombardement.

Les vidéos de ce bombardement qui ont été tournées par la femme de Hamed, Hanine, et partagées avec The Independent, ont montré les tirs intenses et incessants.

On peut entendre les parents terrifiés répéter la shahada, profession de foi musulmane, tandis que les enfants hurlent et pleurent.

Hanine, 29 ans, a dit qu’elle avait commencé à filmer pour commémorer le moment où elle pensait que sa famille tout entière serait tuée, comme un témoignage de ce qui leur était arrivé.

« Nous étions aspergés d’éclats d’obus. J’avais si peur. J’attendais la mort à tout moment », a-t-elle dit.

Hamed a dit qu’il pouvait finalement emmener sa femme et ses enfants et retourner chez eux pour retrouver ses frères, qui attendaient dans la rue.

J’étais à 10 mètres d’eux quand un missile israélien les a frappés », a-t-il dit avec un tremblement dans la voix.

« Mes frères ne transportaient pas de roquettes ni de pierres. Ils venaient seulement pour voir si j’allais bien. Je criais en pleurant pour appeler à l’aide, pour une ambulance, c’est pourquoi je n’ai plus de voix maintenant. »

« Pourquoi feraient-ils cela ? »