La violence systématique d’Israël contre les femmes palestiniennes

S’il est un point essentiel pour le colonialisme israélien, c’est la tentative de destruction de la société palestinienne. Cela fait partie d’une démarche pour s’assurer une majorité démographique sur les….

S’il est un point essentiel pour le colonialisme israélien, c’est la tentative de destruction de la société palestinienne. Cela fait partie d’une démarche pour s’assurer une majorité démographique sur les populations non-juives dans toute la Palestine historique et le maximum de contrôle sur le territoire et ses ressources.

Poursuivre ces enjeux implique nécessairement d’entraver la capacité des Palestiniens à élever leur prochaine génération et à soutenir, éduquer et prendre soin d’eux mêmes et les uns des autres.

La destruction institutionnalisée de la vie des femmes palestiniennes a donc été un trait essentiel du projet israélien. Et alors que le monde célèbre la Journée Internationale des Femmes et dans la période du mouvement #MeToo, il est important de se rappeler comment Israël a systématiquement exercé de la violence contre les Palestiniennes, affaibli leur état de santé et sapé leurs conditions socio-économiques.

A cet égard, on peut regarder le colonialisme de peuplement israélien comme intrinsèquement antiféministe et comme une forme de violence genrée.

Violence routinière

La violence d’Israël contre les Palestiniennes est routinière. Le rapporteur spécial du Conseil aux Droits de l’Homme des Nations Unies sur les violences faites aux femmes fait remarquer que « l’installation et l’expansion des colonies s’est accompagnée d’une augmentation de la violence des colons envers les Palestiniens, dont les femmes et les filles.

Le Centre des Femmes pour l’Assistance et le Conseil Juridiques, organisation palestinienne, a recueilli des déclarations de femmes qui racontent avoir eu « terriblement peur de quitter leur maison toutes seules après avoir subi [des agressions par des colons israéliens] de nuit comme de jour ».

L’association a également collecté les témoignages de 100 Palestiniennes vivant à Jérusalem Est occupée par les Israéliens et a découvert que, lorsque les gouvernements israéliens installent illégalement des Israéliens à Jérusalem Est et que les Palestiniens protestent, « les femmes font fréquemment état d’une augmentation de la brutalité de la police israélienne, dont des raids nocturnes dans les maisons familiales et l’arrestation de jeunes hommes et de mineur-e-s ».

Les Palestiniennes qui ont été détenues racontent avoir été soumises à de la torture ou des mauvais traitements ou les deux, comme l’a noté le rapporteur spécial de l’ONU : « Coups, insultes, menaces et harcèlement sexuel sont dénoncés comme des pratiques courantes, ainsi que des fouilles à corps intrusives, qui sont souvent faites avant et après les audiences au tribunal, ou pendant la nuit comme mesure punitive. »

La violence israélienne contre les femmes palestiniennes est également fréquemment fatale et à grande échelle. Pendant l’offensive israélienne contre Gaza de décembre 2008 – janvier 2009, 110 Palestiniennes ont été tuées. Pendant l’agression israélienne de l’été 2014 sur ce territoire, Israël a massacré 230 femmes.

Cibler la santé

La violence fondamentale n’est qu’une des armes déployées contre les femmes palestiniennes. Cibler l’accès des Palestiniens aux soins de santé et réduire leur qualité, dans les territoires occupés de Cisjordanie et de la Bande de Gaza, en est une autre.

Le Comité de l’ONU pour l’Elimination des Discriminations envers les Femmes a récemment émis un rapport révélant que les femmes et filles palestiniennes résidant en Israël « continuent à enregistrer de médiocres résultats sanitaires, particulièrement concernant la mortalité infantile et maternelle ».

Le taux de mortalité infantile chez les citoyens palestiniens d’Israël est de 6,4 pour 1.000 naissances, presque trois fois plus haut que celui des Juifs israéliens. Le mois dernier, la haute cour d’Israël a pris des mesures qui vont vraisemblablement aggraver ce problème en rejetant une pétition qui réclame la réouverture d’une clinique de santé maternelle et infantile au service de quelque 1.500 personnes dans deux communautés palestiniennes d’Israël.

En même temps, Médecins pour les Droits de l’Homme – Israël a fait remarquer toute une série de mécanismes grâce auxquels Israël détériore les soins de santé des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza.

On y trouve le contrôle par Israël du budget de l’Autorité Palestinienne, dont le budget de la santé, et la limitation de la liberté de circulation des patients, du personnel médical, des ambulances et des médicaments entre la Bande Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem Est, ainsi qu’à l’intérieur de la Cisjordanie.

Ces pratiques contribuent au fait que les Palestiniennes ont des résultats sanitaires plus mauvais que ceux de leurs homologues israéliennes. La mortalité maternelle en Cisjordanie et à Gaza est quatre fois plus haute qu’en Israël. L’espérance de vie des Israéliennes est en moyenne de 10 ans supérieure à celle des Palestiniennes.

Par ailleurs, les femmes palestiniennes de Cisjordanie vivent sous la menace omniprésente de voir leurs maisons démolies ou d’en être chassées. Ce fait, selon le rapporteur spécial de l’ONU, a un « impact psychologique sévère » sur les femmes, « provoquant de l’anxiété et conduisant à la dépression ».

Les forces militaires israéliennes exécutent régulièrement des raids nocturnes en Cisjordanie. Le rapporteur spécial en parle comme d’une « violence psychologique » contre les femmes palestiniennes, au point qu’elles « subissent de graves désordres du sommeil, des problèmes de stress intense et des dépressions ».

Entre temps, aux checkpoints qu’Israël a installés à travers la Cisjordanie, les soldats israéliens ont empêché de passer des Palestiniennes enceintes en route vers l’hôpital pour accoucher.

A Gaza, les soins de santé sont inadéquats à cause du blocus israélien. Les patients en attente de soins sont à la merci de l’armée israélienne pour recevoir un permis de voyager, qui est souvent retardé ou refusé.

En 2016 par exemple, le Centre des Femmes pour l’Assistance et le Conseil Juridiques rapporte que 1.726 de ces permis ont été refusés et 8.242 tellement retardés que la réponse est arrivée trop tard pour arriver à temps aux rendez-vous médicaux.

Ces restrictions sont « arbitraires », selon le centre, et « ciblent gravement les femmes malades qui ne représentent aucune menace [pour Israël]… Pour les femmes – mères, épouses et filles – le poids que ces restrictions fait peser sur elles et leurs familles est insupportable ».

Les attaques militaires à grande échelle d’Israël sur Gaza ont encore plus détérioré la santé des femmes là-bas.

Selon la Commission de l’UNESCO sur le Statut des Femmes, l’attaque israélienne de 2014 a laissé les centres de santé endommagés, sans équipements et fournitures de santé suffisants, et ceux qui prodiguent les soins de santé dans l’incapacité de faire correctement face aux besoins des femmes et des filles qui requéraient l’aide des services de santé sexuelle et reproductive.

Pendant l’attaque israélienne, rapporte l’UNESCO, « plus de 45.000 Palestiniennes enceintes n’ont pu avoir accès aux services élémentaires de santé reproductive, et environ 5.000 d’entre elles ont accouché dans des conditions extrêmement élémentaires ».

Potentiel destructeur

Des problèmes similaires existent en ce qui concerne l’éducation et l’emploi des femmes palestiniennes.

Le Comité de l’ONU sur l’Elimination des Discriminations envers les Femmes a exprimé son « inquiétude concernant la discrimination systémique que subissent les minorités nationales » qui vivent en Israël, spécifiquement les femmes et les filles palestiniennes. Le comité fait remarquer que les femmes et les filles palestiniennes n’ont pas un accès égal à l’éducation – auquel ont droit leurs homologues juives orthodoxes – ce qui provoque un taux de décrochage plus haut et de pauvres résultats dans l’enseignement supérieur.

Selon l’universitaire Suheir Abu Oksa Daoud, « la politique de l’État d’Israël envers les travailleuses palestiniennes [qui vivent en Israël] a joué un rôle central dans leur marginalisation par rapport à la production et à l’emploi. »

Daoud souligne le fait que la « grave pénurie » de crèches dans les zones palestiniennes empêche les Palestiniennes de pouvoir entrer dans le marché du travail, faisant remarquer que seules 25 crèches soutenues par le gouvernement fonctionnent dans les zones palestiniennes d’Israël alors qu’il y en a 16.000 dans les zones juives.

En Cisjordanie, la violence, le vandalisme et la destruction de propriétés pratiquées par les soldats et les colons israéliens « surchargent les femmes de responsabilités accrues, y compris financières, envers les membres de leur famille ».

Dans une étude sur la Vallée du Jourdain occupée par Israël, région de Cisjordanie largement peuplée de Palestiniens bédouins, l’association de défense des droits Al-Haq note que les femmes palestiniennes sont spécialement « vulnérables à l’impact des mesures illégales d’Israël dans la région, qui ont eu un impact directement contraire à leur niveau de vie et aux divers rôles et responsabilités qu’elles assument ».

Par exemple, l’organisation souligne qu’en 2015 et 2016, Israël a démoli 240 maisons, tentes, étables, boutiques et fermes aviaires dans la Vallée du Jourdain, déplaçant 647 Palestiniens. Ces mesures, dit Al-Haq, ont eu des « conséquences désastreuses » pour les femmes palestiniennes et les ont privées de leur droit à un niveau de vie approprié.

Al-Haq ajoute que le régime discriminatoire israélien de planification et de découpage du territoire refuse systématiquement aux communautés palestiniennes des permis de construire si bien que, dans la Vallée du Jourdain, les Palestiniennes et leurs familles « sont obligées de vivre avec peu ou pas d’intimité, dans un environnement surpeuplé, insalubre et inhabitable. »

Ces conditions de vie misérables affectent « le mode de vie des femmes et des enfants et leur accès aux services et équipements de base, y compris l’eau et l’hygiène, les soins de santé et l’éducation.

Al-Haq a interrogé les femmes de al-Qilt Al-Foqa, communauté du sud de la Vallée du Jourdain, sur les actes de violence commis de façon routinière par les colons israéliens, souvent sous la protection des soldats israéliens. L’organisation déclare que « les femmes ont exprimé leur angoisse de vivre dans un constant état de détresse psychologique dû à la peur de potentielles attaques des colons sur la communauté ».

Cette anxiété, ajoute Al-Haq, « découle à la fois du fait d’avoir éprouvé et d’avoir été témoin dans le passé d’actes de violence qui ont fait peser une sérieuse menace sur la vie des femmes, des enfants et de membres d’autres familles ».

Al-Haq trouve que « le droit des Palestiniennes de jouir du niveau de santé physique et mentale le plus élevé possible, y compris de la liberté sexuelle et reproductive, est gravement mis à mal par les pratiques israéliennes dans la Vallée du Jourdain, dont les démolitions, le refus de construction de routes et les restrictions d’accès aux services et équipements de santé ».

A Gaza, dit l’UNESCO, l’insécurité alimentaire dans les maisons dirigées par les femmes est de 51 %, tandis que dans les maisons dirigées par les hommes, dans lesquelles vivent la plupart des femmes, il est de 58 %.

L’UNESCO attribue ce problème au blocus de la Bande par Israël. Le rapport fait remarquer que l’insécurité alimentaire a empiré après l’agression israélienne de l’été 2014 parce qu’elle a accru le nombre de Palestiniens déplacés à Gaza, a rendu l’accès de la population à ses moyens d’existence plus difficile, et a fait grimper le taux de chômage. L’UNESCO dit qu’elle s’attend à ce que cette situation « contribue à la détérioration de l’état nutritionnel des femmes et des enfants ».

En tant que « premières dispensatrices des soins à Gaza, les femmes se trouvent confrontées à d’énormes défis en se trouvant face au très grand nombre de familles dont des membres ont été tués ou blessés, à l’impact à long terme d’infrastructures endommagées et aux services réduits », déclare l’UNESCO.

Systématique et délibéré

L’oppression et la violence d’Israël contre les femmes palestiniennes sont envahissantes et se manifestent à tous les niveaux de leur vie. On ne peut les percevoir que comme systématiques.

Le Centre des Femmes pour l’Assistance et le Conseil Juridiques décrit les femmes palestiniennes de Jérusalem comme une « communauté délibérément et systématiquement placée sous une énorme pression physique et psychologique par l’autorité dominante, avec l’intention apparente, non seulement de rendre la vie quotidienne insupportable, mais aussi de détruire tout espoir d’un avenir plus attrayant ».

L’Organisation Mondiale de la Santé trouve que les mesures prises par Israël en tant que puissance occupante sont « destinées à expulser [les Palestiniens des Cisjordanie et de la Bande de Gaza] et à les empêcher d’atteindre leurs terres agricoles et leurs propriétés. Ceci a un effet dévastateur sur les habitants, particulièrement les femmes (et spécialement les femmes enceintes), les enfants et les personnes âgées ».

La politique coloniale de peuplement d’Israël sape les capacités des femmes palestiniennes à vivre leurs vies pleinement et en sécurité, et à contribuer à construire des communautés capables de prospérer actuellement et dans les générations futures.

En cette Journée Internationale des Femmes, un moyen de soutenir l’émancipation mondiale des femmes, c’est de soutenir la lutte pour la libération des Palestiniens.