Le président de Purdue s’en prend à la gauche

Note de l’AURDIP : L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP) exprime sa plus grande solidarité avec notre camarade et collègue, Bill Mullen, professeur de l’Université de Purdue et membre du Collectif d’organisation de la Campagne Américaine pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël (USACBI) qui fait face à des attaques fallacieuses et malveillantes de la part du Président de l’Université de Purdue, Mitch Daniels. Bill Mullen était l’invité de l’AURDIP l’an dernier et s’est exprimé à l’EHESS sur [« La solidarité afro-palestinienne passée et présente ».]

Mitch Daniels a décidé que le véritable ennemi sur le campus de Purdue ne réside pas dans le harcèlement et la violence menaçants de l’extrême droite, mais dans le militantisme de gauche, écrit Elizabeth Schulte.

UNIVERSITÉ PURDUE – Le Président Mitch Daniels a clairement signifié aux antiracistes qu’il est plus enclin à les attaquer qu’à attaquer les fascistes qui s’organisent sur le campus à travers une lettre adressée au professeur Bill Mullen, pro-palestinien et antiraciste bien connu, qui l’accuse d’être antisémite.

Daniels, qui a été gouverneur d’Indiana et représentant de l’administration Bush, a écrit la lettre en réponse à une déclaration de la section de Purdue du Réseau Antifasciste des Campus, l’appelant à se pencher sur plusieurs exemples d’activités fascistes sur le campus, avec notamment des diffusions de flyers du groupe nationaliste blanc Identity Evropa.

Au lieu de prendre au sérieux la menace de l’extrême droite en train de s’organiser, Daniels a vu là une opportunité d’attaquer Mullen, en écrivant :« j’ai eu, par le passé, à défendre votre droit à la parole qui était largement interprété comme raciste, sous la forme du plus vieux des préjugés, l’antisémitisme ».

Mullen a soutenu la campagne palestinienne de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël (BDS) et il a aidé l’Association des Études Américaines à préparer une résolution de boycott des universités israéliennes qui a été votée en 2013.

Depuis des années, ceux qui s’opposent au mouvement pour la justice en Palestine essaient de salir ceux qui le soutiennent comme « antisémites », une accusation en réalité sans fondement. « C’est l’accusation la plus porteuse de clichés de droite et sionistes et Daniels ne fait que la recycler » a dit Mullen lors d’une interview. « Il essaie désespérément de changer de sujet depuis son échec à agir contre la suprématie blanche sur le campus ».

La lettre, que le service de Daniels a publiée après une question du Lafayette Journal and Courier, prétend aussi à tort que Mullen et le Réseau Antifasciste des Campus sont affiliés aux Antifa.

En réalité, la déclaration de Daniels encourage les attaques contre le militantisme de gauche sur le campus. Mullen a dit qu’il a déjà reçu un mail le traitant de pédé et le menaçant d’une attaque physique

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TANDIS QUE DANIELS se concentre sur l’attaque de la gauche du campus, l’extrême droite essaie de faire souche à Purdue. Deux semaines après l’élection de Trump, l’Avant-Garde Américaine néonazie a placardé sur le campus des affiches comportant une iconographie du Troisième Reich.

« Daniels a dit que le contenu des affiches n’était ‘pas clair’ dit Mullen. « Après qu’un mécontentement se soit exprimé publiquement avec ces mots, il a répété qu’il n’attirerait pas davantage l’attention sur l’Avant-Garde en agissant vis-à-vis d’eux ».

Depuis, cinq autres incidents se sont produits, à cause de flyers de suprématistes blancs ou de nationalistes blancs sur le campus. Il y a deux semaines, des tableaux disposés en forme de svastikas ont été trouvés dans le collège d’honneur de l’Université de Purdue et dans ses Résidences. Leur signification devrait être claire, même pour Daniels.

Tandis que Daniels condamne les militants de gauche comme « racistes », il fait tout ce qu’il peut pour assurer que les idées conservatrices obtiennent une plus large audience. « C’est la première fois qu’il m’attaque personnellement » a dit Mullen, « mais ce qu’il a fait, c’est de créer un environnement hostile sur le campus à l’égard de la pensée progressiste, des étudiants des minorités et de la contestation politique de gauche ».

Depuis sa nomination comme président de l’université, Daniels a adopté la politique de « liberté d’expression » développée par l’université de Chicago, qu’il met à profit « pour faire plus de place à la pensée et au discours conservateurs… (et) pour couvrir la réduction et la limitation du discours progressiste » dit Mullen.

Par exemple, la chef du service de la diversité, Christina Taylor a été licenciée peu de temps après qu’elle a aidé à organiser des conférences d’Angela Davis et de Cornell West sur le campus. Daniels accueille cependant des cycles de conférences des plus visibles sur le campus où accourent des mâles blancs conservateurs comme George Will, le Secrétaire d’État de Ronald Reagan George Schultz, et l’auteur de Hillbilly Elegy , J.D. Vance.

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DEPUIS L’ÉLECTION DE TRUMP, des gens de droite comme Daniels – dont le palmarès d’attaques contre des immigrants, contre les droits liés à la procréation, et contre les syndicats est clair depuis qu’il est dans le service public – se sont encore plus enhardis au point de diffuser par radio leur programme de droite. Faire taire la gauche fait partie de ce programme.

« Daniels a aidé à mener une double accusation contre les radicaux , les gens de gauche et le progressistes : exercer une forte pression pour étendre la liberté de parole à la droite – et pour la droite – et restreindre l’espace et les pratiques des voix de gauche » dit Mullen. Il y a là une prise en étau pratiquée dans tout le pays, dans laquelle nombre d’entre nous se retrouvent ; nous devons la dénoncer et y résister ».

La campagne de dénigrement de Daniels contre Mullen est un exemple d’une menace plus vaste. Cette semaine, l’Université de Drexel a placé le professeur de gauche George Ciccariello-Maher en congé pour ses commentaires sur les réseaux sociaux. Plusieurs universitaires sont devenus des cibles directes de menaces de la part de l’extrême droite tels que Keeanga-Yamahtta Taylor de l’Université de Princeton qui a reçu des menaces de mort après avoir critiqué le président dans un discours inaugural.

Le message de la droite est clair : si vous êtes professeur et que vous vous exprimiez publiquement, votre poste pourrait être en danger.

Si de telles attaques restent incontestées, elles vont générer une atmosphère de peur chez les gens de gauche et ouvrir la voie à des groupes d’extrême droite comme Identity Evropa qui sont engagés cette année dans une démarche de recrutement sur notre campus.

Il y a un certain nombre de choses que les militants du campus peuvent faire pour résister à cet assaut, dit Mullen :

La première chose qu’il nous faut, c’est convaincre politiquement sur des points importants : contre le racisme, contre le sexisme, contre l’homophobie, l’impérialisme, le capitalisme et Trump. Convaincre politiquement à un moment de crise, c’est la façon la plus calme de s’assurer que de meilleures idées l’emportent à l’université et dans la rue.

Ensuite, ce qu’il nous faut, c’est continuer à nous organiser largement en un front uni contre la droite. En ce qui concerne particulièrement les attaques contre les professeurs, il nous faut des coalitions permanentes pour protéger des attaques les enseignants de l’université. L’une de celles-ci, dans laquelle je suis impliqué, est le Réseau Antifasciste des Campus.

Un troisième point est de rejoindre et de construire des syndicats universitaires qui puissent aider à défendre les enseignants contre les attaques. Je suis membre de la section de Purdue de l’Association Américaine des Professeurs d’Université qui a une expérience de procédures contre des universités qui ignorent les droits des enseignants ou de la gouvernance…

Quatrièmement, enseignants et étudiants doivent se coordonner. Étudiants LGBTQ, Africains Américains, Latino-Américains, Palestiniens et groupes d’étudiants devraient être partie prenante de la défense de campagnes pour les enseignants…

Enfin, des groupes sur les campus devraient agir avec des syndicats et des organisations progressistes non académiques pour protéger les enseignants. Une attaque contre un enseignant pour l’expression de ses opinions antiracistes est une attaque contre tous les travailleurs défendant ces opinions. Comme on dit toujours : « préjudice à l’un, préjudice à tous ».