Al-Haq et ses partenaires lancent une action juridique sans précédent contre l’organisateur du Paris Air Show

Le 9 décembre 2025, après deux ans d’attaque génocidaire d’Israël contre Gaza et la confirmation par une Commission d’enquête indépendante des Nations Unies que l’État d’Israël commet un génocide‘, Al-Haq, Avocats pour la Justice au Moyen-Orient (AJPO), l’Union juive française pour la paix (UJFP), Survie et NIDAL, soutenus dans leur stratégie juridique par Droit et Mouvements Sociaux (DMS), ont intenté un nouveau procès civil contre les organisateurs du 56e Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE), Paris Air Show.

Nos organisations pensent que le SIAE a exécuté des contrats qui sont illégaux et contraires à l’ordre public en promouvant et en accueillant des entreprises et des délégations qui, directement ou indirectement, fournissent des armes à Israël, promouvant ainsi la vente de leurs armes pour des profits économiques.

En juin dernier, la procédure sommaire initiale lancée par Al-Haq, l’UJFP, Attac, Stop Fuelling War (SFW) et Survie, et coordonnée par Droit et Mouvements Sociaux (DMS), a conduit la compagnie organisant le salon, SIAE, à répondre des mêmes charges devant le tribunal de Bobigny. Une autre procédure sommaire a de plus accusé le SIAE d’accueillir des entreprises soupçonnées de contourner les sanctions internationales contre la Russie et le Soudan.

Bien que la Cour d’Appel de Paris ait rejeté leurs demandes, la combinaison de cette action et des manifestations — comme celles organisées par la coalition partenaire « Guerre à la guerre » contre le Paris Air Show du 20 au 22 juin 2025, rassemblant 4000 personnes à la manifestation de Bobigny –– a incité l’État et le SIAE à prendre des mesures à la veille du salon pour empêcher l’exposition de certaines armes israéliennes.

Cependant, couvrir quelques stands d’entreprises israéliennes de feuilles noires n’exempte pas le SIAE de sa responsabilité pour des crimes internationaux.

Les associations prennent maintenant une nouvelle mesure : elles engagent une action civile de responsabilité sans précédent pour faire reconnaître que le SIAE a commis une faute en exécutant des contrats illégaux consistant à accueillir lors de l’exposition des entités directement ou indirectement impliquées dans un génocide. La branche française des Amis de la Terre soutient aussi comme partie prenante ces poursuites sommaires.

Du 16 au 22 juin 2025, la ville du Bourget a accueilli une des plus vastes expositions commerciales aérospatiales du monde, réunissant près de 2500 fabricants et start-ups des secteurs civils et militaires du monde entier. Le SIAE leur a permis de signer des contrats d’armement avec des entreprises d’armement israéliennes, pour 150 milliards de dollars.

À un moment où le bilan des victimes à Gaza est d’au moins 64700 morts et 164000 blessés, les requérants considèrent que promouvoir et accueillir des entreprises d’armement (israéliennes et d’autres nationalités) et des délégations impliquées dans un génocide est contraire aux dispositions de politique publique du Code pénal français sur la complicité et la dissimulation de crimes de guerre et de génocide et de crimes contre la dignité humaine.

Nos organisations s’appuient sur le jugement historique de l’affaire Lafarge, qui a reconnu la responsabilité d’une entreprise française dans la complicité pour crime contre l’humanité en Syrie. De fait, cette décision affirme que « du moment que vous commettez un acte, quel qu’il soit, même par omission, dont vous savez qu’il contribue à un crime, vous pouvez être poursuivi pour complicité dans ce crime », souligne le coordinateur de DMS, qui a rédigé la plainte contre Lafarge.

Chaque année, le Paris Air Show facilite le commerce des armes et de leurs composants pour des multinationales du monde entier. Au Forum « Qui arme les crimes internationaux », les plaignants ont expliqué que :

« Sans la complicité active des marchands d’armes israéliens et occidentaux, leurs relais et leurs intermédiaires — comme les salons aux armements — et les États qui les soutiennent, ces crimes ne pourraient avoir une telle intensité ou persistance. »

Les exportations israéliennes d’armement ont atteint un niveau historique de 14,7 milliards de dollars en 2024, une augmentation de 13% par rapport à 2023, le double des chiffres d’il y a cinq ans. Plus de la moitié de ces contrats valent plus de 100 millions de dollars et sont conclus avec des pays européens. Le ministre israélien de la Défense, Israel Katz a applaudi la croissance des exportations d’armement, revendiquant « une réalisation exceptionnelle dans une année marquée par la guerre » qui, a-t-il suggéré, était « un résultat direct des succès des Forces de défense d’Israël contre le Hamas, Hezbollah, les Houthis et le régime iranien … Le monde reconnaît la force d’Israël et veut y être associé. »

Dans cette optique, « il est urgent de mettre en avant le droit civil pour empêcher l’impunité des milliers d’acteurs économiques et étatiques impliqués dans des crimes internationaux », conclut le coordinateur de l’action de DMS. Cette nouvelle action juridique fait partie d’un mouvement plus large, qui gagne de l’élan en France et dans le monde entier, pour dénoncer la course à l’armement et la militarisation et pour mettre fin à l’impunité de l’industrie de l’armement, qui profite de la guerre en cours et du génocide à Gaza.

La coalition « Guerre à la guerre » fait partie de ce mouvement et soutient aussi cette nouvelle action juridique. Selon la coalition, les armes utilisées par l’Occident pour coloniser ou exterminer des peuples comme le peuple palestinien viennent du même système répressif que celles utilisées pour la répression interne des militants, des défenseurs des droits humains et des migrants luttant pour leurs droits.

L’action juridique est un pas en avant supplémentaire pour permettre aux citoyens d’avoir leur mot à dire sur le commerce de l’armement et pour mettre fin à ce système utilisé pour maintenir le régime colonial de peuplement et d’apartheid, l’occupation illégale et le génocide.

  • Photo : Julian Herzog / CC BY 4.0