Une lettre ouverte signée par au moins 460 intellectuels juifs et israéliens, des célébrités, des acteurs politiques, appelle l’ONU et des chefs d’États à intervenir sur « les conditions qui président à l’occupation, à l’apartheid et au déni des droits des Palestiniens », absentes de l’accord de cessez-le feu du président Trump des États-Unis.
NEW YORK – Un groupe de leaders et de personnalités juives célèbres appellent le monde à tenir Israël responsable de ses actes à Gaza et de faire usage du cessez-le feu avec le Hamas comme tournant décisif vers une paix juste et durable.
Par une lettre ouverte intitulée « Des Juifs exigent d’agir » publiée mercredi, Avraham Burg, ancien président de la Knesset et président d’Israël par intérim, Daniel Lévy, ancien négociateur israélien, Naomi Klein écrivaine canadienne et Peter Beinart, auteur, rejoints par au moins 460 personnalités juives exhortent à des sanctions contre Israël et à l’application du droit international.
La lettre , adressée au Secrétaire général de l’ONU et à des chefs d’État du monde entier, constitue le premier appel de la sorte depuis que le cessez-le feu a pris effet, le 10 octobre.
« C’est avec un grand soulagement que nous accueillons le cessez-le feu » dit la lettre. « Et cependant, il ne devrait pas y avoir de doute sur la fragilité de ce cessez-le feu : les forces israéliennes demeurent à Gaza, l’accord ne fait aucune référence à la Cisjordanie, les conditions qui président à l’occupation, à l’apartheid et au déni des droits des Palestiniens », ne sont pas prises en compte ».
Les signataires incluent des artistes, des auteurs et des militants comme les acteurs Ilana Glazer, Hannah Einbinder , Wallace Shawn, ainsi que les réalisateurs oscarisés, Jonathan Glazer et Yuval Avraham, les comédiens Éric André et Léo Reich et le prix Pulitzer, Benjamin Moser.
La lettre exhorte les dirigeants du monde à appliquer le droit international, à sanctionner les complices des crimes de guerre, à assurer que l’aide atteigne Gaza et à rejeter les fausses accusations d’antisémitisme contre ceux qui plaident pour la paix et la justice.
« Le cessez-le feu doit être le début, non la fin. Le risque de revenir à une réalité politique d’indifférence à l’occupation et au conflit permanent est trop grand. Cette même pression doit être poursuivie afin d’offrir une nouvelle ère de paix et de justice pour tous – Palestiniens et Israéliens » dit la lettre.
Dans une interview téléphonique de Haaretz, Burg a expliqué quelle a été sa motivation pour prendre l’initiative de cette lettre.
« Tout au long des ténèbres à Gaza, je n’ai jamais cessé d’écrire et de défendre mes valeurs. De là a émergé un projet que je soutiens de tout mon cœur. Nous avons atteint un moment de rupture existentielle. Mon pays est maintenant en conflit avec mes valeurs humaines et juives les plus profondes. Entre un appareil d’État qui a été détourné et le fondement moral de mon peuple, le choix est clair », a-t-il dit.
En août, Burg a appelé les Juifs du monde à porter plainte collectivement auprès de la Cour Internationale de Justice, accusant Israël de crimes contre l’humanité à Gaza ; il a écrit sur son compte Substack : « Nous avons besoin qu’un million de Juifs – moins de 10% de la population juive mondiale – portent plainte ensemble auprès du Tribunal de La Haye.
J’ai finalement réalisé que j’avais tort de penser que nous étions peu nombreux. Des milliers de Juifs dans le monde attendaient ce message. Ce qu’il se passe à Gaza et dans les territoires occupés n’est pas le judaïsme- c’est une horrible et fanatique mutation religieuse. Nous devons nous élever contre elle, dire la vérité aux puissants et refuser d’être silenciés » a-t-il ajouté.
Levy, un des in initiateurs de la lettre a dit à Haaretz qu’il n’est pas question de minimiser les atrocités du 7 octobre. Il s’agit d’avoir les yeux ouverts – non seulement sur ce qui s’est passé après, mais sur ce qui a été négligé pendant des décennies : le refus de tout choix politique permettant de remédier à l’occupation permanente. « Cela n’aurait jamais pu amener la sécurité ou le bien-être » a-t-il dit.
Cette initiative vise à trouver d’autres voix juives. « Et elles ne sont pas difficiles à trouver » a-t-il dit. « Elles prolifèrent. Nombreux sont ceux qui sont profondément dégoûtés par ce qui a été fait au nom du collectif juif, comme si c’était ce que nous avons appris de l’histoire juive, comme si c’était notre destin manifeste.
La lettre prend la suite d’un sondage récent du Washington Post qui montre une forte désapprobation de la conduite de la guerre par Israël, parmi les Juifs américains, 61% d’entre eux disant qu’Israël a commis des crimes de guerre contre les Palestiniens de Gaza.
En dépit du cessez-le feu, des frappes des FDI dans le sud de Gaza ont tué 44 personnes depuis dimanche, selon des sources hospitalières.
« Je pense que nous verrons davantage de gens ne voulant pas faire comme si de rien n’était, après ce fragile cessez-le feu. Ils disent non – il faut que cela change. Nous devons essentiellement retrouver ce que nous défendons. Parce que retourner simplement au statu quo du 6 octobre 2023 ne mènera qu’à un plus grand désastre. La pression a un effet. La responsabilité importe. Nous ne pouvons pas simplement passer à autre chose comme s’il ne s’était rien passé » a ajouté Burg.
« Tout au long de l’histoire juive, il y a eu des moments où la majorité suivait aveuglément de désastreux leaders et ce sont les quelques-uns qui s’opposaient à eux qui ont préservé cette grande et noble tradition. Cela s’est déjà passé et là est notre devoir une fois de plus » a-t-il dit.
« La minorité juste doit proposer une planche de salut à la majorité malavisée. Pour s’opposer aux idéologies de suprématie juive et au pouvoir d’un ministre corrompu qui nous sacrifie tous sur l’autel de ses propres intérêts égoïstes et de son hubris mortifère ».
La publication de la lettre coïncide avec un sommet de l’UE à Bruxelles où les dirigeants envisagent des sanctions contre Israël et avec une décision prochaine de la Cour Internationale de Justice sur les obligations d’Israël à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Elle coïncide aussi avec des conversations qui commencent sur la deuxième phase du plan du président Trump de cessez-le feu .
La lettre est sur https://jewsdemandaction.org/
