5 jours dans la prison israélienne du désert : David Adler, militant juif de la flottille, parle de sa douloureuse épreuve de détention

Les forces israéliennes ont kidnappé la semaine dernière plus de 500 militants de la paix qui naviguaient vers Gaza, dans une tentative pour livrer de l’aide humanitaire dans le territoire assiégé. Les organisations de la Flottille internationale du SUMUD disent que la plupart des participants ont été envoyés à la prison Ktzi’ot, tristement célèbre pour ses conditions de détention difficiles et violentes. Plusieurs ont fait état de mauvais traitements physiques, d’humiliations et de traitements inhumains par les soldats israéliens.

Le militant juif américain David Adler, co-coordinateur général de Progressive International, dit qu’il a été confronté à des mauvais traitements supplémentaires à cause de ses origines.

« Ils se sont penchés et ont vu mon passeport qui portait mon nom complet, David Rashi Kremen Adler, et m’ont demandé si j’étais juif. J’ai dit que j’étais juif. Ils m’ont attrapé par l’oreille et m’ont forcé à me pencher et à regarder le drapeau de l’État d’Israël », dit Adler, qui décrit aussi comment il a été confronté en prison au ministre israélien d’extrême-droite Itamar Ben-Gvir, qui a qualifié Adler de « terroriste ».

[Ce qui suit est une traduction de la séquence en ligne, sur Democracy Now!, democracynow.org,]

AMY GOODMAN : Nous sommes sur Democracy Now!, democracynow.org, The War and Peace Report. Je suis Amy Goodman, avec Nermeen Shaikh.

NERMEEN SHAIKH : Les forces israéliennes ont intercepté aux petites heures de mercredi [8 octobre 2025] une autre flottille d’aide humanitaire se dirigeant vers Gaza pour essayer de briser le blocus d’Israel et de livrer de l’aide humanitaire. La coalition de la Flottille de la liberté et de Thousand Madleens to Gaza a envoyé une flotte de 11 navires avec 150 personnes à bord, dont des médecins. Ils ont dit initialement que trois bateaux avaient été attaqués dans les eaux internationales à 120 miles nautiques de la côte de Gaza. Peu après, tous les bateaux ont été interceptés par Israël.

C’était la deuxième interception de ce genre la semaine passée. Quelques jours auparavant les forces israéliennes avaient intercepté environ 40 navires et emprisonné plus de 450 militants faisant partie de la Flottille mondiale Sumud. Quelques-uns des militants kidnappés en haute mer ont rapporté qu’ils avaient subi des mauvais traitements, des humiliations et un traitement inhumain de la part des soldats israéliens. Les militants détenus à bord de la Flottille mondiale Sumud incluaient l’ancien député sud-africain Mandla Mandela, le petit-fils de Nelson Mandela. Il a été retenu dans une prison israélienne pendant six jours avant d’être relâché via la Jordanie.

NKOSI ZWELIVELILE « MANDLA » MANDELA : Nous avons été menottés avec des cables étroitement serrés dans notre dos, arrachés à nos navires et mis sur la plateforme, à défiler devant tous les Israéliens et leurs alliés d’Europe et d’Occident et la communauté internationale. Mais ce n’est rien comparé à ce à quoi les Palestiniens ont été soumis sur une base quotidienne. Nous avons été kidnappés dans les eaux internationales. Les Palestiniens sont attaqués, mutilés et tués.

 Alors que beaucoup de nos camarades se sont vu offrir l’opportunité de prendre une douche, ils se sont assurés que ce soit refusé à la délégation sud-africaine. Mais nous comprenions très bien pourquoi il en était ainsi : parce que nous sommes une nation qui a osé, à travers notre gouvernement, amener l’Israël de l’apartheid devant la Cour internationale de justice.

AMY GOODMAN : C’était Mandla Mandela après sa libération d’une prison israélienne, e petit-fils de Nelson Mandela, qui faisait partie de la Flottille Sumud, et est maintenant de retour en Afrique du Sud.

Nous sommes rejoints à Paris par David Adler, co-coordinateur général de Progressive International, qui a participé à la Flottille internationale Sumud vers Gaza, avant son interception par les forces israéliennes. Il a écrit un article pour Jacobin intitulé « J’ai passé cinq jours dans la prison du désert d’Israël ».

Bienvenue à nouveau sur Democracy Now!, David. Nous vous avons parlé en haute mer. Dites-nous ce qui vous est arrivé ainsi qu’aux autres militants de la flottille avant d’être expulsés.

DAVID ADLER : Donc, mercredi dernier, aux premières heures du matin, nous avons été violemment attaqués et kidnappés par les forces navales israéliennes dans les eaux internationales. Et dans les heures qui ont suivi, comme l’a dit mon camarade Mandla Mandela, nous avons été emmenés au port d’Ashdod, où nos affaires et nos bateaux ont été volés et confisqués. Ils ont littéralement arraché les bijoux, les colliers, les anneaux, les choses précieuses, de nos sacs et de nos bagages et ils les ont jetés ou confisqués, sans aucun accès — quelles que soient les demandes que nous pouvions faire de notre côté. Et nous étions, vous savez, mis dans des positions humiliantes, à défiler pour que Ben-Gvir et ses amis aient l’opportunité d’une photo.

À ce moment, ils se sont penchés et ils ont vu mon passeport, qui avait mon nom complet, David Rashi Kremen Adler, et ils m’ont demandé si j’étais juif. J’ai dit que j’étais juif. Ils m’ont attrapé par l’oreille et m’ont forcé à me pencher et à regarder le drapeau de l’État d’Israel pour que Ben-Gvir vienne me dire face à face que j’étais un terroriste.

Au cours des heures suivantes, nous avons subi une fouille à nu, nous avons été menottés, les yeux bandés et nous avons disparu dans le désert du Néguev, dans l’un des camps de détention les plus tristement célèbres — le Guantánamo Bay d’Israël, Ktzi’ot — , 400000 mètres carrés, où des centaines, des milliers, de prisonniers politiques de Palestine ont été détenus et torturés au cours des derniers 30 ans, et certainement depuis qu’il a réouvert en 2002, après qu’ils sont dû le fermer à cause de rapports répétés sur des violations en série des droits humains.

Au cours des jours suivants à l’intérieur de ce camp, nous, les internés je devrais dire — ce n’était pas une prison, c’est un camp d’internement — nous avons souffert de violations systématiques et en série de nos droits les plus basiques. Nous n’avions par intermittence pas d’accès à la nourriture, à l’eau, jamais de douche. Les Nord-Africains, en particulier, ont été ciblés pour des mauvais traitements et des tabassages sévères, arrachés de leurs cellules avec des bergers allemands, des fusils dirigés sur leurs têtes, menottés, aux poignets et aux chevilles, les yeux bandés et mis à l’isolement. Nous avons dû pratiquement nous mobiliser en tant que bloc de cellules pour les récupérer. Et, je dois dire, la privation systématique de médicaments vitaux, dont de l’insuline. Une des femmes dans les blocs de cellules avait une infection rénale si sévère qu’elle s’est évanouie deux fois et pendant deux jours on lui a refusé tout accès à ses médicaments.

Et c’étaient seulement les conditions les plus basiques que nous avons subies pendant le temps que nous avons passé à Ktzi’ot, : nous n’avons eu aucun accès à des représentants juridiques, nos familles ont été laissées sans aucune information sur notre emplacement, notre santé ou notre existence et, inutile de le dire, nous n’avons eu aucun accès ni soutien des services consulaires des États-Unis.

NERMEEN SHAIKH : Eh bien, certainement, en ce qui concerne la réponse des États-Unis, la réponse de l’administration Trump, plus tôt cette semaine, lundi, l’ambassadeur des États-Unis en Israël Mike Huckabee est allé vous attaquer sur les réseaux sociaux, vous, David Adler, personnellement, en tant que, je cite, « égocentrique instrument du Hamas ». Qu’est-ce que vous répondez ?

DAVID ADLER : Ma réponse est que nous devons casser le mythe qui s’est tellement installé grâce à la propagande d’Hollywood : le Département d’État des États-Unis est là pour vous sauver, vous extraire et vous secourir où que vous soyez dans le monde. En fait, quand vous regardez les différentes délégations qui faisaient partie de cette mission, la délégation américaine a été traitée de loin — de la pire manière par nos propres services consulaires. Ils ne sont pas venus au camp avant peut-être quatre jours après notre disparition et notre détention au milieu du désert du Néguev. Et quand ils l’ont fait, ils ont dit : « Vous savez quoi, les gars ? Vous vous débrouillez. Il n’y a rien que nous puissions faire pour vous. Vous êtes dans les mains d’Israël maintenant. »

Et je dirais que cela ne s’est pas arrêté là, l’abandon systématique par le Département d’État et les services consulaires. Quand nous avons fini par être libérés et expulsés vers la Jordanie, nous avons été lâchés là. Les autres délégations qui étaient là ont été saluées, accueillies, soignées, étreintes, mises dans des hôtels, puis dans des avions vers leurs foyers. Le consul des États-Unis nous a dit : « Nous sommes pas vos baby-sitters. Nous ne fournirons pas de nourriture, ni d’eau, ni de vêtements, ni d’hôtels, ni de transport. Le mieux que nous puissions faire pour vous est de demander aux Jordaniens de vous conduire à l’aéroport. Nous allons vous déposer sans téléphone ni argent. Vous vous débrouillez. » C’est la manière dont notre gouvernement nous voit. Ils ne nous servent pas. Ils servent l’État d’Israël. Et ils partagent ce que je pourrais décrire comme l’école Pete Hegseth de droit international, à savoir que la procédure régulière est qu’il n’y ait pas de procédure, et que cela n’a aucune importance si nous n’avons jamais vu de juge, ni de jury, si nous n’ayons jamais vu nos avocats ni un procureur, que nous n’avons jamais été accusés en fait de quoi que ce soit.

 C’est seulement une fraction de ce que nous savons que les Palestiniens, qui sont encore dans ces camps de torture et de détention, 11000 d’entre eux kidnappés rien qu’à Gaza, sans parler de la Cisjordanie, souffrent sur une base quotidienne. C’est ce qui arrive, vous savez, aux travailleurs humanitaires occidentaux blancs, dans mon cas juif américain, qui essaient simplement de livrer une aide de base cruciale au peuple affamé de Palestine.

AMY GOODMAN : David Adler, nous voulons vous remercier chaleureusement d’être avec nous, vous êtes co-coordinateur général de Progressive International, et vous avez participé à la Flottille mondiale de Sumud se dirigeant vers Gaza avant qu’elle ne soit interceptée par les forces israéliennes. Nous donnons le lien à votre article, « J’ai passé cinq jours dans la prison israélienne du désert ». Cela termine notre programme [d’aujourd’hui].

Vous pouvez consulter le site web à democracynow.org.

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