Convocation au ministère d’un proviseur de lycée de Jérusalem, pour avoir accueilli le groupe anti-occupation Breaking the Silence

La convocation a été motivée par une plainte sur de la propagande qui se serait produite dans le cadre de ce programme, mais il n’a été constaté aucune sorte de propagande et il n’y a pas de politique ministérielle qui interdise de programmer ce genre d’activité, selon ce que disent les sources.

Le proviseur d’un lycée de Jérusalem a été convoqué par le ministère de l’éducation après qu’il ait invité des membres du groupe anti-occupation Breaking The Silence à rencontrer des élèves.

Guy Paz, le proviseur du lycée Adam a été prié de se rendre au ministère après qu’une plainte lui soit parvenue, selon laquelle les représentants de cette organisation avaient fait de la propagande dans le cadre du programme scolaire, selon des sources du ministère de l’éducation. Breaking The Silence a été fondé par des vétérans de l’armée israélienne pour montrer ce qu’ils affirment être des agressions israéliennes contre les Palestiniens dans les territoires.

Des sources qui connaissent bien le programme ont nié qu’il y ait eu une telle propagande. La réunion a été polémique, ont-ils fait savoir, mais ils ont déclaré qu’il n’y avait eu ni propagande ni calomnie du gouvernement. Des représentants du ministère ont dit qu’une première enquête sur le programme avait permis d’établir que la plainte sur la propagande était sans fondement et que cette enquête révélait également que l’établissement avait invité des représentants d’autres groupes à parler aux élèves afin de leur apporter un éventail de points de vue.

Il semble que ce soit le premier cas où le ministère a demandé à voir un proviseur de lycée pour clarifier le contenu d’un programme impliquant Breaking The Silence, qui a fait l’objet de critiques d’une part pour avoir refusé de donner ses sources et d’autre part pour faire état de ses observations à l’étranger. En décembre 2015, lorsque l’organisation a été soumise à une forte critique publique, le ministre de l’éducation, Nafatli Bennet, leader du parti de la droite dure, Habayit Hayehoudi (Le Foyer Juif), annonça qu’il ne permettrait pas que le groupe ait accès aux établissements scolaires.

Une déclaration ministérielle avait alors fait savoir que Bennett avait donné instruction aux services techniques du ministère pour qu’ils révisent une circulaire destinées aux écoles, qui soit « claire et explicite concernant l’activité d’organisations faisant de la propagande contre les soldats des forces de défense (IDF) dans le système (éducatif) comme Breaking The Silence ».

Pour autant, aucune révision des directives ministérielles de ce genre n’a été publiée. Le ministère a commencé à se pencher sur la question, selon une source, mais au bout de quelques semaines, il devint évident que la démarche allait déboucher sur l’interdiction de Breaking The Silence. «Le ministère n’a pas autorité pour franchir cette étape » dit la source, « aussi le sujet a-t-il été mis en attente. En dehors des déclarations, ce qui est important, c’est de vérifier si un équilibre entre des positions (politiques) diverses a été préservé ».

L’interdiction de Breaking The Silence visée par Bennett, dit une autre source, reposait principalement sur des objectifs politiques.

Lorsque survint le projet d’invitation de représentants de Breaking The Silence à l’école, il apparut clairement qu’un tel programme ne relevait pas d’interdiction formelle de la part du ministère, selon une source. Au contraire, tout le monde se fiait au communiqué de presse du ministère. « Avec tout le respect dû aux porte-parole de ministère de l’éducation, ils ne dirigent pas encore les écoles » dit la source.

Le programme auquel Breaking The Silence a pris part s’est déroulé dimanche et a duré environ une heure et demie. Les élèves invités à assister appartenaient aux classes terminales où est proposée une approche éducative anthroposophique basée sur la philosophie de feu le philosophe autrichien Rudolf Steiner. Les élèves qui ont émis une objection à participer ont été excusés.

Meir Shimoni, le chef du district de Jérusalem du ministère de l’éducation a tenu cette session de clarification avec Paz après que les organisations Ma Vérité (Ha Emeth Sheli) et réservistes en service (Milouimnikim Bahazit) se soient plaints d’une supposée propagande à l’un des assistants de Bennett.

Une source a dit que les élèves avaient été encouragés à assister et à se faire leur opinion sur Breaking The Silence, mais qu’on leur avait dit aussi que quelle que soit leur décision quant à assister ou non, celle-ci serait respectée. « Cet événement s’inscrit dans un parti-pris éducatif qui repose sur de nombreuses opinions et positions. Exposer les élèves à une variété de points de vue fait partie de la responsabilité éducative ».

« Nous avons eu l’impression que plus que d’une propagande, il s’agissait d’un débat critique » a dit un représentant du ministère. « Un autre aspect, non moins important, est que l’école prévoit une série de rencontres avec d’autres organisations de façon que les élèves aient une vue d’ensemble. Pour autant qu’on sache, la séance avec [Breaking The Silence] a été conforme et respectueuse ».

Un porte-parole de Breaking The Silence a dit à Haaretz que « notre présentation ne contient aucune propagande contre Israël – cela n’a jamais été et ne le sera jamais. Rappeler ce que nous avons fait en servant dans les territoires et montrer les injustices n’est pas de la propagande, c’est plutôt une obligation sociale pour le bien de l’État d’Israël. La « plainte » adressée au ministère de l’éducation rejoint les provocations constantes contre quiconque brise le silence et critique la politique du gouvernement ».

L’organisation a dit qu’il y avait là une tentative de « terroriser les enseignants et les proviseurs de façon à empêcher les lycéens d’entendre la vérité. Alors que la droite diffuse sa propre propagande et ses mensonges, nous continuons à aller dans les écoles et les universités, les mouvements de jeunesse et les communautés dans tout le pays et nous n’avons aucunement l’intention de cesser ou de nous taire ».

Amos Shavit, le porte-parole du ministère de l’éducation a refusé de répondre aux questions d’Haaretz sur le sujet.