Le scolasticide continue : la destruction en cours par Israël du système d’éducation de Gaza met en péril l’avenir de toute une génération

L’impact grandissant de la malnutrition chez les enfants et les élèves de Gaza —entraînée par le blocus imposé par Israël et la politique délibérée de famine et de refus de l’aide humanitaire— est devenu un facteur clé qui dégrade les résultats scolaires. Les conditions humanitaires détériorées et l’insécurité alimentaire étendue ont conduit à une forte hausse des taux de malnutritions, nuisant au développement physique et cognitif des élèves et diminuant de manière significative leur capacité à se concentrer et à s’impliquer dans leurs études.

Gaza, 22 avril 2025  Avec l’échec de la communauté internationale à arrêter le génocide en cours des Palestiniens de Gaza par Israël, les forces et les autorités israéliennes continuent à perpétrer un scolasticide—c’est-à-dire la destruction complète, délibérée et systématique du système d’éducation palestinien.

Les attaques militaires israéliennes ont continué à cibler l’infrastructure éducative — des écoles, des universités, des bibliothèques —, à tuer ou à blesser des milliers d’enseignants, d’élèves et d’universitaires, et à déplacer des centaines de milliers d’autres. Plus d’un an et demi d’attaques militaires sans relâche d’Israël et de catastrophe humanitaire d’origine humaine à Gaza a créé un environnement où maintenir le processus éducatif est devenu presque impossible. L’accès des élèves au savoir a été interrompu pendant deux années scolaires consécutives, et une autre est en péril. Ces actions font partie de la tentative plus large d’effacer l’héritage culturel et intellectuel de Gaza et d’étouffer son développement.

Selon une évaluation publié par le Global Education Cluster [Pôle mondial de l’éducation, GEC] le 1er avril 2025, 95,2% des écoles de Gaza ont subi des degrés variés de dommages, et 88,5% des bâtiments scolaires nécessitent une reconstruction totale ou une réhabilitation importante. Un total de 241 écoles publiques ont souffert de dommages sévères, 111 ont été complètement détruites. De plus, 91 écoles publiques et 89 écoles de l’UNRWA ont été directement bombardées ou vandalisées.

En plus des attaques visant des institutions éducatives publiques ou privées et celles de l’UNRWA dans tout Gaza, il y a un lien clair entre le déplacement forcé des civils et la destruction des écoles. Le premier arrêté de déplacement, qui visait les gouvernorats du Nord de la Bande de Gaza, a conduit à une réinstallation massive des résidents dans les gouvernorats du Sud. Après cela, les forces israéliennes ont délibérément détruit les écoles des lieux que les civils avaient évacués. Dans le gouvernorat de Nord-Gaza, le taux de destruction a atteint 100%, tous les bâtiments scolaires étant soit directement frappés, soit endommagés. Dans le gouvernorat qui inclut la ville de Gaza, 92,8% des bâtiments scolaires ont été affectés. Dans le gouvernorat de Rafah, 91% des bâtiments scolaires ont été soit directement frappés, soit endommagés. De plus, beaucoup d’écoles ont été reconverties pour des objectifs militaires, par exemple en bases militaires ou en centres de détention.

À cause de cette destruction systématique, des bombardements en cours, des déplacements forcés répétés, des coupures de courant et d’internet, et des charges qui pèsent sur les élèves pour aider leurs familles à se procurer de la nourriture, de l’eau et du bois pour la cuisine, plus de 720000 élèves et étudiants palestiniens ont connu une interruption complète de leur éducation pendant le génocide[1]. Selon le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, entre le 7 octobre 2023 et le 15 avril 2025, 13419 ont été tués et 21653 blessés. Parmi le personnel éducatif, 651 enseignants ont été tués et 2791 blessés. Si le nombre des étudiants et du personnel détenus reste inconnu, on l’estime à plusieurs centaines.

Le 18 mars 2025, l’armée israélienne a repris son offensive militaire à large échelle à Gaza après un cessez-le-feu qui avait duré presque deux mois. Malgré le cessez-le-feu, les attaques contre les civils, particulièrement dans le gouvernorat de Rafah, avaient d’ailleurs continué en pratique. Avec le renouvellement des attaques, Israël est retourné à sa politique d’assassinats de masse, de destruction et de déplacement, écrasant effectivement les tentatives récentes pour ressusciter l’enseignement, qui avait connu une restauration partielle pendant le cessez-le-feu.

Le ministre de l’Éducation avait annoncé être tout à fait prêt à administrer l’examen du certificat de l’enseignement secondaire général 2024 (connu localement sous le nom de tawjihi), électroniquement et à des centres désignés, en coordination avec des partenaires et les autorités palestiniennes des télécommunications. Les préparations pour cela incluaient la fourniture du mobilier nécessaire et l’amélioration du réseau de communications. Les examens devaient commencer le 13 avril 2025 dans le cadre d’une session exceptionnelle. Cependant, à cause du génocide actuel et des conditions de sécurité aggravées, le ministre a décidé de repousser la session pour la deuxième fois jusqu’à nouvel ordre, mettant en péril encore une autre année scolaire.

En Palestine, obtenir le certificat de l’enseignement secondaire général marque le point culminant de 12 ans d’éducation — couvrant les niveaux primaires, préparatoires et secondaires — et sert de porte d’entrée pour l’inscription dans les universités, tant locales qu’internationales. Marah Shabana, une lycéenne de Gaza, a exprimé son désespoir après le deuxième report de l’examen par le ministère : « La peur s’est emparée de nos cœurs alors que nous sommes confrontés à la possibilité de voir disparaître cette étape cruciale de nos vies, avec nos rêves et nos ambitions. J’ai perdu la motivation et la force de continuer ou d’essayer à nouveau, et cela a eu une grave répercussion sur mon bien-être mental. »

L’éducation à Gaza a été presque complètement arrêtée pendant les derniers 18 mois. Approximativement 62% des institutions éducatives endommagées de Gaza ont été reconverties en abris pour les personnes déplacées, privant les élèves d’un environnement sûr et approprié pour étudier. Des centaines de milliers d’élèves, d’enseignants, de personnel administratif et de techniciens subissent maintenant des conditions de vie, de santé et humanitaires très dures. Ces épreuves, aggravées par le traumatisme de perdre un ou deux parents ou d’autres membres de leurs familles, ont eu de profondes répercussions psychologiques sur les élèves, diminuant encore leur capacité à continuer leur apprentissage même quand des opportunités limitées se présentent.

Malgré ces problèmes immenses et les dures conditions imposées par les forces israéliennes, quelques initiatives locales et internationales ont émergé pour fournir une éducation alternative par des plateformes en ligne, des classes virtuelles et des leçons audio et vidéo enregistrées. Cependant, leur impact reste limité à cause des coupures fréquentes de courant et d’internet et le manque d’accès de la plupart des élèves à des appareils électroniques.

 Bisan Al-Surdi, directeur de la Tente éducative Bisan à Al-Nuseirat, a dit à Al-Mezan : « Nous avons lancé une initiative personnelle, approuvé par le ministère de l’Éducation, comme alternative à l’enseignement en ligne, pour les élèves qui sont capables d’assister en présentiel. C’est une tente éducative de fortune qui accueille 150 élèves, en trois périodes, chacune durant deux heures par jour, pour les niveaux de 1 à 5. Le personnel est entièrement bénévole. Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes, parce que la plupart des élèves ont besoin d’un soutien psychologique à cause des traumatismes liés à la guerre, aux blessures ou à la perte de membres de leurs familles. Les classes sont souvent interrompues à cause de conditions de sécurité dégradées ou d’arrêtés de déplacement. Une fois, des pierres sont tombées sur les enfants pendant un bombardement, causant une panique parmi les élèves et leurs familles. »

L’impact grandissant de la malnutrition chez les enfants et les élèves de Gaza —entraînée par le blocus imposé par Israël et la politique délibérée de famine et de refus de l’aide humanitaire— est devenu un facteur clé qui dégrade les résultats scolaires. Les conditions humanitaires détériorées et l’insécurité alimentaire étendue ont conduit à une forte hausse des taux de malnutritions, nuisant au développement physique et cognitif des élèves et diminuant de manière significative leur capacité à se concentrer et à s’impliquer dans leurs études.

Sham Ammar, un lycéen en deuxième année qui a étudié électroniquement avec le ministère de l’Éducation, a partagé ce qui suit : « À Gaza, nous sommes confrontés à de nombreux problèmes qui entravent notre éducation, comme l’absence d’écoles et d’enseignants, ainsi que des coupures de courant fréquentes. Pendant le jour, j’étudie à la lumière naturelle et le soir, j’utilise la lampe de poche qui est sur mon téléphone. Je dois aussi parcourir de longues distances afin de trouver des endroits avec un accès internet pour télécharger les vidéos éducatives de Youtube. La pression psychologique constante des bombardements réguliers m’affecte profondément, particulièrement depuis que j’ai perdu une partie de ma famille. En outre, le manque d’alimentation correcte, comme des vitamines, des légumes et des fruits rend difficile pour moi de me concentrer et de continuer mes études. »

Al Mezan condamne fermement les attaques israéliennes persistantes et délibérées contre les institutions éducatives de Gaza, soulignant que ces actions sont un aspect fondamental du génocide en cours, conçu pour effacer l’indépendance éducative et culturelle de la population palestinienne et oblitérer leur potentiel pour la croissance et le développement.

Al Mezan appelle donc la communauté internationale à prendre des mesures urgentes et effectives pour mettre fin au génocide israélien en cours, lever le blocus sur Gaza et obliger Israël à respecter le droit international en cessant ses attaques contre les institutions éducatives, en s’abstenant de cibler des élèves et des enseignants, et en mettant fin aux pratiques qui entravent l’éducation ou gêne le développement du secteur éducatif. Al Mezan appelle aussi à faire rendre des comptes aux dirigeants et aux soldats israéliens, et à tous ceux qui ont ordonné, exécuté ou encouragé les crimes contre la population palestinienne. Al Mezan exhorte de plus la communauté internationale, les organes des Nations Unies et les donateurs internationaux à intensifier leurs efforts pour réhabiliter les écoles et les universités détruites, à soutenir la poursuite du processus éducatif, à remédier aux pertes d’apprentissage et à fournir une réadaptation psychologique et sociale complète aux élèves par des programmes de soutien spécialisés.

[1] Déclaration de Dr. Amjad Barham, ministre palestinien de l’Enseignement, pendant la Septième Conférence biennale de la Structure inter-régionale arabe de l’Internationale de l’Éducation, qui s’est tenu le 8 avril 2025.