Le Prix des Droits de l’Homme attribué à un Israélien à Tel Aviv et à un Palestinien à un checkpoint des FDI

Le lauréat israélien Maoz Inon a reçu son prix franco-allemand des droits de l’homme à la résidence de l’ambassadeur de France à Tel Aviv, tandis que le militant palestinien Issa Amro a reçu le sien dans la rue à l’extérieur d’un checkpoint militaire israélien, l’évoquant comme ‘un petit aperçu de la vie sous occupation’.

Deux militants, l’un palestinien et l’autre israélien, ont été nommés lauréats de cette année du Prix franco-allemand pour les Droits de l’Homme et l’État de Droit, conjointement créé par la France et l’Allemagne, qui reconnaît des contributions individuelles au combat pour la justice, l’égalité et la liberté.

Maoz Inon, le lauréat israélien, a reçu son prix à la résidence de l’ambassadeur de France à Tel Aviv. Le militant palestinien Issa Amro a dû recevoir son prix sur une route à l’extérieur d’un checkpoint des Forces de Défense Israéliennes.

Les représentants de la France et de l’Allemagne, qui avaient fait le voyage jusqu’à Hébron pour présenter le prix dans la maison d’Amro, se sont vu refuser l’entrée dans la ville par les soldats israéliens. « Nos pensées vont aux Palestiniens d’Hébron qui font face quotidiennement à cette situation », a dit dans sa déclaration le Consul de France.

Issa Amro est un défenseur palestinien des droits de l’homme qui a créé l’organisation populaire Jeunes Contre les Colonies, fondée sur son indéfectible engagement envers la résistance non violente à l’occupation israélienne dans la ville d’Hébron en Cisjordanie.

Il est maintenant le Directeur Général des Amis d’Hébron, groupe de pression multinational qui soutient la liberté et l’autodétermination des Palestiniens.

Issa Amro

Internationalement, les efforts d’Amro lui ont gagné une très large reconnaissance, mais la réponse du gouvernement israélien a été beaucoup moins positive.

Amro dit qu’il a été mis sur la liste noire des personnes interdites d’entrée dans le pays depuis 2009, quand il travaillait avec l’organisation israélienne des droits de l’Homme, B’Tselem. Depuis lors, ses demandes de permis d’entrée sont régulièrement refusées, y compris celles dont il a besoin pour se présenter au tribunal.

Quand on a dit il y a quinze jours à Amro qu’il allait recevoir le prix des Droits de l’Homme et de l’État de Droit, il savait qu’il ne lui serait pas possible d’assister à la cérémonie de remise des prix qui se tient à l’intérieur d’Israël. « En tant que défenseur des droits de l’homme, je suis l’ennemi de l’occupation », a dit Amro à Haaretz. « Il n’est pas question de sécurité, c’est une punition pour le travail que j’accomplis. »

« J’ai suggéré au comité que nous organisions une petite cérémonie chez moi », a-t-il expliqué. « Je voulais y inviter nos voisins et quelques amis israéliens qui auraient la possibilité de venir. »

La délégation comprenait le chef du Bureau de Représentation de l’Allemagne auprès de l’Autorité Palestinienne, Oliver Owcza, et le Consul Général de France, Nicolas Kassianides. Mardi, lorsqu’ils sont arrivés au checkpoint pour entrer à Hébron, les FDI leur ont refusé l’entrée.

Les membres de la délégation se tiennent à côté d’un checkpoint des FDI près d’Hébron.

D’après Amro, qui est venu de chez lui pour voir s’il pouvait intervenir, les soldats n’ont fourni aucune raison pour leur refus. « Même alors que j’essayais de leur expliquer qu’il s’agissait de diplomates de haut niveau, ils ont refusé de céder », a-t-il dit.

Ce refus d’entrée a également été corroboré et par Owcza et par Kassianides et leurs bureaux, tous évoquant l’incident dans leurs comptes sur les réseaux sociaux. Le diplomate allemand a dit qu’il avait été « affligé par l’attitude des soldats israéliens nous empêchant de passer le checkpoint jusqu’à la maison d’Issa ! »

« Inacceptable », a poursuivi Owcza, « et rappel des si nombreuses restrictions de circulation dont souffrent au quotidien les Palestiniens. »

En réponse à la demande d’explications sur l’incident au checkpoint, un porte-parole de l’armée a dit à Haaretz que les diplomates n’avaient pas eu le droit d’entrer à Hébron parce que les rencontres de ce genre devaient être autorisées à l’avance par les FDI, et que la délégation n’en avait pas fait la demande.

Le groupe a pris rapidement la décision d’organiser une cérémonie impromptue dans la rue face au checkpoint. Amro a pu traverser le checkpoint pour rencontrer la délégation de l’autre côté. « Ce n’est pas exactement l’endroit que nous avions prévu pour cela », a commencé à remarquer Kassianides, « mais notre message d’aujourd’hui est important.

La France se tiendra toujours aux côtés des défenseurs des droits de l’homme. Nous serons du côté de ceux qui se battent pour les droits de l’homme et l’État de droit. C’est là que se trouve Issa Amro. »

Les membres de la délégation et Issa Amro tiennent une cérémonie impromptue à Hébron.

Amro a dit qu’il était très heureux qu’on le reconnaisse pour le travail qu’il accomplit, mais qu’il ne pouvait s’empêcher de reconnaître le symbolisme de se voir refuser une célébration digne de ce nom. « Les diplomates ont maintenant un petit avant-goût de ce à quoi ressemble la vie des Palestiniens qui vivent sous occupation », a fait remarquer Amro.

« Mon espoir est qu’ils retournent à leurs bureaux avec cette expérience et qu’ils exigent que leurs pays travaillent avec nous à mettre fin au système qui tue littéralement les Palestiniens. »

Malgré les difficultés de cette journée, Amro a dit dans son discours de réception qu’il était plus optimiste que jamais. « Ce prix me donne le courage de défendre les droits de mon peuple », a-t-il déclaré, « mais il me dit aussi que la paix est possible. »

Il est maintenant temps de travailler ensemble, de mettre fin à la guerre à Gaza, de faire cesser toutes les violations des droits de l’homme, et de mettre un point final justement à ces sortes d’obstacles auxquels les Palestiniens font face au quotidien. »

« Un jour, nous aurons la liberté, nous aurons l’égalité, et nous aurons la paix », a-t-il déclaré.

Après qu’Amro ait reçu sa médaille, le repas de célébration qu’il avait d’abord prévu d’accueillir chez lui s’est transformé en expérience de dîner en plein air, le groupe se régalant de la cuisine palestinienne en tenant ses assiettes en équilibre sur les énormes blocs de béton face aux grilles du checkpoint.

Le lauréat israélien Maoz Inon a créé plusieurs initiatives touristiques appuyées sur sa très ancienne idée que le tourisme peut ouvrir une voie puissante vers la coexistence.

Maoz Inon

Après l’assassinat le 7 octobre de Yakov et Bilha, les parents d’Inon, par les terroristes du Hamas, plutôt que de tourner le dos au processus de paix, il a redoublé d’efforts. Inon voyage maintenant à travers Israël et le monde en diffusant son message de paix « non pas comme une possibilité, mais comme quelque chose d’inéluctable », comme il aime à le dire.

L’ambassadeur d’Allemagne en Israël, Steffen Seibert, s’est empressé d’écrire sur X des mots d’admiration pour Inon, déclarant : « Un honneur et un plaisir de donner le Prix franco-allemand pour les Droits de l’Homme et l’État de Droit à @maozinon – homme inspirant qui nous rappelle que l’espoir c’est l’action et que la paix pour tous doit être le but. »

Dans son discours de réception, Inon a appelé ceux qui étaient dans la pièce à rejoindre la coalition que lui et d’autres travaillent inlassablement à construire même, ou particulièrement, pendant cette période de grande souffrance.

« Rejoignez nous », les exhorta-t-il. « Les bâtisseurs de paix, les ONG, les sociétés civiles qui, malgré notre douleur, travaillent tous les jours à forger un avenir où aucun enfant ni aucun adulte de doive endurer ce que nous avons enduré. »

« Nous ne faisons pas simplement appel à la solidarité », a-t-il poursuivi, « mais au courage – le courage d’agir maintenant et de s’investir dans la société civile et la paix. »

Inon a par ailleurs utilisé son temps de parole pour remercier Amro, disant qu’il ressentait le privilège de partager ce prix avec lui et qu’il avait parlé au téléphone à son co-récipiendaire pour lui offrir ses félicitations.

« Bien que je ne l’aie jamais rencontré », a fait remarquer Inon, « je lui ai dit que nous étions des partenaires, partenaires dans un avenir partagé qui sera fondé sur la sécurité et la sûreté, l’égalité et la dignité, la connaissance et la reconnaissance partagées. »

Inon a également fait état de l’absence de son compagnon lauréat à la cérémonie. « Je ne sais même pas comment appeler la raison de son absence ici », a dit Inon. « Est-ce l’occupation ? Est-ce l’oppression ? Ou est-ce l’apartheid ? A-t-il demandé. « Peu importe le nom que nous lui donnons », a déclaré Inon. « Il faut y mettre fin. »

  • Photo : le militant palestinien Issa Amro reçoit son prix à Hébron.