Amnesty International : le détenu palestinien en grève de la faim proche de la mort

Le journaliste palestinien Muhammed al-Qiq, détenu sans inculpation ni jugement par Israël depuis près de trois mois et en grève de la faim depuis le 25 novembre, est en danger….

Le journaliste palestinien Muhammed al-Qiq, détenu sans inculpation ni jugement par Israël depuis près de trois mois et en grève de la faim depuis le 25 novembre, est en danger de mort imminente. En dépit d’un réexamen en cours de son dossier par la Haute Cour de Justice, il reste en réalité détenu sans inculpation ni jugement.

Un médecin indépendant a visité al-Qiq à l’hôpital HaEmek à Afula, Israël, le jeudi 4 février, et il a déclaré qu’il lui paraît au seuil de la mort, rapporte l’organisation Médecins pour les droits de l’homme – Israël (PHR-Israel), organisatrice de la visite. Même si al-Qiq a alors refusé d’être examiné, des signes visibles montrent la gravité de son état de santé. PHR-Israel indique que leur médecin et l’équipe médicale de l’hôpital conviennent qu’il est très inhabituel chez un gréviste de la faim de rester conscient et en vie à ce stade d’une grève de la faim, et que, même s’il était soigné, on ne pourrait plus sauver sa vie. Al-Qiq a refusé les soins jusqu’à ce stade, et il a dit à PHR-Israel qu’il ne souhaite pas être soigné pendant qu’il est conscient. Son équipe médicale à l’hôpital HaEmec, qui a décidé de respecter son souhait de ne pas être soigné, après l’avoir précédemment soigné de force, n’a pas tenu compte de deux recommandations du comité d’éthique de l’hôpital de recommencer à le soigner de force.

Al-Qiq a lancé sa grève de la faim au départ pour protester contre la torture ou les autres mauvais traitements auxquels il affirme avoir été soumis durant la détention israélienne, et en exigeant d’être libéré d’une détention qu’il estime motivée par son travail en tant que journaliste. Israël le détient sans inculpation ni jugement dans une coutume connue sous le nom de détention administrative. Le jeudi 4 février, la Haute Cour de Justice d’Israël a décidé de « suspendre » l’ordonnance de sa détention au regard de la précarité et la détérioration de sa santé. Elle ne s’est, cependant, pas prononcée sur la validité de la détention d’al-Qiq sans inculpation ni jugement. À la connaissance d’Amnesty International, la Haute Cour n’a annulé une ordonnance de détention administrative que dans un seul cas (en 1990), bien que cette pratique soit une violation du droit des détenus à un procès équitable, et puisse constituer une détention arbitraire. Amnesty International considère également que l’usage par Israël de la détention administrative peut en lui-même équivaloir à un traitement cruel, inhumain et dégradant, étant donné l’incapacité du détenu à connaître le motif de sa détention et la date de sa libération [[Amnesty International: En mal de justice. Des Palestiniens détenus sans jugement par Israël (Index : MDE 15/026/2012), juin 2012]].

Il est difficile de savoir si la « suspension » par la Haute Cour de l’ordonnance de détention d’al-Qiq aura un effet réel. Le journal Ha’aretz a rapporté que ses conditions stipulent qu’al-Qiq doit rester à l’hôpital, et qu’il doit demander l’autorisation aux autorités israéliennes s’il souhaite recevoir des soins dans un autre hôpital [[Jack Khoury, “High Court Suspends Detention of Hunger-striking Palestinian Journalist”, Haaretz, 4 February 2016]]. Selon l’avocat d’al-Qiq, la Haute Cour stipule que les autorités arrêteront de nouveau al-Qiq, qu’elles devront améliorer son état de santé, puis reprendre l’ordonnance de détention contre lui. La « suspension » par conséquent semble être un simple geste, visant à créer une illusion de liberté afin d’inciter al-Qiq à arrêter sa grève de la faim. Al-Qiq a déclaré qu’il continuera sa grève de la faim, jusqu’à ce qu’il soit totalement libre, ou jusqu’à ce qu’il soit mort.

Selon l’avocat d’al-Qiq, les autorités israéliennes ont offert à al-Qiq leur garantie qu’il sera libéré le 1er mai s’il arrêtait sa grève de la faim, une autre proposition qu’al-Qiq a rejeté. Cette proposition soulève des questions troublantes à propos du motif de la détention d’al-Qiq. S’il a été mis en détention pour des raisons réelles et impératives de sécurité, comment les autorités peuvent-elles savoir qu’il ne représentera plus une menace après le 1er mai ?

Amnesty International craint que les autorités israéliennes utilisent la détention administrative comme une méthode pour punir Muhammed al-Qiq sans avoir à engager de poursuites contre lui, ce qui revient à le garder en détention arbitraire. Elles doivent renoncer à l’ordonnance de détention à son encontre et le libérer, sauf à l’inculper pour un délit reconnu internationalement, et de le juger conformément aux normes internationales d’équité. Amnesty International réitère son appel à Israël pour qu’il mette fin à la pratique de la détention administrative.

Pour s’informer sur le dossier de Muhammed al-Qiq, voir, Amnesty International : « Israël doit Israël doit cesser de maltraiter un détenu palestinien en grève de la faim », 22 janvier 2016 (Index : MDE 15/3299/2016).

Document public