15 ans de prison pour des jeunes Palestiniens qui nient avoir lancé des pierres

Le procès militaire de près de trois ans de cinq jeunes Palestiniens, connus comme « les garçons de Hares » du nom de leur village de Cisjordanie, s’est clôt sur….

Le procès militaire de près de trois ans de cinq jeunes Palestiniens, connus comme « les garçons de Hares » du nom de leur village de Cisjordanie, s’est clôt sur leur acceptation de plaider coupables auprès des autorités d’occupation israéliennes.

Ils vont faire chacun 15 ans de prison.

Ali Shamlawi, Muhammed Kleib, Muhammed Suleiman, Ammar Souf et Tamer Souf, tous âgés de 16 et 17 ans lorsqu’ils ont été arrêtés en mars 2013, ont été accusés de vingt tentatives de meurtre.

Israël affirme qu’ils ont lancé des pierres sur une autoroute qui relie des colonies israéliennes de la partie centrale de la Cisjordanie à Tel Aviv et à d’autres villes de l’Israël actuel.

Ces jeunes ont tous clamé leur innocence et dit que les accusations israéliennes étaient fondées sur des aveux obtenus par la torture.

La voiture d’une femme d’une colonie a embouti un camion, causant des blessures assez sérieuses à ses trois fillettes. La femme a prétendu que sa voiture était rentrée dans le camion à cause de pierres lancées par des Palestiniens. Il n’y avait pas de témoins.

Au début de cette année, une des filles âgée de 4 ans, Adelle Biton, est morte d’une pneumonie réputée fatale à cause des dommages neurologiques qu’elle a subis dans l’accident.

L’affaire se conclut aussi par la condamnation des familles des jeunes garçons à payer près de 39 000 euros à la famille d’Adelle Biton.

L’inégalité devant la loi

La conclusion du procès est l’une des plus longues affaires traitées dans un système judiciaire militaire qui applique un taux de condamnation proche de 100% et qui repose largement sur le plaider coupable.

Dans le système juridique israélien à deux vitesses, seuls les Palestiniens de Cisjordanie occupée sont sujets à des procès militaires.

Les colons israéliens sont jugés dans des tribunaux israéliens civils qui les traitent généralement de façon bien plus clémente dans les rares cas où ils sont traduits en justice pour avoir attaqué des Palestiniens.

« Le cas des garçons de Hares reflète les insuffisances du système militaire israélien qui comporte des procédures judiciaires prolongées et un processus interrogatoire qui est rude » a dit à l’Intifada électronique Bachar Jamal, un porte-parole de Défense des Enfants International-Palestine.

Jamal a noté que près de 700 enfants palestiniens sont arrêtés et poursuivis en justice militaire chaque année.

« La comparaison entre l’application de la justice dans le cas des garçons de Hares et dans celui de la famille Dawabsha est sans appel. Les auteurs du crime contre la famille Dawabsha sont libres », a poursuivi Jamal.

L’été dernier une bombe a été lancée sur la maison de la famille Dawabsha dans le village de Douma en Cisjordanie occupée, tuant un bébé de 18 mois et blessant à mort ses parents, Riham et Saad.

Des aveux contraints

Dans les heures et jours qui ont suivi l’accident, les forces armées israéliennes ont mené des raids sur le village de Hares, près de Naplouse et ont fouillé les maisons à la recherche d’adolescents.

Pendant près de trois ans, les garçons de Hares ont maintenu qu’ils n’avaient pas lancé de pierres le jour de l’accident de voiture.

Une négociation de plaidoyer a été proposée aux cinq garçons peu après leur inculpation mais, sur les conseils de l’avocat Labib Habib, ils ont décidé d’aller au procès.

Mais quand Adelle Biton est morte, les garçons et leurs familles ont craint que leurs chances d’être relaxés n’aient diminué.

Sa mort signifiait que les accusations portées sur les garçons pouvaient être muées en homicide et entraîner de plus longues peines.

En guise de preuves contre les garçons, l’accusation s’est appuyée sur des témoignages forcés et des demandes de primes d’assurance de la part de 20 conducteurs israéliens pour des voitures touchées par des pierres ce jour-là.

Après leur arrestation, les garçons ont tous signé des aveux, dont ils se sont immédiatement rétractés, disant qu’ils avaient été soutirés par la torture et des menaces.

Ali Shamlawi a été présenté au tribunal militaire moins d’un mois après son arrestation et il a dit au juge qu’il avait été frappé, étouffé et forcé de signer des aveux en hébreu tandis que son autre main restait attachée à la chaise.

La mère de Shamlawi a dit à l’édition en anglais d’Al Jazira que son fils avait été en isolement pendant deux semaines, empêché de dormir et soumis à des pressions psychologiques pour le faire avouer, sous forme de menaces sur sa mère et sur sa sœur.

En 2013, Défense des Enfants International-Palestine a rapporté que les trois quarts des enfants palestiniens emprisonnés étaient l’objet de certaines formes de violence physique lors de leur arrestation, de leur transfert ou de leur interrogatoire.

B’Tselem, le groupe israélien de défense des droits humains a également constaté que les enfants palestiniens sont systématiquement soumis à la torture et à des violences qui incluent des menaces de viols sur eux ou sur des membres de leur famille, par les Israéliens qui leur font subir des interrogatoires, pour les faire avouer qu’ils ont lancé des pierres.

L’avocat Habib a dit à l’Intifada électronique qu’en général il ne conseille pas de plaider coupable.

« Mais, étant devant un tribunal militaire et à cause du climat général de provocation dans le pays, nous avons pensé que nous n’avions aucune chance d’obtenir un procès équitable, c’est pourquoi nous avons pris cette décision » a-t-il dit.

Des hommes politiques dont le premier ministre Benjamin Netanyahou ont saisi l’occasion de la mort d’Adelle Biton pour condamner les Palestiniens et déclarer que « les pierres sont des armes de mort ».

Au cours des derniers mois, Israël a élevé le niveau de pénalisation des jets de pierres.

Les lois de l’occupation israélienne permettent, en Cisjordanie, d’emprisonner des Palestiniens pour des durées allant jusqu’à 20 ans lorsqu’ils sont accusés d’avoir lancé des pierres. La plupart des peines sont cependant inférieures à un an.

Cet été, le parlement israélien a amendé le code pénal, ce qui permet d’emprisonner des supposés lanceurs de pierres pour des durées allant jusqu’à 20 ans ; ainsi le droit pénal du pays se rapproche du régime d’occupation de la Cisjordanie.

En septembre, la police israélienne a étendu l’usage de snipers contre des manifestants palestiniens, y compris contre des supposés lanceurs de pierres.