Lettre de l’astrophysicien Imad al-Barghouti après sa détention

Cher Monsieur, Grâce à la pression internationale en ma faveur (*) de la part principalement de l’AURDIP et de BRICUP, je suis très reconnaissant d’avoir été libéré le 22 janvier….

Cher Monsieur,

Grâce à la pression internationale en ma faveur (*) de la part principalement de l’AURDIP et de BRICUP, je suis très reconnaissant d’avoir été libéré le 22 janvier de la détention administrative arbitraire imposée par les autorités israéliennes. J’ai été arrêté le 6 décembre 2014 au passage frontalier de Karama, alors que je passais par la Jordanie pour aller aux Émirats Arabes Unis assister à une conférence organisée par l’Association Arabe d’Astronomie et des Sciences Spatiales dont je suis membre fondateur. L’ordre de détention militaire israélien allait jusqu’au 5 mars 2015 et aurait certainement été prolongé si une telle pression internationale n’avait pas été exercée sur le gouvernement israélien par des gens de conscience. Maintenant que j’ai été libéré, je suis toujours sujet à détention à tout moment sans chef d’accusation, du fait de mes idées politiques et de mon appartenance politique.

De nombreux autres Palestiniens ont eu moins de chance que moi. Selon l’Association Palestinienne des Prisonniers, la vague d’arrestations de masse conduite par les autorités militaires israéliennes contre des Palestiniens au cours des deux premières semaines de décembre dernier a touché 54 Palestiniens en plus de moi-même. Un autre universitaire palestinien, le Dr Ghassan Thuqan du département de l’éducation de l’université An-Najah, croupit en mauvaise santé dans la prison du désert du Naqab (Neguev) sans chef d’accusation ni procès depuis le 9 juillet. Son recours auprès du système qui l’a placé en détention a été rejeté, sur la base d’un « dossier secret », comme cela arrive dans ce genre d’appels. En janvier, la cour militaire de Ramallah a prolongé des ordres d’incarcération sans chef d’accusation ni de procès à l’égard de neuf prisonniers palestiniens.

Ces vagues d’arrestations de masse et de détention sans chef d’accusation ni de procès continuent d’être un moyen pour les autorités israéliennes de réprimer la liberté d’expression et de la criminaliser via l’ordonnance militaire 101 utilisée par l’armée israélienne pour restreindre les droits des Palestiniens à la liberté d’expression et de réunion. Frank la Rue (ancien rapporteur sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression et d’opinion) décrit ainsi cette ordonnance : l’ordonnance « criminalise l’expression et les activités politiques, dont l’organisation de et la participation à des manifestations ; le fait de prendre part à des assemblées ou à des vigies ; tenir, agiter ou déployer des drapeaux ou d’autres symboles politiques ; imprimer et distribuer tout matériel « ayant une signification politique » ». Toute infraction à cet ordre est passible de 10 ans d’emprisonnement et /ou d’amende. Le Code militaire israélien appliqué en Cisjordanie est utilisé contre des civils comme moyen de répression contre les défenseurs des doits humains. En vertu de cette ordonnance, les étudiants et les enseignants des campus palestiniens qui se réunissent pour manifester contre, par exemple, le dernier assaut sur Gaza sont sujets à arrestation et détention, de même que des protestataires comme le militant palestinien Abdallah Abou Rahma, qui sera jugé le 9 février pour avoir exercé son droit légitime à protester de façon non violente (en 2012) contre les violations de droits humains et les abus perpétrés par l’État d’Israël dans les territoires palestiniens occupés.

J’en appelle à la communauté internationale qui s’est exprimée en ma faveur pour qu’elle s’exprime aussi en faveur de tous les prisonniers politiques palestiniens. Il y a environ 500 Palestiniens en détention administrative, emprisonnés sans chef d’accusation ni procès. Le recours systématique à l’emprisonnement arbitraire par les forces israéliennes pour punir les Palestiniens est une violation du droit international humanitaire en vertu de la quatrième convention de Genève.

Imad Barghouthi

Professeur de Physique (physique théorique du plasma astrophysique),
Laboratoire de recherche spatiale,
Département de Physique, 
Faculté des Sciences,
Université Al-Qods, Jérusalem
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Palestine