575 étudiants juifs interpellent Birthright sur l’interdiction de voyager en Israël : va-t-on enquêter sur nos opinions politiques ?

Dans une lettre, les étudiants demandent si le plus important sponsor de voyages vers Israël allait examiner les candidatures sur la base de leurs opinions concernant le boycott, le BDS et d’autres questions politiques.

Plus de 500 étudiants américains juifs interpellent Birthright, le plus important sponsor de voyages vers Israël dans le monde, se positionnant contre une nouvelle loi qui interdit l’entrée en Israël aux étrangers qui soutiennent le boycott du pays, même si ce boycott se limite aux colonies de Cisjordanie.

Dans une lettre adressée aux cadres supérieurs du programme, les étudiants exigent des réponses à trois questions : Birthright a-t-il l’intention d’imposer un système de sélection pour accepter les candidats en fonction de ce qu’ils pensent du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions, des colonies de peuplement et d’autres questions politiques ? Si les participants sont refoulés à l’aéroport Ben-Gourion en raison de la nouvelle loi, Birthright leur assure-t-il son aide et son soutien ? Birthright a-t-il été en consulté par le programme israélien sur la façon dont la nouvelle loi influera sur la participation à ses voyages ?

« Compte tenu de ces complications » disent-ils, « allez-vous autoriser ceux d’entre nous qui ont fait le choix de ne pas acheter de produits des colonies, comme un choix personnel, à participer à Birthright ? »

La lettre, obtenue par Haaretz, est signée par 575 étudiants représentant 97 facultés et universités de tous les États-Unis, ainsi que trois lycées. Elle a été envoyée juste avant la Pâque juive à Izzy Tapoohi et Gidi Mark, hauts dirigeants de Birthright, ainsi qu’à plusieurs tour-opérateurs avec lesquels travaille l’organisation. Les signataires sont des étudiants qui, soit ont déjà participé à des voyages de Birthright, soit l’envisagent.

Derrière cette initiative, il y a J Street U, la branche étudiante de J Street, organisation pro-Israël mais anti-occupation. Environ 25 % des étudiants qui ont signé la lettre, cependant, n’ont pas la moindre affiliation avec l’organisation.

La lettre intervient quelques semaines avant que de nombreuses universités et facultés ne prennent leurs congés d’été, la forte saison pour les voyages de Birthright. Birthright fait venir généralement des dizaines de milliers de juifs du monde entier qui viennent, dans leur écrasante majorité, des États-Unis, avec ses voyages gratuits de dix jours en Israël, chaque année, la plupart pendant l’été. Birthright indique qu’il envisage de faire venir 30 000 participants en Israël cet été.

« Bien que nous représentions les étudiants pro-Israël de tout l’éventail politique » écrivent les étudiants, « nous reconnaissons qu’il n’y a rien d’anti-Israël à s’opposer à l’expansion des colonies. En effet, 78 % des Américains juifs aimeraient voir Israël limiter, ou cesser, l’expansion des colonies. La plupart d’entre nous s’opposent à l’expansion des colonies dans le cadre de notre soutien à une solution à deux États – la seule façon de garantir l’avenir d’Israël en tant que patrie démocratique du peuple juif ».

Une interdiction de voyage controversée

Les étudiants notent que Birthright reconnaît également la distinction entre Israël et les colonies et comme une question politique, depuis qu’il évite de faire ses voyages vers la Cisjordanie.

Ils ajoutent qu’ils ne soutiennent pas le mouvement mondial de BDS, qui cible l’ensemble d’Israël et pas seulement les colonies. « Certains d’entre nous d’achètent pas les produits des colonies, comme un choix personnel », écrivent-ils. « D’autres n’ont aucune problème pour le faire. Tous, nous sommes préoccupés par l’impact de cette nouvelle législation sur notre propre capacité et celle de nos camarades à venir en Israël ».

L’interdiction de voyager en Israël, votée à la Knesset le mois dernier, a soulevé une condamnation généralisée, notamment de la part des principales organisations juives, comme le Comité des juifs américains, la Ligne anti-diffamation et le mouvement de la Réforme. Birthright n’a pas encore commenté la loi.

Les étudiants n’ont pas encore reçu de réponse de Birthright mais, interrogée par Haaretz, l’organisation cite la section FAQ sur son site, où la question est posée pour savoir si les opinions politiques des candidats seront prises en compte pour décider de leur acceptation. D’après la réponse, laquelle n’a pas été révisée depuis que la nouvelle loi israélienne a été votée, « Birthright Israël n’enquête pas sur les opinions politiques de ses candidats et il accueille tous les jeunes adultes juifs du monde entier à visiter Israël ».

Birthright ne dit pas s’il soutiendrait et aiderait les participants à ses voyages qui seraient refoulés à l’aéroport, ou s’il a eu un contact avec le gouvernement israélien au sujet des ramifications de la nouvelle loi sur les participations.

La grande variété des participants de Birthright

Parmi les étudiants qui ont aidé à rédiger la lettre, il y a Rachel Stryer, codirigeante de J Street U à l’université de Stanford. « Quand j’ai appris que la loi avait été votée, je me suis sentie confuse, frustrée et très triste, parce qu’elle viole tout ce que je sais qui fait qu’Israël est une démocratie, et est attaché à la liberté d’expression », dit Stryer, qui projette de faire le voyage avec Birthright cet été après son diplôme.

« Au-delà de cela, le regroupement de ceux qui soutiennent le BDS avec ceux qui soutiennent un boycott des colonies me gêne. À J Street, nous ne soutenons pas un boycott, mais beaucoup d’entre nous ont fait le choix de ne pas acheter ce qui vient des colonies. Nous voyons les colonies de peuplement comme quelque chose qui menace l’avenir et la sécurité d’Israël ».

Birthright, note-t-elle, s’est longtemps enorgueilli de la grande variété des participants qu’il attire. « Je vois la nouvelle loi comme remettant directement en cause l’attachement de Birthright à cette diversité » dit-elle.

Chase Harrison, membre du gouvernement étudiant de l’université de Chicago, manifeste son opposition aux initiatives de son école en faveur du boycott d’Israël. Dans le même temps, dit-il, il s’est senti contraint de signer la lettre à Birthright.

« Je n’aurais probablement pas de problème pour venir en Israël avec mes opinions, mais en interdisant ceux qui soutiennent un boycott, vous vous privez de voix importantes dans le dialogue – des voix qui existent déjà en Israël » dit Harrison, qui a déjà voyagé avec Birthright et est stagiaire au chapitre Hillel de son campus.

Aaron Wildavsky, autre étudiant à avoir signé la lettre, a déjà participé à Birthright il y a deux ans, et il prévoit cet été de venir en Israël et de rejoindre l’armée, après son diplôme de l’université Washington de Saint-Louis.

« Je ne soutiens pas le BDS ni un boycott des colonies, de sorte que rien de tout cela ne m’implique personnellement, même si j’ai des réserves sur les colonies » dit Wilsavsky, qui est aussi membre actif à Hillel et Chabad.

« La raison qui m’a fait signer cette lettre est que je pense qu’il est scandaleux que le gouvernement israélien ne puisse pas affronter les touristes qui ne sont pas d’accord avec la façon dont il gère la Cisjordanie. Si vous avez une attitude agressive à l’égard de ceux qui n’approuvent pas votre politique, pour moi c’est comme un gamin qui pique sa colère ».

Max Buchdahl, président du chapitre Hillel à l’université Temple, est un autre signataire qui n’a aucun lien avec J Street U. « Je suis très troublé par la nouvelle loi et je pense qu’il est important que Birthright réponde en exprimant son soutien à ceux qui ont d’autres opinions » dit-il. « Vous pouvez ne pas aimer certaines opinions, mais vous entrez dans des eaux dangereuses si vous commencez par interdire les gens à cause de leurs opinions ».

Depuis sa création en 1999, Birthright a fait venir plus de 500 000 jeunes adultes juifs en Israël. La plupart des participants à son programme sont des étudiants d’âge universitaire. Le plus grand bienfaiteur du programme est le magnat milliardaire des casinos, et l’immense donateur républicain, Sheldon Adelson.