Wadi Fukin en Cisjordanie, le grand perdant dans la toute nouvelle saisie israélienne de terres

Plus de 25 % des terres nouvellement confisquées en Cisjordanie appartiennent au village de Wadi Fukin. Les résidents craignent l’issue probable de se voir complètement entourés par des colonies israéliennes, tout en se préparant à lutter contre cette perte annoncée de terre, de propriété et de moyens de subsistance.

Ahmad Sokal, le maire du village de Wadi Fukin en Cisjordanie, n’a aucun doute sur le but de l’expropriation récemment annoncée par Israël de 400 hectares de terres dans la région de Bethléem en Cisjordanie. « Le plan d’Israël pour Wadi Fukin est clair », a déclaré Sokal à l’AIC. « Il vise à encercler notre village, étape par étape, afin d’en faire une prison, piégé entre les colonies. Il voudrait chasser nos résidents. Nous sommes déjà encerclés par Tsur Hadassah à l’ouest, Beitar Illit et Hadar Beitar au nord. Maintenant, on nous prend nos terres à l’est, et une nouvelle colonie y sera construite ».

Wadi Fukin, situé à 10 km au sud-ouest de Bethléem, a déjà perdu autour des trois quarts de ses terres suites aux confiscations qui ont suivi l’occupation israélienne de 1967, pour la construction de deux conlonies – Beitar Illit et Hadar Beitar – en plus des routes de contournement et du Mur de Séparation.

Israël projette de construire une grande colonie, Gavot, dans la terre expropriée. Cependant, ces terres serviront aussi à relier le bloc local de colonies Gush Etzion à Jérusalem et ses environs.

La communauté internationale a fortement condamné l’annonce dimanche par Israël de ce que le groupe d’observation des colonies israéliennes, La Paix Maintenant, déclare comme l’expropriation la plus importante des trente dernières années. Selon un haut responsable américain, « Israël ne nous a pas informé à l’avance, et nous a surpris avec cette décision », et des rapports soulignent que le Secrétaire d’État Kerry fait pression sur Israël pour le faire revenir sur sa décision.

Cependant, il apparaît que le premier ministre Netanyahu exproprie ces terres pour contrer les critiques émanant de sa droite, à propos de sa gestion de l’attaque contre Gaza. Netanyahu est habitué à la critique stérile venant de la communauté internationale, et visant les violations par Israël des droits de l’homme. Il suppose aussi que les palestiniens sont trop fatigués après Gaza pour opposer une résistance significative.

Plus du quart des 400 hectares des terres nouvellement confisquées appartiennent à Wadi Fukin. Puisque 60 % des résidents du village tirent leur subsistance de l’agriculture, ceci constitue un coup dur pour l’économie de la région déjà en difficulté.

Les résidents de Wadi Fukin ont fait part à l’AIC de leurs craintes de voir la seule entrée du village – une route étroite – facilement coupée par Israël, pour étrangler le village entouré de colonies israéliennes.

Israël a cinq méthodes pour saisir de terres en Cisjordanie : saisie pour raison militaire, déclaration de terres domaniales, saisie de propriétés d’absents, confiscation pour utilité publique et enregistrement initial. Israël a pu prendre plus de 50 % de la Cisjordanie grâce à ces procédés, alors que 90 % des colonies de la Cisjordanie sont établies sur des terres déclarées comme domaniales.

Les palestiniens ont 45 jours pour faire appel des déclarations de terres domaniales. Faire appel s’avère coûteux, et les preuves de propriété sont basées sur le Code Foncier Ottoman de 1858. Pour qu’une personne ait gain de cause pour un terrain, il faut soit qu’elle fournisse des documents prouvant l’enregistrement du terrain au nom des siens, soit que le terrain ait été cultivé durant les 10 dernières années.

L’enregistrement foncier n’était pas courant sous les ottomans et les britanniques, puisque les droits fonciers pouvaient s’exercer sans. Israël a arrêté toute forme d’enregistrement foncier après 1968, alors que seulement 33 % de toute la Cisjordanie était enregistrée à l’époque. Depuis, Israël a déclaré 90 000 hectares (soit 900 km^2) comme terres domaniales.

Les membres du conseil de Wadi Fukin et les villageois locaux se sont réunis lundi pour discuter des voies de recours contre les confiscations de terrains. Si quelques personnes possèdent des documents d’enregistrement, le maire Sokal affirme que le conseil aidera ceux qui n’ont pas les documents requis à prouver que les terrains ont bien été cultivés. Cependant, l’une des difficultés majeures, vient du fait que la plupart des terrains sont rocheux donc non arables. Toutefois, il se trouve que de tels terrains sont utilisés pour d’autres activités économiques, comme le pâturage.

Nabil Abu Rudeineh, le porte-parole du Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas, a appelé Israël à annuler cette saisie foncière. Il ajoute : « La décision mènera a plus d’instabilités. Ceci ne fera qu’enflammer la situation après la guerre à Gaza ».