Vote à l’ONU sur la colonisation : l’ultime mise en garde d’Obama à Israël

Il faut remonter à 1980 pour trouver un avertissement aussi clair des Etats-Unis que l’abstention lors du vote sur la colonisation au Conseil de sécurité vendredi.

« Les Etats-Unis n’acceptent pas la légitimité de la continuation de la colonisation [israélienne]. Ces constructions violent les accords précédents et sapent les efforts consentis pour parvenir à la paix. Il est temps que ces colonies cessent. »

Le président des Etats-Unis, Barack Obama, prononça ces paroles le 4 juin 2009 au Caire, lors d’un discours sur le Proche-Orient. On peut y trouver la justification de l’abstention spectaculaire de Washington qui a permis l’adoption, vendredi 23 décembre, d’une résolution onusienne condamnant des implantations jugées illégales au regard du droit international.

Cette abstention, qui sonne comme une mise en garde, pourrait constituer le legs du président démocrate s’agissant de la question israélo-palestinienne.

Pendant huit années, M. Obama s’est tenu à une position de principe découlant d’une analyse clinique de la situation. Israël ne peut pas à la fois se dire attaché à la solution des deux Etats, que le premier ministre Benyamin Nétanyahou avait faite sienne sous conditions dans le discours de Bar-Ilan prononcé également en juin 2009, et vider cet horizon diplomatique de substance en rendant impossible sur le terrain la création d’un Etat palestinien.

A peine arrivé au pouvoir, le président démocrate avait ainsi nommé comme envoyé spécial l’ancien sénateur George Mitchell. Ce dernier était à l’origine d’un rapport international fustigeant huit ans plus tôt, en 2001, l’effet de la colonisation dans la détérioration du processus de paix engagé en 1994 et qui avait conduit à la seconde intifada.

Espoirs déçus

Pendant son premier mandat, M. Obama avait également obtenu de haute lutte un gel temporaire et partiel de la colonisation – excluant les quartiers orientaux de Jérusalem – en espérant qu’il permette de réamorcer le dialogue entre le camp israélien et l’Autorité palestinienne. Comme pour les deux présidents américains précédents, ses espoirs avaient été déçus, forçant M. Obama à abandonner ce dossier.

L’échec n’avait pourtant pas dissuadé les Etats-Unis, totalement isolés, de mettre leur veto en février 2011 à un projet de résolution condamnant la colonisation. L’ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations unies, Susan Rice, l’avait alors justifié, assurant qu’il ne constituait pas une approbation de la colonisation, mais qu’il visait à retirer aux deux parties un prétexte pour ne pas s’engager dans des discussions substantielles. Le secrétaire d’Etat, John Kerry, nommé par M. Obama après sa réélection, en 2012, s’y était attelé sans relâche, sans plus de succès.

Quatre ans plus tard, l’administration sortante n’a donc pas fait mine de croire qu’un nouveau veto permettrait d’entretenir cet espoir. Samantha Power, l’actuelle ambassadrice auprès des Nations unies, n’a eu qu’à égrener quelques chiffres pour montrer que la colonisation avait crû à un rythme accéléré depuis le veto de 2011.

Elle a progressé y compris dans la partie située à l’est de la « clôture de sécurité » érigée par Israël dans les territoires conquis en 1967, donc au-delà des « blocs » de colonies qui seraient annexés dans le cadre d’un accord de paix global.

Le projet de deux Etats est menacé

Il faut remonter à 1980 pour trouver un précédent. Le vote positif de l’administration Carter sur la résolution 465, condamnant la colonisation, reposait cependant sur un argumentaire juridique. Les administrations successives avaient privilégié par la suite une lecture politique, assurant régulièrement qu’elle constituait seulement une complication inutile.

L’abstention du 23 décembre déplace d’un cran le curseur de cette appréciation. A la veille du départ de M. Obama de la Maison Blanche, l’administration américaine dit que la colonisation menace désormais directement le projet des deux Etats.

Dans une conférence téléphonique avec la presse, Ben Rhodes, le conseiller diplomatique de M. Obama, a rappelé que près de six cent mille Israéliens vivaient désormais en territoire palestinien, y compris dans la partie orientale de Jérusalem, soit cent mille de plus depuis l’arrivée au pouvoir de M. Obama.

Répondant aux critiques qui se sont abattues mécaniquement sur l’administration, y compris de la part d’élus démocrates, M. Rhodes a rappelé le vote de 2011 et son inefficacité. « Qu’est-ce qui pourrait nous prouver [qu’user de notre veto] ralentirait le rythme de la colonisation ? », s’est-il interrogé.

« Il n’y a qu’un seul président à la fois »

Sur son compte Twitter, le président élu Donald Trump a promis que « les choses ser[aie]nt différentes après le 20 janvier » et son arrivée à la Maison Blanche. Contre tous les usages, M. Trump avait tenté de tordre le bras de M. Obama en publiant, jeudi, un message l’invitant à user de son veto. « Il n’y a qu’un seul président à la fois. Le président Obama est le président des Etats-Unis jusqu’au 20 janvier », lui a laconiquement répondu vendredi M. Rhodes.

Le conseiller diplomatique a fait remarquer que M. Trump, en nommant comme ambassadeur en Israël un avocat opposé à la solution des deux Etats, a clairement montré quelles étaient ses intentions en la matière.

Lors de la convention d’investiture de Cleveland (Ohio), en juillet, le Parti républicain a tourné le dos pour la première à la solution des deux Etats, qui a longtemps fait l’objet d’un consensus entre démocrates et républicains.

Avant même l’élection de M. Trump, le Grand Old Party a donc rompu le fil qui reliait la reconnaissance en 1982 par Ronald Reagan de « droits légitimes » pour les Palestiniens à la conférence de Madrid organisée en 1991 par George W. H. Bush, prélude aux accords d’Oslo, et à la « vision » de George W. Bush de « deux Etats vivant côte à côte dans la paix et la sécurité ».

Le Parti républicain ne mentionne plus, comme M. Trump a pu le faire à l’occasion, qu’une vague « paix complète et durable au Moyen-Orient », sans avancer le moindre paramètre, ni même mentionner la Palestine ou les Palestiniens. Un changement dramatique de paradigme dont les conséquences sont encore difficiles à mesurer.