Une campagne citoyenne oblige la compagnie maritime israélienne Zim à cesser ses expéditions vers la Tunisie

Les Palestiniens saluent « la première victoire du genre dans le monde arabe ».

Les Palestiniens saluent une campagne qui a conduit la compagnie maritime israélienne Zim à fermer ses routes maritimes vers la Tunisie.

« Zim a été forcée de suspendre, pour une durée indéterminée, ses services vers le port tunisien de Radès à la suite d’une campagne populaire et syndicale en Tunisie et dans le monde arabe », a déclaré ce dimanche le Comité national palestinien pour le boycott, le désinvestissement et des sanctions (BNC).

Le BNC est l’organe de direction du mouvement mondial de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) dont l’objectif est de faire pression sur Israël pour qu’il mette fin à ses violations des droits des Palestiniens.

Le BNC estime que c’est « la première victoire de la sorte dans le monde arabe ».

Le BNC fait particulièrement l’éloge du « rôle décisif » de la principale fédération syndicale tunisienne, l’UGTT, qui a appelé ses membres à empêcher le navire lié à Israël, le Cornelius A, d’accoster en Tunisie, et qui a apporté son soutien aux demandes pour une enquête officielle sur le commerce clandestin avec Israël.

Alors que l’affaire du Cornelius A était révélée, l’UGTT a rapidement réagi aux demandes des fédérations syndicales palestiniennes en se mobilisant contre une normalisation avec Israël.

« En train de fuir »

La déclaration de victoire est intervenue après qu’il est apparu, la semaine dernière, que le Cornelius A, battant pavillon turc, abandonnait sa deuxième tentative d’entrer dans le port de Radès.

Le Cornelius A appartient à la compagnie turque Arkas, mais celle-ci opère dans le cadre d’accords pour partager les navires avec Zim.

Les navires israéliens ont l’interdiction d’entrer dans les ports de la Tunisie et des autres États arabes en vertu d’un boycott très ancien par la Ligue arabe.

Zim cependant propose ses services d’expéditions maritimes vers la Tunisie en utilisant le Cornelius A.

Le 9 août, les militants tunisiens de la campagne ont remporté une première grande victoire quand le navire a dû abandonner sa tentative d’accoster à Radès après la menace du syndicat des dockers de faire grève.

Mais en pleine contestation de tout lien du Cornelius A avec Israël, les militants tunisiens ont soupçonné le navire de vouloir faire une nouvelle tentative d’entrer dans leur pays.

Le 14 août, un article du Jerusalem Post, citant un dirigeant de Zim, affirmait que le Cornelius A « n’appartenait pas à la compagnie, qu’il n’était pas loué par la compagnie, et qu’il ne contenait aucune cargaison appartement à la compagnie ».

Mais TACBI, la campagne tunisienne pour le boycott académique et culturel d’Israël, a rejeté ce démenti de Zim.

La semaine dernière, TACBI déclarait avoir découvert que le Cornelius A figurait toujours sur le site de Zim comme réalisant le voyage numéro 12 pour la compagnie.

Si le voyage numéro 12 comprenait antérieurement une escale à Radès, l’itinéraire aujourd’hui ne comprend plus que des ports de Malte et de la Grèce.

« C’est une preuve de plus que le Cornelius A est bien intégré dans la logistique de Zim, et par conséquent, que le porte-parole de Zim ment » affirme TACBI.

En outre, une publication israélienne de droite, Arutz Sheva, a présenté le Cornelius A comme étant « loué par la compagnie maritime israélienne Zim ».

Durant ce temps, TACBI surveillait les mouvements du navire alors qu’il s’approchait à nouveau de la côte tunisienne.

Les soupçons se sont exacerbés quand le navire a disparu, comme il l’avait fait la fois précédente, des sites de suivi maritime.

Cela a incité la fédération syndicale UGTT, le 14 août, à relancer son appel aux autorités tunisiennes et à ses syndicats membres pour empêcher le navire d’arriver à quai.

Mais le 15 août, le Cornelius A réapparaissait sur les sites de suivi, « une fois encore en train de fuir », selon TACBI, car il semblait abandonner toute tentative d’accoster en Tunisie. Lundi, le Cornelius A mettait à quai en Grèce.

Un deuxième navire

Pour TACBI, « c’était une victoire décisive » mais elle souligne que le Cornelius A n’est qu’une partie d’un commerce clandestin bien plus important entre Israël et la Tunisie, et qui utilise des navires immatriculés dans des pays tiers.

Les militants ont découvert qu’un deuxième navire, l’Allegro, un porte-conteneurs immatriculé à Antigua-et-Barbuda, avait fait escale à Radès pour le compte de Zim pendant des années.

Un voyage qui avait été enregistré sur le site de Zim en 2016 montre que l’Allegro faisait escale aussi bien à Radès que dans le port marocain de Tanger.

L’Allegro s’est arrêté à nouveau à Radès pas plus tard que le mois dernier.

Mais quand le Cornelius A s’est trouvé empêché d’entrer dans le port, Zim a retiré des programmes toute mention de Radès sur son site pour l’Allegro et le Cornelius A, selon TACBI.

« Pendant une semaine, l’Allegro a sillonné l’Atlantique au large des côtes espagnoles, attendant des instructions », déclare TACBI le 16 août, citant les informations des suivis (tracking data).

TACBI affirme également que l’agence locale de manutention pour l’Allegro est la société tunisienne All Seas Shipping Agency.

Le groupe a adressé une lettre à All Seas Shipping Agency l’incitant à ce que, si son rôle d’agent « direct ou indirect » auprès de Zim était confirmé, la société devait immédiatement, en interdisant tout commerce avec Israël, cesser sa collaboration avec des opérateurs qui cherchent à violer les lois de la Tunisie et à « réduire à néant le choix du peuple tunisien de soutenir le droit des Palestiniens à l’autodétermination ».

« Un cheval de Troie »

Que les navires liés à Zim débarquent aussi au Maroc et en Égypte souligne le défi qui est posé pour la région par une normalisation officielle et clandestine avec Israël, depuis les côtes de l’Atlantique jusqu’au Golfe.

En mai, le groupe de la campagne BDS Égypte a publié un rapport en arabe sur le rôle de Zim dans la violation des droits des Palestiniens.

Les militants de la Jordanie, de l’Égypte, du Maroc et du Golfe ont soutenu la campagne de TACBI sur les médias sociaux avec le hashtag « ZIM degage », en français, « Zim, sors de là ! ».

Et BDS Turquie a demandé à la compagnie maritime turque, Arkas, d’arrêter d’agir comme un « cheval de Troie » pour Zim afin de lui permettre de contourner le boycott commercial d’Israël dans les États arabes.

BDS Turquie affirme qu’Arkas se fait « l’instrument d’une compagnie qui a assumé un rôle substantiel dans l’établissement d’un régime d’apartheid en Palestine et qui continue à fournir un soutien logistique à l’armée israélienne dans ses guerres et crimes contre les pays arabes ».

BDS Turquie exhorte la société et les syndicats turcs à « soutenir cette campagne et à faire entendre leurs voix pour s’associer à la volonté du peuple tunisien de boycotter l’État israélien ».

Le Comité national palestinien pour le boycott, le désinvestissement et des sanctions affirme que si la résistance à une normalisation avec Israël est de tout temps un devoir, elle est particulièrement importante à un moment où Israël intensifie son nettoyage ethnique des Palestiniens à Jérusalem, dans la vallée du Jourdain et le Néguev, et maintient son blocus maritime de Gaza et ses restrictions et attaques meurtrières contre les pêcheurs de Gaza.

Saluant la réussite des militants et des travailleurs tunisiens, le BNC appelle les syndicats à travers le monde arabe à « suivre leur exemple et à empêcher les navires ou les marchandises d’Israël d’entrer dans les ports arabes ».