Un juge autorise la poursuite d’un procès pour la liberté d’expression contre l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign

La tentative de l’université visant au rejet de la procédure juridique engagée par Salaita à propos de ses tweets « discourtois » a été repoussée par le tribunal.

6 août 2015, Chicago – Aujourd’hui, un juge fédéral a repoussé les tentatives visant au rejet d’une procédure juridique engagée contre l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign (UIUC) pour avoir licencié le professeur Steven Salaita de son poste de titulaire en se fondant sur des tweets personnels qui critiquaient l’agression militaire d’Israël contre Gaza l’été dernier.

L’université a reconnu avoir fondé sa décision sur les tweets de Salaita, les qualifiant de « discourtois ». Le tribunal a fermement rejeté l’allégation de l’université selon laquelle elle n’était pas liée par un contrat avec le professeur Salaité, en déclarant : « Si le tribunal acceptait l’argument de l’université, c’est l’ensemble du processus d’embauche académique américain, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, qui cesserait d’exister ». Le tribunal a en outre repoussé la tentative de l’université pour que soient écartés les arguments du professeur Salaita évoquant le Premier Amendement, constatant que ces tweets « impliquent chacune des « préoccupations essentielles » du Premier Amendement ».

« Étant donné que la rupture de mon contrat au poste de professeur titulaire entraîne de graves ramifications pour un large éventail de personnes, je suis heureux de pouvoir aller de l’avant dans ce procès, avec l’espoir que les restrictions à la liberté académique, à la liberté d’expression, et à une gouvernance partagée ne deviennent pas plus sévères du fait du comportement de l’UIUC », a déclaré Steven Salaita.

Au procès, qui a été intenté par le Center for Constitutionnal Rights (Centre des droits constitutionnels) et Loevy & Loevy, au nom du professeur Salaita, il a été défendu que l’UIUC avait violé les droits de Salaita à la liberté d’expression et à une procédure régulière, et qu’elle n’avait pas respecté le contrat de travail qui la liait au professeur. Il a été demandé la réintégration du professeur Salaita ainsi qu’une réparation financière, comprenant une indemnisation pour le préjudice économique et l’atteinte à sa réputation qu’il a subis du fait des actions de l’université. Peu avant la saisine du tribunal, l’UIUC avait repoussé une recommandation, émise par son propre Committee on Academic Freedom and Tenure (CAFT) (Comité sur la liberté académique et la titularisation), pour que l’université reconsidère sa décision.

« La décision du tribunal donne accès au professeur Salaita à une demande en réparation pour les torts que lui a causés l’université, notamment par la violation de son droit à s’exprimer librement sur des questions d’intérêt public sans être licencié », a déclaré la directrice juridique adjointe du Centre des droits constitutionnels, Maria LaHood. « L’université doit enfin affronter la réalité de ce qu’elle a fait au professeur Salaita et aux principes de la liberté académique ».

La décision d’aujourd’hui arrive peu après celle d’un tribunal de l’État de l’Illinois, le 12 juin, dans un procès sur la Loi relative à la liberté de l’information, qui ordonne aux responsables de l’université de débloquer les courriels traitant du licenciement du professeur Salaita qu’ils ont refusé de divulguer, et peu après aussi un vote de l’American Association of University Professors (AAUP) (Association américaine des professeurs d’universités), le 13 juin, qui censure l’université. L’AAUP a publié un rapport en avril qui conclut au non-respect par l’UIUC de la liberté académique et de la procédure régulière.

La direction de l’université s’est trouvée confrontée à des critiques croissantes au niveau national pour son licenciement de Salaita, particulièrement au sein de la communauté académique. Seize départements académiques de l’université ont exprimé un vote de défiance à l’égard de l’administration de l’UIUC, et d’importantes organisations académiques, telles l’American Historical Association (Association américaine d’histoire), la Modern Language Association (Association du langage moderne) et la Society of American Law Teachers (Société américaine des professeurs de droit), ont condamné publiquement les actions de l’université. Plus de 5000 universitaires de tout le pays, dont le Dr Cornel West et Angela Davis, se sont engagés à boycotter l’UIUC, avec pour effet l’annulation de plus d’une trentaine de conférences et débats programmés à l’université. En septembre dernier, les étudiants de l’UIUC ont lancé une grève surprise pour protester contre ce qu’ils appellent le bâillonnement de Salaita par l’université.

« Dans sa tentative de voir le procès du professeur Salaita rejeté avant qu’il ne soit débattu des motifs de sa décision, l’administration de l’université a pris un certain nombre de positions qui ont montré son mépris pour ses obligations constitutionnelles, et soulevé de sérieux doute quant à l’engagement de l’université envers la liberté académique et à sa volonté d’honorer ses engagements contractuels avec ses universitaires » a dit Anand Swaminathan, de Loevy & Loevy. « Nous sommes extrêmement satisfaits du rejet, par le tribunal, des arguments douteux de l’université ».

C’est après un processus national rigoureux de recherches et d’entrevues, portant sur toute une année, qu’à l’automne 2013, le programme de l’American Indian Studies (Études indiennes américaines) de l’UIUC a proposé au professeur Salaita un poste de professeur titulaire, ce que celui-ci a accepté sur-le-champ. Se fiant à la promesse contractuelle de l’UIUC, le professeur Salaita a démissionné de son poste de professeur titulaire à Virginia Tech et s’est préparé à venir à Champaign. En août 2014, juste deux semaines avant qu’il ne commence à enseigner, la présidente de l’UIUC, Phyllis Wise, et le vice-président, Christophe Pierre, ont informé le professeur Salaita qu’il avait été mis fin à ses fonctions. Il ne lui a pas été donné la possibilité de soulever des objections ni d’être entendu.

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