Revue des droits de l’homme – N°26
Éric Fassin
https://doi.org/10.4000/12hrc
La définition des libertés académiques est un enjeu politique. Ce qui les menace, ce sont les pouvoirs, tant économiques que politiques. Ce ne sont donc pas les étudiant·es, qui peuvent certes perturber un cours ou occuper un amphithéâtre, mais pas licencier les professeur·es ni les priver de financements. Depuis 1915, l’Association américaine des professeurs d’université a défini la liberté académique comme une liberté professionnelle face aux pouvoirs, et en particulier aux institutions qui les recrutent – d’où l’importance de la tenure, gage d’indépendance. En France, les libertés académiques incluent également les principes de cooptation et de collégialité. Or aujourd’hui, ces libertés, distinctes mais complémentaires, sont remises en cause. Il est vrai que la liberté d’expression aussi est menacée par l’évolution de régimes naguère réputés libéraux. Il importe toutefois de les distinguer. Certes, les deux impliquent le droit de tout dire (dans les limites de la loi). Pour la liberté d’expression, y compris n’importe quoi : chacun·e est libre de ses opinions. Pour les libertés académiques, tout dire, mais pas n’importe quoi. Elles sont fondées sur la recherche de la vérité, et donc sur le refus du bullshit. Voilà pourquoi les universités, en particulier les savoirs critiques, sont la cible des régimes autoritaires. Voilà pourquoi la défense des libertés académiques est un enjeu démocratique.
Plan
Cancel culture : un « maccarthysme de gauche » ?
Libertés académiques et pouvoir institutionnel
Libertés académiques et liberté d’expression
Libertés académiques et normes disciplinaires
Épilogue : retour à l’actualité