Les membres d’un syndicat s’opposent à l’invalidation de leur résolution pour le boycott d’Israël

Le bureau exécutif international du Syndicat des travailleurs unis de l’automobile (UAW) a invalidé un vote de décembre 2014 de ses militants de base pour boycotter d’Israël. La résolution de….

Le bureau exécutif international du Syndicat des travailleurs unis de l’automobile (UAW) a invalidé un vote de décembre 2014 de ses militants de base pour boycotter d’Israël.

La résolution de 2014, qui fut votée à une majorité écrasante par les membres de la Section locale 2865 de l’UAW, demandait au bureau exécutif international du syndicat de retirer ses avoirs des institutions d’État israéliennes et des entreprises internationales « qui se rendent complices des violations graves et continues des droits humains dans le cadre de l’oppression israélienne du peuple palestinien ».

La Local 2865 de l’UAW représente 13 000 salariés étudiants de troisième cycle à travers le système universitaire de la Californie.

L’invalidation de décembre fait suite à une longue contestation, vue par The Electronic Intifada, dont l’auteur est Stephen Brumbaugh, un étudiant de troisième cycle de l’UCLA (Université de Californie, Los Angeles) et membre de la Local 2865. Dans sa contestation, Brumbaugh soutient que la résolution de boycott « porte préjudice au Syndicat international UAW et au mouvement syndical dans son ensemble » et que la résolution est « illégale ».

Jeudi, les membres de la base et les responsables de la Local 2865 ont déposé un recours devant le Comité public de révision de l’UAW, exigeant que l’invalidation soit annulée.

« Une source de discorde »

Brumbaugh est membre de l’association Informed Grads, un sous-groupe de la Local 2865 qui s’oppose à la résolution pour le boycott, et qui avait vainement tenté de faire annuler la résolution par le conseil local en mai de l’année dernière.

Dans sa contestation auprès des dirigeants de l’UAW, Brumbaugh prétend que la question du BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) « est source de discorde » et qu’ « elle ne promeut pas les intérêts des travailleurs ».

Mais les membres de la Local 2865 rejettent cette allégation de discorde et mettent en avant que la campagne BDS fait en réalité avancer les droits des salariés et du mouvement ouvrier.

Les syndicats palestiniens sont parmi les 170 organisations de la société civile palestinienne qui rédigèrent l’appel international au BDS de 2005, font remarquer les militants. Cet appel fut répété par 15 organisations palestiniennes de salariés l’an dernier, exhortant les membres des syndicats internationaux à intensifier leurs efforts pour boycotter Israël.

Kumars Salehi, étudiant de troisième cycle à l’université de Californie de Berkeley, et membre de base de la Local 2865, a déclaré à The Electronic Intifada qu’en souscrivant aux allégations de Brumbaugh, l’UAW exprimait essentiellement que les syndicats palestiniens « ne comptaient pour rien dans le « mouvement salarié » – dans le cas contraire, sa contribution aurait été soupesée ».

Protéger les intérêts des entreprises

Un représentant de l’entreprise Caterpillar, une entreprise qui tire profit de la destruction par Israël des maisons et des biens des Palestiniens – et qui est l’une des grandes sociétés visées par le boycott en vertu de la résolution de la Local 2865 – a adressé une lettre aux dirigeants de l’UAW faisant pression pour que le syndicat rejette le vote pour le boycott. Cette lettre s’est trouvée annexée à la contestation de Brumbaugh.

Caterpillar déclare qu’elle « rejette de façon catégorique toute suggestion que Caterpillar serait engagée ou complice dans une quelconque violation des droits de l’homme où que ce soit dans le monde ».

Dans leur décision, les dirigeants de l’UAW disent que mettre en application le boycott « conduirait à un dénuement économique flagrant » pour ses membres, « en s’immisçant catégoriquement dans les flux commerciaux vers et depuis des entreprises spécifiques ».

La protection directe, par un syndicat, du commerce et des entreprises est « indicative des craintes à plus d’un titre ressenties par les élites quand il est question d’entreprendre contre le capital et les autres aspects de l’establishment, qui sont pro-Israël – ou même seulement contre les multinationales qui ont investi (en Israël) », explique Salehi.

« Il existe une haute priorité aux intérêts des employeurs dans le commerce et les mouvements de capitaux, par opposition à ceux des salariés, dont l’intérêt est la solidarité », ajoute-t-il.

Des affirmations d’un sectarisme antijuif

Dans sa contestation, Brumbaugh affirme également que la résolution BDS incite à la « discrimination » contre les juifs et/ou les salariés israéliens, reprenant les allégations d’Informed Grads, d’individus alignés sur Israël et de groupes de pression, selon lesquelles le militantisme BDS en faveur de la justice pour les Palestiniens est, par nature, antisémite.

En invalidant la résolution BDS, les dirigeants de l’UAW acceptent et réitèrent les allégations de discrimination de Brumbaugh.

Dans un communiqué, l’organisation Palestine Legal argue que l’exécutif international de l’UAW « se repose… sur une conclusion que le vote était ‘tendancieux en ciblant des membres israéliens/juifs de l’UAW et en étant méprisant envers l’État d’Israël’ », alors que le syndicat fait le constat que la Local 2865 « avait conduit un processus électoral régulier et démocratique, avec un vaste débat et un engagement sur plusieurs mois ».

L’invalidation, ajoute Palestine Legal, « est un nouvel exemple de ces manœuvres antidémocratiques par des autorités institutionnelles qui répondent à des pressions venant de groupes de défense d’Israël », et qui visent à étouffer le soutien qui grandit en faveur du mouvement BDS et de la justice pour les Palestiniens.

Dynamisés

Omar Zahzah, membre du conseil de direction, au niveau national, de la Local 2865, et étudiant de troisième cycle à l’UCLA, a fait savoir à The Electronic Intifada qu’en dépit de l’invalidation, les membres à la base restent dynamisés, et sont peut-être même encore plus déterminés, pour continuer l’activité anti-oppression dans laquelle la section locale s’est engagée, spécialement autour de la lutte pour la justice en Palestine.

« En fin de compte, une décision officielle ne peut jamais effacer le travail réalisé par la base dans la campagne ni les résultats qu’elle continuera d’obtenir, malgré l’invalidation », dit-il.

En attendant, les lettres de soutien à l’approbation de la Local 2865 à la campagne BDS sous égide palestinienne affluent de tout un éventail d’organisations et d’individus, dont le président de l’Association des études américaines (ASA), association qui a voté une résolution historique en 2013 pour le boycott des institutions universitaires israéliennes.

« En faisant appel à la conception la plus étroite possible de l’intérêt propre des membres de l’UAW, l’IEB (Conseil exécutif international) écarte en réalité les possibilités de larges coalitions progressistes », a déclaré David Roediger, président de l’ASA, dans une lettre vue par The Electronic Intifada.

« Autrement dit, après avoir admis que le vote de la Local 2865 pour le BDS était intervenu dans une élection démocratique et régulière, l’IEB retient apparemment que, parce qu’un boycott d’Israël affecte potentiellement, par exemple, une infime partie des ventes de Caterpillar, aucune section locale n’est autorisée à le soutenir » ajoute Roediger.

La Campagne U.S. pour la fin de l’occupation israélienne a mis en ligne une pétition « pour conseiller vivement à l’IEB de l’UAW de ne pas se placer du mauvais côté de l’histoire », et de faire marche arrière concernant l’invalidation.

La vague de soutien à la résolution de boycott de la Local 2865, après la décision de l’UAW d’en annuler le vote, « contribue vraiment à illustrer l’élan populaire qui prend forme », note Zahzah, « ce qui, en fin de compte, est la raison d’être de l’action syndicale et du militantisme syndical ».