Les colonies israéliennes en Cisjordanie, un crime de guerre ?

La revue des droits de l’homme a publié en libre accès dans ses numéros 16/2019 et 17/2020 un article intitulé « Les colonies israéliennes en Cisjordanie, un crime de guerre….

La revue des droits de l’homme a publié en libre accès dans ses numéros 16/2019 et 17/2020 un article intitulé « Les colonies israéliennes en Cisjordanie, un crime de guerre ? » disponible en français et en anglais. Le texte publié est écrit par Ghislain Poissonnier, magistrat, et par Eric David, Professeur émérite de droit international public et Président du Centre de droit international de l’Université libre de Bruxelles.

Il propose une réponse juridique solidement argumentée à la question suivante : la politique de colonisation israélienne en Cisjordanie constitue-t-elle l’infraction prévue par l’article 8, § 2, b), viii), du Statut de Rome ? Cet article fait du transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, un crime de guerre.

La question est d’actualité, puisqu’au terme de son examen, et à la demande de la Palestine, le Procureur de la Cour pénale internationale a annoncé le 20 décembre 2019 l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre commis en Palestine.

La réponse apportée par les auteurs est la suivante : l’implantation par Israël de colonies de peuplement en territoire palestinien occupé comporte les éléments constitutifs du crime de guerre prévu par le Statut de Rome, à savoir son élément légal, son élément matériel et son élément moral.

Le texte publié fait la synthèse des travaux déjà publiés sur l’élément légal de l’infraction et montre bien l’étendue du consensus sur cet aspect.

C’est sans doute sur les éléments matériel et moral que les auteurs apportent une analyse plus nouvelle.

Ghislain Poissonnier et Eric David montrent bien que le cœur de l’infraction – sa matérialité – réside dans l’organisation par l’Etat d’Israël – selon une politique d’Etat, décidée au plus haut niveau et mise en œuvre par l’armée et par l’administration – d’un transfert massif d’une partie de sa population civile dans des colonies de peuplement installées en Cisjordanie (en ce compris Jérusalem-Est).

Ils mettent également en évidence à quel point l’organisation de cette politique d’Etat est assumée et même revendiquée par les plus hauts responsables politiques israéliens, alors même qu’ils sont parfaitement informés de son illégalité internationale. Ils agissent donc en toute connaissance de cause (élément moral), conscients de ce qu’ils commettent un crime de guerre.

Finalement, la lecture de ce texte complet et bien documenté permet de comprendre que le crime de guerre prévu par l’article 8, § 2, b), viii), du Statut de Rome peut sans aucun doute être imputé aux plus hauts responsables israéliens, à tout le moins pour tous ceux en poste depuis juin 2014.
Dès lors, ce n’est pas un obstacle juridique qui pourrait expliquer les difficultés du Procureur de la Cour pénale internationale à engager des poursuites pénales pour ce crime, mais bien plus des obstacles politiques ou la peur de déplaire à certains Etats. Dans ce contexte, il est essentiel que la France et les Etats membres de l’UE apportent un soutien sans faille au bureau du procureur et à l’indépendance de la Cour. La justice internationale doit pouvoir jouer son rôle dans une interminable occupation où le droit international est si souvent piétiné.

Joseph Oesterlé
Président de l’AURDIP
Professeur émérite à l’Université Pierre et Marie Curie