La police israélienne fait une rafle dans des institutions culturelles palestiniennes majeures à Jérusalem-Est, un coup d’essai du ministère de la Justice

Les directeurs du Centre culturel Yabous et de la Société pour l’enseignement de la musique, à Jérusalem, ont été interpellés et par la suite, libérés. Selon une source officielle, leurs centres sont soupçonnés de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale.

Mercredi, la police israélienne a fait une descente dans deux grandes institutions palestiniennes à Jérusalem-Est, confisquant des ordinateurs et des documents ainsi qu’une voiture privée. Les directeurs de ces deux institutions, un mari et son épouse, ont été arrêtés à leur domicile, et un troisième membre du personnel a été également arrêté chez lui.

Rania Elias, qui dirige le Centre culturel Yabous, et son époux, le compositeur Suhail Khoury, de la Société de Jérusalem pour l’enseignement de la musique et la recherche, ont été libérés 12 heures plus tard, après avoir été interrogés au poste de police d’Har Homa. La détention de l’employé, Daoud al-Ghoul, a été prolongée jusqu’à dimanche.

Les mandats autorisant la perquisition des deux établissements indiquaient que ces institutions étaient soupçonnées de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et d’évasion fiscale. Un communiqué de presse commun de la police, du ministère de la Justice et de l’Administration fiscale d’Israël ne fait aucune mention de ces soupçons de financement de terrorisme. Le communiqué indique que l’enquête sur les deux institutions, les raids et les arrestations résultent d’un « changement dans le concept de la fonction de registraire des associations » et s’inscrivent dans un effort visant à améliorer les activités de supervision et d’exécution du registraire.

La porte-parole du ministère de la Justice, Carmit Orpaz-Yamin, a déclaré, en réponse à une demande de renseignement de Haaretz, que la première affaire concernant « le changement de concept de la fonction » du bureau du registraire a été lancée le 13 juillet et qu’elle impliquait une enquête sur des dizaines d’associations sportives à Rishon Letzion, en banlieue de Tel Aviv. La deuxième opération, qui, dit-elle, a été surnommée « menifa », éventail en hébreu, vise les deux institutions culturelles palestiniennes. Qualifiant les deux opérations comme d’une « sorte d’expérience », la porte-parole a ajouté qu’après en avoir étudié les résultats et tiré les conclusions, « nous envisagerons de prendre des mesures supplémentaires et d’étendre la surveillance ».

Muayed Miari, avocat de la Société pour l’enseignement de la musique et la recherche, a déclaré à Haaretz que « selon le peu qu’on nous a dit, l’enquête en est à son début ». La rapide libération des deux directeurs, soumise à quelques restrictions, « atteste du poids de l’information dont dispose la police » dit-il, laissant entendre que la police manque de preuves solides.

L’avocat du Centre culturel Yabous, Nasser Odeh, a déclaré à Haaretz que la demande de prolongation de la détention d’Al Ghoul indiquait qu’on le soupçonnait d’appartenir à une organisation illégale, de lui rendre des services et de financer le terrorisme. Mais lors de son interrogatoire jeudi, il n’a été questionné que sur les activités du centre culturel, dont il est un employé.

Le Centre Yabous et la Société pour l’enseignement de la musique et la recherche font partie du Réseau des arts de Jérusalem Shafaq, un groupe de coordination des principales institutions culturelles palestiniennes de Jérusalem-Est. Le Théâtre national palestinien El-Hakawati et les Galeries Al Housh et Al Ma’mal sont également membres du groupe. Jusqu’à récemment, Al Ghoul était le directeur des activités de Shafaq. Suhail Khoury, le directeur de la Société de musique à Jérusalem, dirige aussi le Conservatoire national de musique Edward Saïd à l’Université de Bir Zeit.

Ces institutions cherchent à maintenir et à étendre la vie culturelle palestinienne à Jérusalem, à renforcer le caractère palestinien de la ville et à développer les liens culturels et artistiques avec les autres institutions du pays, et dans le monde. Au cours des dix-huit derniers mois, leur soutien financier par l’Union européenne a été sévèrement réduit, a déclaré un membre de l’une des institutions à Haaretz.

Ces dernières années, la police israélienne a interdit différentes activités culturelles palestiniennes à Jérusalem – et notamment la programmation du Centre Yabous et du Théâtre El-Hakawati – au motif qu’elles étaient parrainées par l’Autorité palestinienne, en violation d’une interdiction dans les Accords d’Oslo contre les activités de l’Autorité palestinienne à Jérusalem-Est.

Des responsables des deux institutions et de l’Autorité palestinienne ont déclaré qu’ils interprétaient l’enquête et les arrestations de mercredi comme entrant dans la politique israélienne qui vise à refréner les expressions de la culture et de l’identité palestiniennes à Jérusalem.