La Hollande enquête sur les menaces contre l’avocate d’un groupe palestinien devant la Cour de La Haye

Au cours des six derniers mois, Nada Kiswanson a reçu un flot continu de menaces de mort pendant qu’elle travaillait avec la Cour pénale internationale à une enquête sur les….

Au cours des six derniers mois, Nada Kiswanson a reçu un flot continu de menaces de mort pendant qu’elle travaillait avec la Cour pénale internationale à une enquête sur les possibles crimes de guerre commis par Israël contre les Palestiniens.

L’avocate jordano-suédoise des droits de l’homme, pour le groupe palestinien Al-Haq, déclare avoir reçu des appels téléphoniques et des courriels intimidants, ainsi qu’un bouquet de fleurs avec un message inquiétant, qui menaçaient sa vie et celle de sa famille. Elle fut également contactée par quelqu’un qui s’est fait passer pour un fonctionnaire du gouvernement néerlandais.

Al-Haq et Kiswanson pensent que cette campagne d’intimidations vise à décourager leur action juridique.

Ce mois-ci, Kiswanson a reçu un message déclarant qu’elle « n’était pas du tout en sécurité, et espérant que cela se poursuivrait ».

« Il est très clair que si je suis menacée ainsi, c’est en raison du travail que je réalise en Europe, et particulièrement auprès de la Cour pénale internationale », a-t-elle dit à l’Associated Press.

« Mes réseaux de communication ont été totalement mis en danger » a-t-elle déclaré à Reuters.

Des agressions sophistiquées, organisées

Kiswanson estime qu’Israël pourrait être derrière ces menaces, à cause de la nature sophistiquée de cette campagne de harcèlement et de la substance de son travail.

Par exemple, dans le jour qui suivit l’achat d’un téléphone portable prépayé et anonyme, elle reçut des menaces en anglais, en néerlandais, et en « mauvais arabe ». Des menaces l’atteignirent aussi en passant par les téléphones portables prépayés de sa famille. Elle a indiqué à Reuters qu’on avait appelé un membre de sa famille en Suède et qu’on lui avait dit que Kiswanson serait « éliminée ».

La FIDH, la Fédération internationale des droits de l’homme, décrit cette campagne comme un mode d’agressions qui sont bien organisées, sophistiquées, et qui nécessitent un soutien financier. Dans un autre incident, ce sont des milliers de tracts portant le logo d’Al-Haq et donnant des détails personnels sur Kiswanson qui furent distribués dans son quartier.

Amnesty International a fermé temporairement son bureau à La Haye après que la boîte mail de l’un de ses salariés eut été piratée pour l’envoi d’un message à Kiswanson. Trois autres organisations travaillant avec la Cour pénale internationale sur les crimes de guerre israéliens ont également dû fermer, par précaution, selon le quotidien néerlandais NRC Handelsblad.

Al-Haq a d’abord révélé que ses salariés avaient été ciblés en mars dernier, mais que le groupe était resté discret sur les détails et l’étendue du harcèlement.

La semaine dernière, les autorités néerlandaises ont annoncé qu’elles enquêtaient sur les menaces lancées contre plusieurs organisations des droits de l’homme.

Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Emmanuel Nahson, a écarté les soupçons sur l’implication de son gouvernement, en affirmant à l’AP : « Nous ne réagissons pas à des allégations aussi grotesques ».

Mais les autorités néerlandaises ont déclaré de leur côté qu’elles n’excluaient pas cette possibilité. Le procureur a dit qu’elles étaient en train d’étudier « divers scénarios » mais qu’elles n’en avaient tiré encore aucune conclusion.

Les autorités néerlandaises affirment qu’elles assurent la sécurité de Kiswanson. « Nous prenons cela très au sérieux », ont dit les procureurs à l’AP, affirmant qu’ils avaient demandé une aide internationale.

Herman von Hebel, le greffier en chef de la Cour pénale internationale, a déclaré au NRC Handelsblad que son organisme n’avait jamais vu de telles menaces contre des salariés d’organisations non gouvernementales travaillant avec la Cour. Il affirme que les autorités néerlandaises faisaient peu de cas du problème jusqu’à ce que la Cour intervienne.

« Nous l’avons vu immédiatement : ces menaces sont graves. Ceci doit être examiné. Et il devrait y avoir une meilleure protection des (organisations non gouvernementales) au Pays-Bas », dit-il.

Von Hebel met l’accent sur le fait que la Cour pénale internationale compte sur des groupes comme Al-Haq pour lui fournir la documentation qui lui servira à déterminer s’il s’agit d’un dossier pénal.

« Ce qui est tenté là, c’est d’empêcher quelqu’un de nous donner cette information. C’est une attaque contre l’idée même du combat contre l’injustice à une grande échelle », dit-il.

Une campagne élargie

Un autre groupe palestinien, partisan des poursuites devant la Cour pénale internationale, a lui aussi reçu des menaces.

Le Centre pour les droits de l’homme, Al-Mezan, basé à Gaza, a déclaré la semaine dernière que son personnel avait été « soumis à une campagne prolongée » de harcèlement et d’intimidations, notamment avec des courriels envoyés à un cadre, le menaçant de mort, lui et sa famille, et montrant « des photos de sa maison (prises) à courte distance ».

« Ces agressons se sont intensifiées quand notre personnel s’est mis à travailler sur les litiges internationaux, adressant des rapports à la Cour pénale, et en concentrant les plaidoiries sur les responsabilités dans les violations graves du droit international par l’armée israélienne », ajoute le groupe.

Al-Mezan dit avoir décidé de rendre cela public une fois que le harcèlement, comprenant « des mails, des envois sur Facebook, (et) des appels téléphoniques suscitant la méfiance, adressés aux personnels, à des donateurs et à des amis », en fut arrivé à des menaces de mort précises.

« Ce mode d’agressions fait suite à une vague d’hostilités envers les (organisations non gouvernementales des) droits de l’homme qui sont impliquées pour dénoncer les responsabilité dans ce qu’Israël considère comme une ‘lawfare’ », (guerre utilisant le droit, ses violations, guerre juridique – ndt)

Documenter les crimes de guerre

Depuis janvier 2015, la CPI procède à un examen préliminaire sur de possibles crimes de guerre perpétrés par Israël en Cisjordanie et dans la bande de Gaza occupées au cours de l’été 2014. L’enquête se penchera également sur les allégations de crimes de guerre commis par les Palestiniens durant la même période.

Plus de 2200 Palestiniens ont été tués durant l’agression d’Israël contre Gaza cet été-là.

En novembre, Al-Haq a rejoint plusieurs autres groupes des droits de l’homme, dont Al-Mezan, Al Dameer et le Centre palestinien pour les droits de l’homme (le PCHR), dans la remise de documentation sur les crimes présumés de l’armée israélienne durant les 51 jours d’agressions au procureur de la Cour pénale internationale.

Amnesty International a exhorté les Pays-Bas à s’engager davantage pour la protection de Kiswanson et des autres défenseurs des droits de l’homme.

« Nous appelons le gouvernement néerlandais, au niveau le plus haut, à déclarer publiquement que ces menaces, graves, et dont l’origine peut être internationale, sont inacceptables sur le territoire néerlandais », déclare le groupe.