La coordinatrice internationale de Samidoun interdite d’entrer en Palestine et soumise à un interrogatoire sur le BDS et la solidarité avec les prisonniers

La coordinatrice internationale de Samidoun, Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens, Charlotte Kates, s’est vu refuser l’entrée en Palestine au passage frontalier du pont du Roi Hussein, de la….

La coordinatrice internationale de Samidoun, Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens, Charlotte Kates, s’est vu refuser l’entrée en Palestine au passage frontalier du pont du Roi Hussein, de la Jordanie vers la Palestine occupée, le lundi 15 août, alors qu’elle voulait rejoindre une délégation de parlementaires et juristes européens en soutien à Bilal Kayed et aux prisonniers palestiniens. Kayed, 34 ans, est en grève de la faim depuis 69 jours contre sa détention administrative sans inculpation ni jugement ; près de 100 autres prisonniers se sont joints à sa grève contre cet emprisonnement qui lui fut imposé aussitôt après qu’il eut achevé sa peine de 14 ans et demi dans les geôles israéliennes.

Quand Kates présente son passeport U.S. au poste de contrôle il lui est retiré, et il lui est dit d’attendre pour un interrogatoire plus poussé. Avec bien d’autres voyageurs vers la Palestine, surtout des Palestiniens détenant des passeports internationaux ou des passeports de l’Autorité palestinienne, il lui faut attendre pendant des heures au Pont, une attente entrecoupée d’interrogatoires sur quel est son objectif en allant dans le pays, quels sont sa participation à la solidarité avec les prisonniers palestiniens et son militantisme pour le BDS.

« On m’a interrogée sur les sites dont j’assure la maintenance, l’enquêtrice m’a demandé de pouvoir accéder à mes courriels reçus et envoyés, et de dresser la liste des gens que je connais au Liban et en Palestine, et celle des organisations avec lesquelles je travaille. L’enquêtrice a tenté de regarder dans mon téléphone pour connaître mes contacts et y découvrir mes conversations sur WhatsApp, et elle m’a demandé avec insistance d’aller sur mes comptes de messageries ou de médias sociaux et de lui en permettre l’accès. Comme mon téléphone est absolument clean de toute information sur mes contacts, que je lui refusais d’aller sur mes comptes et de lui fournir les listes des noms, alors c’est devenu ‘une raison’ de m’interdire l’entrée. Mais d’autres voyageurs au Pont ont eux aussi été soumis à ces fouilles et interrogés sur leurs photos personnelles et leurs conversations sur WhatsApp. En particulier, certains ont été interrogés sur le port du hijab sur des photos, sur leurs contacts avec des amis manifestement arabes ou musulmans », a déclaré Kates.

« J’ai été interrogée sur mon engagement avec Samidoun et les organisations concernant les prisonniers politiques palestiniens, et ils voulaient savoir si ma visite en Palestine avec quelque chose à voir avec Bilal Kayed en particulier, ce qui semblait préoccupé particulièrement l’enquêtrice israélienne », poursuit Kates. « En outre, à la lumière des récentes déclarations à propos de la ‘répression’ contre les militants BDS venant en Palestine, j’ai été interrogée tout spécialement sur quelles sont mes expressions et mes lectures concernant les boycotts, désinvestissements et sanctions contre Israël, sur mon soutien à l’appel au BDS et mon implication avec la Semaine de l’Apartheid israélien ».

« Ce n’est pas moi personnellement qui était visée ; c’était une tentative pour cibler le mouvement grandissant de la solidarité internationale lui-même en soutien aux prisonniers palestiniens et à la lutte du peuple palestinien, et aussi une tentative pour isoler davantage les prisonniers palestiniens des peuples du monde », dit Kates. « En outre, ce que j’ai connu en interrogatoires prolongés et en attentes pendant des heures au Pont est bien dérisoire à côté de ce que connaissent les Palestiniens qui se voient refuser leur droit fondamental à entrer dans leur propre patrie – déni qui s’inscrit dans celui de leur droit fondamental au retour – des Palestiniens qui sont soumis à des interrogatoires durs et à une expulsion, parce qu’ils détiennent des passeports internationaux, et à des traitements cruels et dégradants à la frontière ».

« Pendant le temps que j’ai passé au Pont, j’ai rencontré de nombreux Palestiniens qui faisaient face à des retards énormes et à des interrogatoires agressifs, des Palestiniens à qui il était interdit d’entrer dans leur propre patrie, et d’autres qui avaient des autorisations d’entrée avec des ‘accès limités’ qui leur interdisaient de se rendre à Jérusalem. J’ai rencontré une famille de Gaza ayant l’une de ces rares autorisations d’en sortir par le passage d’Erez-Beit Hanoun, puis par le Pont vers la Jordanie, pour aller voir des membres de leur famille. Parce qu’ils étaient allés étudier aux États-Unis et au Royaume-Uni, les gardes-frontières leur ont demandé pourquoi ils souhaitaient revenir à Gaza, plutôt que de rester dans un autre pays. Les contrôles et les interrogatoires aux frontières font partie du système israélien de colonisation et de dépossession visant à séparer les Palestiniens de leur pays et à chercher à contraindre encore plus de Palestiniens à rester hors de leur patrie. Cela s’intègre aussi dans ce même système qui dénie à des millions de Palestiniens leur droit au retour, et tente de poursuivre la Nakba sur une base constante », dit Kates.

« Dans le même temps, j’ai vu aussi que de nombreux détenteurs de passeports internationaux étaient pris pour cible du seul fait qu’ils avaient un nom visiblement d’apparence musulmane et arabe, ou fait des séjours dans des pays arabes, et ceux-là subissaient des interrogatoires dégradants et injurieux concernant leur religion et leurs relations personnelles » note Kates.

Après ce refus de la laisser entrer, Kates retourne à Amman où elle se rend à une tente de la solidarité avec Kayed, montée dans la cour du Parti de l’Unité populaire démocratique (le Parti Wihda) de Jordanie, et où plusieurs militants sont engagés dans des grèves de la faim en soutien à Kayed. Elle y prend la parole sur le mouvement international de solidarité avec les prisonniers palestiniens et le peuple palestinien dans son ensemble, et elle écoute les organisateurs palestiniens et jordaniens parler de la lutte en Jordanie ; Samidoun et les jeunes militants du Wihda y établissent de nouveaux projets pour des activités et des actions communes dans les jours, semaines et mois à venir.

De nombreux militants et voyageurs internationaux et Palestiniens possédant des passeports internationaux, quel que soit leur engagement politique et même s’ils n’en ont aucun, sont détenus au Pont et à l’aéroport Ben-Gourion, soumis à des interrogatoires intrusifs et abusifs, et interdits d’entrer en Palestine ou en sont expulsés. La pratique systématique du refus de l’entrée cible clairement les citoyens internationaux, palestiniens, arabes et musulmans, y compris les citoyens états-uniens, britanniques, européens, japonais et autres ayant droit à une exemption de visa ou à un visa immédiat à l’arrivée, sur la base de leur origine nationale, de leur ethnie et de leur religion, ou de leur identité religieuse telle qu’elle est perçue.

Début août, le gouvernement israélien, par le biais de son ministre de l’Intérieur, Aryeh Deri, et de son ministre à la Sécurité, Gilad Erdan, a annoncé que l’État créait un « groupe de travail » qui sera chargé d’identifier, expulser ou interdire l’entrée aux citoyens internationaux qui participent à des campagnes de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) en réponse à l’appel palestinien pour le BDS international contre Israël. Kates a été questionnée explicitement et à plusieurs reprises sur son implication publique dans l’organisation BDS, en plus des demandes pour qu’elle fournisse la liste des noms des personnes et organisations qui sont engagées dans les campagnes BDS.

Comme noté par Abdulrahman Abunahel, du Comité national palestinien du BDS, à propos de ce « groupe de travail », « cette dernière arme dans l’intensification de la guerre juridique, d’espionnage et de propagande d’Israël contre le mouvement BDS pour les droits des Palestiniens, est un formidable indicateur montrant comment le régime israélien d’occupation, de colonialisme de peuplement et d’apartheid, est devenu prêt à tout et irrationnel dans ses tentatives ratées d’entraver l’impressionnante croissance du mouvement BDS à travers le monde ».

Le Réseau Samidoun de solidarité avec les prisonniers palestiniens voit dans cet incident une tentative visant à miner la solidarité internationale avec Bilal Kayed, à ce moment d’une importance cruciale pour Kayed personnellement et pour les prisonniers palestiniens dans leur ensemble. Les refus de l’entrée et les expulsions ont été incapables d’empêcher la délégation d’aller de l’avant et de travailler à construire une solidarité et un soutien à Bilal Kayed, et incapables aussi de faire cesser la protestation internationale grandissante contre le racisme, l’oppression, l’emprisonnement et le colonialisme de peuplement par Israël. Nous exhortons à multiplier les délégations vers la Palestine occupée en soutien à Kayed et à tous les prisonniers palestiniens, et en soutien à la lutte du peuple palestinien pour sa libération.