L’AURDIP dénonce la censure d’un colloque scientifique sur la Palestine au Collège de France, annulé sous la pression du ministre de l’Enseignement Supérieur. Nous revenons sur cet événement grave pour la liberté académique et alertons sur les méthodes d’intimidation et de fichage mises en œuvre pour faire taire tout débat informé sur ce sujet.
Le Collège de France, par la voix de son administrateur, Thomas Römer, vient d’annuler un colloque sur « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines » sous la pression du ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste. Ce colloque présentait tous les critères de sérieux et de scientificité et un nombre important de spécialistes de l’histoire de la Palestine (dont le chef de l’État se flatte d’avoir œuvré à la reconnaissance en septembre dernier) devait y prendre la parole. Le colloque était co-organisé par un grand spécialiste du Proche-Orient, Henry Laurens, professeur au Collège de France et auteur, entre autres, d’une somme d’environ 3000 pages, en cinq volumes, sur l’histoire moderne de la Palestine. À l’heure où nous écrivons ces lignes (jeudi 13 novembre) et après une forte mobilisation du monde académique, les dommages sont patents : le colloque se tiendra en distanciel. Les conditions minimales d’un travail universitaire serein et de discussions de qualité ont volé en éclat sous la pression hâtive du ministère.
Cette annulation, avions-nous appris dès qu’elle avait été rendue publique, résultait d’une campagne de diffamation orchestrée par l’hebdomadaire Le Point et par un chantage au désordre public porté avec efficacité par la LICRA. Rien, à ce stade, n’était nouveau sous le soleil. Ce n’est pas la première fois que ceux qui sont à la tête des institutions académiques (Ministre, Présidents d’université, Doyens, Directeurs de grands établissements supérieurs), capitulent vite et bien devant les campagnes d’intimidation organisées par les relais d’Israël en France. Rappelons par exemple que l’argument, fallacieux en l’espèce, du pluralisme, évoqué par Philippe Baptiste, a été inventé par Monique Canto-Sperber il y a déjà près de vingt ans, lorsqu’il s’était agi d’interdire (illégalement, avant que n’intervienne le Conseil d’État), une conférence de Stéphane Hessel à l’École Normale Supérieure. La vieille ficelle sert donc toujours. L’AURDIP, depuis des années, a défendu la cause des institutions et des collègues universitaires visés et a documenté le déni de démocratie que l’on observe dans le monde académique lorsqu’il est question de relater des faits concernant la Palestine – que ce soit son histoire, son présent ou ses possibilités d’avenir.
Un article de Blast vient cependant donner à cette affaire presque banale – même si elle dépasse toutes les autres en raison de l’ampleur et de l’intérêt du colloque prévu – un tour nouveau. On y découvre le rôle important joué par le Réseau de Recherche sur le Racisme et l’Antisémitisme (RRA), regroupant une centaine d’universitaires assez obscurs (aucun véritable savant parmi eux), dont certains, semble-t-il, étaient à la manœuvre pour discréditer l’événement du Collège de France et ses participants. Nous lisons, entre autres citations édifiantes :
« Je souhaite constituer un petit groupe de volontaires pour travailler sur l’épluchage des bios de ces intervenants. Il faut du pédigrée et du verbatim, et constituer la revue de presse accablante que cet aréopage mérite. Merci de me contacter si vous souhaitez réfléchir et mettre en œuvre, rapidement, ce travail de salubrité publique. Bien à vous, Emmanuel Debono. »
Passons sur le lexique de l’hygiénisme politique (« salubrité publique »), sur la phraséologie de barbouze (« un petit groupe de volontaires », « Il faut du pédigrée et du verbatim »), sur la volonté d’écrabouiller l’adversaire intellectuel devenu ennemi politique (« accablante »). Il n’y aurait encore là que du verbiage viriliste. En revanche, le programme qui se dessine derrière l’« épluchage des bios », inquiète, en particulier dans un contexte tendu où tout peut entraîner l’accusation d’apologie du terrorisme. Et, même avant d’en arriver là, il s’agit d’une importation inédite des méthodes des Renseignements Généraux dans le cercle de la controverse académique, pour faire taire le discours informé sur la Palestine et pour discréditer, salir, voire détruire, celles et ceux qui le tiennent.
Le danger, au bout du compte, est bien là : l’extrême-droite, si elle venait à s’emparer du pouvoir, saurait mettre à profit les fiches constituées par cette camarilla d’universitaires et de journalistes médiocres pour restaurer la « salubrité » des campus universitaires. Dans ces conditions, l’AURDIP réitère plus que jamais son soutien total aux participantes et aux participants du colloque du Collège de France visés par le « Réseau de Recherche sur le Racisme et l’Antisémitisme ». Notre association se tient aux côtés de celles et ceux qui défendent la liberté – celle des peuples bien sûr, mais aussi des chercheur.e.s que leur souci de vérité expose aujourd’hui à la vindicte des idéologues.
