L’université de l’Illinois confrontée à un boycott grandissant contre le renvoi d’un professeur américain palestinien

L’université de l’Illinois à Urbana-Champaign (UIUC) fait face à un boycott grandissant de la part d’éducateurs indignés devant le brusque renvoi de Steven Salaita, apparemment pour ses critiques d’Israël. Même….

L’université de l’Illinois à Urbana-Champaign (UIUC) fait face à un boycott grandissant de la part d’éducateurs indignés devant le brusque renvoi de Steven Salaita, apparemment pour ses critiques d’Israël.

Même si aucun des éducateurs n’utilise le mot « boycott », on peut dire que c’est bien le sens de leur action.

Certains disent qu’ils ne viendront pas sur le campus pour donner des cours ou des conférences, pendant que d’autres vont jusqu’à dire qu’ils ne participeront à aucun processus d’examen et de titularisation ni n’accepteront de poste en qualité d’enseignant invité.

La semaine dernière, il a été su que le président de l’UIUC, Phyllis Wise, avait renvoyé brusquement Salaita quelques semaines seulement avant que celui-ci ne prenne ses fonctions dans un poste permanent d’enseignant, dans le cadre du Programme d’études sur les Indiens d’Amérique.

Ni l’université, ni Salaita, n’ont fait de commentaires publics.

Salaita a été pris pour cible par des organisateurs et des sites anti-palestiniens en raison de son soutien ostensible au boycott des institutions universitaires israéliennes complices des crimes contre les Palestiniens.

La décision de Wise a suscité une vaste et puissante condamnation de la part d’éminents universitaires, de l’Association américaine des professeurs d’universités, et des propres collègues de Salaita à l’UIUC.

Tous, ils ont demandé à l’université de revenir sur une décision jugée comme une violation des principes fondamentaux et établis de longue date de la liberté universitaire et de la libre expression.

Aller plus loin

Mais aujourd’hui, des dizaines d’universitaires vont plus loin, disant qu’ils vont s’abstenir de venir à l’UIUC ou de participer à ses autres activités tant que Salaita ne sera pas intégré.

Elaine Freedgood, professeure d’anglais à l’université de New York, a pris l’initiative d’une lettre adressée à Wise qui a été publiée sur le blog du professeur de sciences politiques Corey Robin, du Brooklyn College. La lettre débute comme suit :

« Nous sommes membres de Départements d’anglais dans le monde entier et nous vous écrivons, avec regret, pour vous informer que nous ne prendrons aucun engagement avec l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign en qualité d’intervenants ou de participants à des conférences ou autres évènements, ou en qualité d’examinateurs pour la titularisation et la promotion de votre corps enseignant, tant que vous n’aurez pas annulé votre décision de bloquer la nomination du professeur Steven Salaita au Département d’études sur les Indiens d’Amérique à l’université de l’Illinois à Urbana Champaign. »

Jusqu’à présent, selon Robin, une cinquantaine d’éducateurs a signé.

Une deuxième déclaration prend une position plus nuancée, n’engageant les signataires que pour s’abstenir de se rendre sur le campus de l’UIUC :

« Nous soussignés ne nous rendrons pas sur le campus de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaing tant que le professeur Salaita ne sera pas intégré dans le poste qui lui a été proposé par la faculté et qu’il a accepté en confiance. »

Cette déclaration est diffusée parmi les professeurs de sciences politiques par Joseph Lowndes de l’université de l’Oregon, et parmi les professeurs de philosophie par le président du Département d’études françaises John Protevi, à l’université d’État de Louisiane.

Trente professeurs de philosophie, de grandes institutions d’Amérique du Nord et d’Europe, ont déjà signé la déclaration postée sur le blog de Protevi.

Une troisième lettre, signée par plus de deux douzaines « d’universitaires américains s’étant déjà rendus en Palestine », prévient que le renvoi abusif de Salaita « au motif de ses actes de langage, en particulier de ceux prononcés en dehors de son activité professionnelle, augure d’un avenir très sombre pour la liberté universitaire. » La lettre poursuit :

« Nous sommes alertés par cette marche arrière et nous devons, maintenant, chacune et chacun d’entre nous, réévaluer tous nos engagements pris de participer à des activités d’érudition avec l’université de l’Illinois-Urbana Champaign. Beaucoup d’entre nous ont des relations de longue date avec l’UIUC, ses centres de recherche, ses programmes universitaires, son corps enseignant et ses étudiants, mais nous n’accepterons aucune invitation à des conférences, aucun statut de personnes invitées, aucun engagement à d’autres activités contribuant à la marche normale de l’institution, jusqu’à ce que le poste du Dr Salaita soit rétabli. Et nous encouragerons les autres à faire de même. »

« Une décision manifestement inacceptable »

Protevi, précisant qu’il intervenait à titre personnel, a déclaré à The Electronic Intifada qu’ « il n’y a eu aucune expression publique de la part de l’UIUC malgré des milliers de courriels, aussi cette mesure est indispensable pour faire monter la pression afin que l’université revienne sur sa décision manifestement inacceptable » de virer Salaita.

« Nos actions sont motivées par la défense de la liberté universitaire » a ajouté Protevi. « Le juridisme étroit utilisé pour différencier « renvoi » de « non embauche » de Salaita sonne creux. »

Salaita a été embauché pour un poste permanent, et Protevi a indiqué que les enseignants permanents ne représentent qu’un quart des professeurs dans les universités US.

Mais, a-t-il argué, les protections contre les licenciements pour motifs politiques dont les enseignants titulaires sont censés bénéficier doivent être applicables à tous.

« La liberté universitaire doit être étendue à tous les membres des universités, indépendamment de leur statut contractuel, » a-t-il dit. « Je ne pense pas que quiconque doive être licencié simplement pour s’être exprimé sur des questions politiques ».

Conséquences systémiques

Pour Protevi, le renvoi de Salaita est susceptible d’avoir des conséquences systémiques étendues : les professeurs titulaires pourraient devenir plus réticents à changer d’emploi. Et pour ceux qui le feraient, le processus pourrait prendre beaucoup plus de temps, les professeurs n’étant pas disposés à démissionner du poste qu’ils occupent tant que leur nouvelle affectation n’aura pas obtenu toutes les approbations définitives.

« Si le renvoi de Salaita est maintenu, cela créera un précédent qui rendra réellement risqué d’accepter un poste sur une base exigeant la démission du poste occupé avant que les administrateurs de l’institution recruteuse n’aient approuvé la nouvelle nomination », a fait remarquer un blog universitaire.

Prise de vitesse

Corey Robin, du Brooklyn College, a proposé dans une publication du 8 août que les déclarations des éducateurs affirmant qu’ils s’abstiendraient de venir à l’UIUC constituent « une nouvelle étape puissante de la campagne pour la réintégration de Steven Salaita. »

Sa suggestion semble avoir été rapidement partagée.

Plusieurs personnes se sont déjà publiquement engagées à une telle action juste au moment où la campagne plus large se mettait à prendre de la vitesse.

Dans un envoi du 7 août, sur sa page Facebook, le professeur de sciences humaines Bruce Robbins, de l’université de Columbia, a dit qu’il refusait une invitation à l’UIUC pour la projection de son film, Some of My Best Friends are sionists (Certains de mes meilleurs amis sont sionistes) à cause du renvoi abusif de Salaita.

L’éminent professeur d’histoire Robin D. G. Kelley, de l’université de Californie à Los Angeles, qui est l’auteur de Thelonious Monk : The Life and Times of an American Original (Thelonious Monk : la vie et l’époque d’un original américain), a écrit à Wise, déplorant la décision de congédier Salaita qu’il pense être le résultat de pressions de la part d’organisations pro-Israël.

« Si nous ne parvenons pas à vous persuader des raisons morales, éthiques, intellectuelles et juridiques pour lesquelles vous devez faire marche arrière », écrit Kelley à Wise, « je ne peux en bonne conscience mettre les pieds sur votre campus aussi longtemps que vous maintiendrez votre position en tant que président. Et je vais encourager mes collègues à faire de même. »