Jeremy Corbyn soutient le boycott des universités israéliennes impliquées dans la recherche en armement

Jeremy Corbyn, le favori surprise pour l’élection de la direction du Parti travailliste du Royaume-Uni, dit vouloir imposer un embargo sur les armes dans les deux sens sur Israël s’il….

Jeremy Corbyn, le favori surprise pour l’élection de la direction du Parti travailliste du Royaume-Uni, dit vouloir imposer un embargo sur les armes dans les deux sens sur Israël s’il devient Premier ministre en 2020.

Lors d’un entretien avec The Electronic Intifada, le député du Parlement pour Islington, dans le centre de Londres, a approuvé les éléments essentiels de la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre Israël.

Corbyn parraine la Campagne de solidarité avec la Palestine et il est réputé soutenir activement les droits palestiniens.

Il a déclaré à The Electronic Intifada que son implication dans le mouvement avait décollé après son entrée au Parlement en 1983. Il s’est rendu en Palestine neuf fois, ainsi que dans des camps de réfugiés au Liban et en Syrie.

Corbyn a bien insisté sur le fait que le droit des Palestiniens au retour était « la clé » de la solution.

Et d’ajouter que les universités israéliennes impliquées dans la recherche en armement devaient être boycottées.

Corbyn, dont la popularité dans les masses a provoqué la panique dans l’establishment du Labour, a dit qu’il abandonnerait la stratégie Prevent « antiterroriste », une stratégie controversée du gouvernement. Et dont les détracteurs soulignent le ciblage fréquent de musulmans britanniques pour des prises de parole légitimes.

Embargo sur les armes

« Je pense que nous devons faire pression avec force pour limiter les livraisons d’armes », dit Corbyn, ajoutant que selon lui, Israël « viole » les clauses relatives aux droits de l’homme dans l’Accord commercial UE-Israël.

« Israël est après tout confronté à une enquête… pour crimes de guerre, tout comme les forces du Hamas mais à une moindre échelle et différemment », dit Corbyn. « Je pense que devrions être très prudents s’agissant des fournitures d’armes en de telles circonstances ».

Le gouvernement conservateur actuel a récemment annoncé avoir terminé un réexamen des licences d’armes pour Israël, commencé durant l’agression de l’été 2014 contre Gaza.

« Il est certain que la trajectoire du gouvernement conservateur débouche sur l’approbation de la poursuite des ventes d’armes » dit Corbyn.

Mais il avance des raisons largement suffisantes pour agir, notamment qu’Israël « poursuit l’emprisonnement d’enfants (palestiniens), de parlementaires élus, l’expulsion des demandeurs d’asile africains hors d’Israël, et, bien sûr, le siège de Gaza, refusant d’y permettre toute reconstruction ».

Il évoque également la colonisation toujours en cours de la Cisjordanie par Israël, et que celui-ci « essaye toujours de vendre, sur les marchés occidentaux, les produits des colonies comme s’ils étaient des produits israéliens, alors qu’ils ont été déclarés totalement illégaux par l’Union européenne ».

« Un processus de paix verra le jour quand Israël comprendra qu’il n’existe aucune solution militaire », dit Corbyn, et un tel processus devra intégrer le Hamas.

Il a également demandé que quatre usines, filiales de la firme d’armement israélienne Elbit au Royaume-Uni, soient transformées pour un usage civil.

Les militants de la campagne ont récemment bloqué ces usines, exigeant leur fermeture. L’une d’elle, UAV Engines Limited, fabrique des moteurs de drones pour Elbit. « Je m’oppose à ce qu’on utilise les drones », dit Corbyn.

Au lieu de licencier les travailleurs des usines d’armement, Corbyn préconise de les former à d’autres objectifs, pour l’aviation civile par exemple, avec le soutien d’une banque d’investissement nationale.

Un boycott académique « compliqué »

Il approuve également le boycott des produits des colonies israéliennes.

Sur la campagne BDS au sens plus large, Corbyn dit que le boycott académique est très « compliqué » à mettre en œuvre sans, par exemple, empêcher les dissidents israéliens, tel Ilan Pappe, de venir prendre la parole au Royaume-Uni.

« Si une université procède à des recherches sur les drones, les Taser, ou à des recherches en matière de surveillance pour l’occupation dans Gaza ou ailleurs, alors elle doit être incluse dans le boycott » dit-il.

Mais il dit qu’il soutient « le dialogue » avec les « universitaires ».

Cependant, les lignes directrices publiées par PACBI – Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel – n’excluent en aucune manière que des gens comme Pappe, qui ne représentent pas une institution académique boycottable, puissent prendre la parole.

Corbyn se dit peu familier avec les lignes directrices et il va les étudier.

Une Corbynmania

Corbyn est entré en campagne pour l’élection de la direction en juin, assurant le nombre requis de candidatures de ses collègues au Parlement pile deux minutes avant l’heure limite.

Au début, il était considéré comme le candidat symbolique de gauche, avec trois rivaux s’identifiant davantage à la droite du parti.

Mais les deux derniers mois ont vu l’explosion de ce que les médias appellent la « Corbynmania ».

Il a fait salle comble dans ses réunions dans tout le Royaume-Uni, avec des fans faisant l’éloge de son style effacé et inclusif.

La campagne de Corbyn a été stimulée par une vague de jeunes, payant 3 livres pour s’engager comme sympathisants du Parti travailliste, avec un droit de vote pour l’élection qui doit se tenir mi-août. Le résultat sera connu le 12 septembre.

Il y a une touche de Barack Obama 2008 dans sa campagne, quelque chose que son équipe a repris, avec malice, en jouant ironiquement avec son surnom : « Jez We Can ».

Corbyn a maintenant dépassé ses rivaux dans les derniers sondages d’opinion.

Il a aussi obtenu la plupart des candidatures du Parti travailliste, ce qui révèle bien le sentiment de la population.

Il est officiellement soutenu par plusieurs syndicats, et notamment par les deux plus importants du Royaume-Uni, Unite et Unison.

Liz Kendall, la candidate de droite jugée très proche de l’ancien Premier ministre, Tony Blair, devrait finir bonne dernière.

Si les sondeurs se sont révélés de bien peu fiables prévisionnistes aux dernières élections britanniques, ce serait un revirement spectaculaire de situation que l’un des députés les plus à gauche du Parti travailliste soit élu à la direction du Parti, revenant sur des politiques comme par exemple remettre les chemins de fer et d’autres services au sein de la propriété publique, supprimer les frais de scolarité introduits par Blair et s’opposer à l’arme nucléaire.

Parler avec le Hamas

Corbyn a longtemps soutenu que le Royaume-Uni devait parler avec le Hamas dans le cadre du « processus de paix ».

La presse l’a récemment cloué au pilori pour s’être référé à des représentants du Hamas et du Hezbollah, parti politique et organisation de résistance libanais, à qui il avait été refusé l’entrée au Royaume-Uni, comme à des « amis ».

« Certains de nos médias préfèrent ne pas s’engager sur des questions majeures et graves, préférant se lancer çà et là dans des propos passionnels », dit-il, répondant à ses critiques.

« Il doit y avoir des discussions, il doit y avoir des négociations avec les forces palestiniennes, comme avec les forces israéliennes », dit-il. « Cela veut dire discuter avec le Hamas, cela veut dire discuter avec le Hezbollah – est-ce que cela signifie que vous êtes d’accord avec ce qu’ils disent sur les questions sociales, sur la peine de mort ? Non, et vous pouvez leur faire clairement entendre dans la discussion ».

« Mais la réalité est qu’ils représentent une tendance extrêmement large de l’opinion palestinienne – si vous ne les impliquez pas, vous ne parviendrez pas à un accord » ajoute-t-il.

Corbyn note aussi qu’autrefois, il avait été vu comme un anathème pour le Royaume-Uni de parler avec le Sinn Féin, le parti politique associé à l’Armée républicaine irlandaise. Il a également été pris à partie dans les années 1980 pour avoir introduit le dirigeant du Sinn Féin, Gerry Adams, à l’intérieur du Parlement britannique, pour des entretiens.

Récemment, Adams a rencontré Corbyn en visite de retour au Parlement, mais cette fois, c’était après qu’Adams et ses collègues s’étaient rendus au 10 Downing Street, pour des discussions avec le Premier ministre David Cameron.

Corbyn souligne que même les anciens chefs des renseignements israéliens pensent qu’Israël devrait négocier avec le Hamas – quelque chose qu’il a déjà fait, quoique indirectement, au cours des échanges de prisonniers et des cessez-le-feu à Gaza.

La stratégie Prevent, anti-terreur, source de discorde

Corbyn a également mis en doute la stratégie controversée Prevent « anti-terreur ».

Officiellement conçue comme un moyen d’éloigner les gens de la propagande et des groupes extrémistes, tel l’État islamique (connu aussi sous les noms d’ISIS ou ISIL), cette politique, selon les critiques de Prevent, est beaucoup plus insidieuse et pourrait même, par inadvertance, venir en aide aux groupes comme ISIS pour leur recrutement.

En juillet, un article d’Al Jazeera (en anglais) révélait qu’un écolier britannique iranien avait été déféré au programme Prevent, âgé de seulement 15 et qualifié d’ « extrémiste », pour avoir porté un badge « Palestine libre ». Une brochure encourageant au boycott d’Israël a été jugée par la police comme constituant la preuve d’une opinion « assimilable à du terrorisme ».

Prevent « doit être repensé complètement » dit Corbyn. « Cette exigence de faire surveiller les enfants musulmans par les enseignants… signifie qu’ils posent un problème s’ils ne signalent pas ce qui est concevable de considérer comme de l’extrémisme ».

Pour Corbyn, un étudiant en secondaire rédigeant un mémoire sur l’histoire du Moyen-Orient peut avoir besoin de chercher le mot « Intifada », parce que « c’est un mot qui est au cœur de l’histoire du peuple palestinien et de ses relations avec Israël ». Mais il est prévenu qu’en « tapant le mot « Infitada » dans son moteur de recherches, il risque d’être considéré comme un terroriste, simplement parce qu’il travaille sur l’Intifada – c’est une absurdité ».

Corbyn défend une démarche qui favorise la « cohésion et la cohérence dans notre société, en opposition absolue à l’islamophobie, l’antisémitisme ou le racisme sous toutes leurs formes », plutôt que de cibler la communauté musulmane et de dire qu’elle seule pose problème ».

Un seul État ?

Qu’en est-il de la solution à long terme ? Une sorte quelconque d’arrangement pour un État unique démocratique est-elle inévitable en Palestine ?

« Je pense qu’il revient à la population de la région de décider quel sera le genre de solution à long terme » argue Corbyn.

« Pour le moment, le seul choix offert, c’est la possibilité d’une solution à deux États » dit-il. Mais, « il est difficile de voir comment cela pourra fonctionner avec l’importance des colonies qui sont présentes. Il y a un demi-million de personnes qu’Israël aura à évacuer des colonies ».

Corbyn a une analyse intéressante : « Les trois secteurs de la Palestine sur lesquels il faut se pencher sont : un, les colonies et l’occupation de la Cisjordanie ; deux, le siège de Gaza, et trois, la question des réfugiés de la quatrième génération qui vivent dans les camps au Liban et dans quelques-uns encore en Syrie. Ils méritent que leurs droits soient respectés aussi, ils méritent leur droit à revenir chez eux ».

Ainsi donc, il soutient le droit au retour des réfugiés palestiniens ? « Oui, je le soutiens. Parce que ça doit être la clé. Qu’ils veuillent revenir ou non est une autre affaire. Les droits doivent être effectifs. »

Et de conclure : « Peut-il y avoir un règlement ? Oui, je pense qu’il peut y en avoir un ».