Les transferts d’armes par les États-Unis à Israël constituent des actes illicites selon le droit international

(Washington, 26 août 2025) – Des membres du personnel militaire des États-Unis risquent d’être tenus responsables d’assistance aux forces israéliennes commettant des crimes de guerre à Gaza, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
La participation directe des forces américaines aux opérations militaires à Gaza depuis octobre 2023, notamment en fournissant des renseignements utilisés pour des frappes israéliennes et en soutenant de manière approfondie la coordination et planification de certaines opérations, signifie que les États-Unis sont devenus une partie au conflit entre Israël et les groupes armés palestiniens. En tant que partie belligérante, les forces américaines pourraient être tenues conjointement responsables de leur participation aux violations des lois de la guerre commises par les forces israéliennes, et des membres du personnel américain impliqués dans ces violations risquent d’être tenus individuellement responsables de crimes de guerre.
« La participation directe des États-Unis à des opérations militaires menées par les forces israéliennes à Gaza signifie qu’en vertu du droit international, les États-Unis sont devenus une partie à ce conflit armé, et continuent de l’être », a déclaré Sarah Yager, directrice du bureau de Washington de Human Rights Watch. « Le personnel militaire américain, les professionnels du renseignement et les sous-traitants qui aident les forces israéliennes à commettre des crimes de guerre risquent à l’avenir de faire l’objet de poursuites pénales pour des atrocités commises à Gaza. »
En vertu du droit international humanitaire, les hostilités en cours entre Israël et les groupes armés palestiniens à Gaza constituent un conflit armé non international. Le droit international ne définit pas de critères spécifiques pour déterminer à quel moment un pays qui aide un autre pays dans un conflit armé non international devient lui-même partie à ce conflit, mais la participation directe à des opérations de combat en est clairement un exemple.
Des responsables américains ont indiqué que depuis le début des hostilités entre les groupes armés palestiniens et Israël le 7 octobre 2023, les États-Unis ont transmis à Israël de nombreux renseignements qui ont ensuite été utilisés pour frapper des cibles à Gaza ; en particulier, les États-Unis ont participé de manière approfondie à la coordination et planification par les forces israéliennes, y compris par le biais de la collecte de renseignements, d’opérations ciblant des dirigeants du Hamas.
Le gouvernement américain, sous les administrations Biden et Trump, a publiquement indiqué que les États-Unis étaient impliqués dans les hostilités. Le 17 octobre 2024, Joe Biden, alors président, a déclaré avoir « ordonné au personnel des opérations spéciales et à nos professionnels du renseignement de travailler aux côtés de leurs homologues israéliens pour aider à localiser et traquer [Yahya] Sinwar et d’autres dirigeants du Hamas cachés à Gaza. Avec notre aide en matière de renseignement, les Forces de défense israéliennes ont poursuivi sans relâche les dirigeants du Hamas. » Le 18 mars 2025, suite à des frappes aériennes israéliennes menées à Gaza, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré aux médias que « l’administration Trump et la Maison Blanche ont été consultées par les Israéliens au sujet de leurs attaques à Gaza ce soir ». Selon le ministère de la Santé de Gaza, cité par l’ONU et par une ONG, plus de 400 personnes – principalement des enfants et des femmes – ont été tuées cette nuit-là.
En vertu du droit international humanitaire, chaque partie à un conflit armé a l’obligation de respecter les lois de la guerre, et d’assurer le respect de ces lois par ses forces armées et par d’autres forces agissant sous son commandement ou contrôle. Les gouvernements doivent exercer leur influence, dans la mesure du possible, pour mettre fin aux violations des lois de la guerre, enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par leurs forces et poursuivre les responsables de manière appropriée.
Depuis le début des hostilités, les forces israéliennes ont commis à Gaza des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes de génocide. Depuis l’entrée en fonction du président américain Donald Trump en janvier dernier, son administration s’est abstenue de faire pression sur Israël pour mettre fin aux violations des lois de la guerre ; au lieu de cela, elle a émis des déclarations soutenant des actes illégaux commis par les forces israéliennes, ou pris des mesures la rendant complice de tels actes.
S’exprimant au sujet de Gaza le 25 janvier, le président Trump avait proposé de « nettoyer tout cela » (« just clean out that whole thing »), cautionnant un projet de déportation forcée massive de la population palestinienne de Gaza [vers l’Égypte ou la Jordanie] ; toutefois, un tel déplacement constituerait un crime de guerre, un crime contre l’humanité et une forme de nettoyage ethnique.
L’administration Trump a pleinement soutenu la Fondation humanitaire pour Gaza (Gaza Humanitarian Foundation, GHF), dont les opérations de distribution d’aide ont toutefois fréquemment fait des victimes. La GHF est cogérée par deux entreprises privées américaines, engagées en tant que sous-traitants, et affirme mener ses opérations de manière indépendante vis-à-vis de tout gouvernement. Mais à plusieurs reprises, les forces israéliennes ont ouvert le feu sur des civils palestiniens cherchant de l’aide sur les sites de la GHF, faisant des centaines de victimes ; certains incidents ont constitué des crimes de guerre.
Outre leur participation au conflit, les États-Unis sont responsables, en vertu du droit international, de certains « faits internationalement illicites ». En 2001, la Commission du droit international (International Law Commission, ILC), un organe d’experts des Nations Unies chargé de promouvoir le développement du droit international, a adopté le Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite (en anglais «Draft Articles on State Responsibility for Internationally Wrongful Acts »). Ce texte est largement reconnu comme reflétant le droit international coutumier ; selon l’Article 16 du Projet, un État qui « aide ou assiste un autre État dans la commission [d’un] fait internationalement illicite […] en connaissance des circonstances » est considéré comme « responsable » en vertu du droit international.
Les Commentaires de la Commission relatifs à l’Article 16 précisent que la responsabilité d’un État peut être engagée si son aide contribue « de façon significative » à la commission par un autre État d’un « fait internationalement illicite », notamment s’il fournit une « aidematérielle » utilisée par l’autre État pour commettre des violations des droits humains. La vente et la fourniture d’armes effectuées en « connaissance des circonstances du fait internationalement illicite » en sont un exemple, selon l’Article 16.
Or, les administrations Biden et Trump ont toutes deux autorisé des ventes d’armes à Israël et fourni diverses formes d’aide sécuritaire, à une échelle massive. Entre octobre 2023 et mai 2025, les États-Unis ont transféré à Israël des armes d’une valeur d’au moins 4,17 milliards de dollars, selon une étude du Security Assistance Monitor, publiée par le Centre de politique internationale (Center for International Policy), un centre de recherche indépendant. En avril 2025, selon des données du Département d’État américain citées par cette étude, 751 contrats de ventes d’armes ou d’équipement militaire à Israël, d’une valeur de 39,2 milliards de dollars, étaient répertoriés dans le cadre du programme Foreign Military Sales (FMS) géré par l’agence DSCA, qui fait partie du Département de la Défense. Ces contrats ont été approuvés en dépit de la publication d’informations sur les violations graves et répétées des lois de la guerre, dont des crimes de guerre, commises par les forces israéliennes,
En décembre 2023, le président Biden avait dénoncé certains « bombardements indiscriminés » menés par Israël, mais son administration a poursuivi son assistance militaire à ce pays ; en 2024, les États-Unis ont fourni à Israël une aide militaire évaluée à au moins 17,9 milliards de dollars. En mars 2024, les États-Unis ont approuvé plus de 100 ventes de matériel militaire à Israël, dont des milliers de bombes de petit diamètre, des munitions à guidage de précision, des bombes anti-bunker, ainsi que d’autres munitions et matériels. Début janvier 2025, peu avant la fin du mandat du président Biden, son administration a informé le Congrès de son projet de vendre à Israël des armes supplémentaires, d’une valeur estimée à 8 milliards de dollars.
L’administration Trump a renforcé ce soutien militaire à Israël, notamment en autorisant la livraison d’une cargaison de bombes de 900 kg que l’ex-président Biden avait temporairement suspendue. Le 1er mars 2025, le Secrétaire d’État américain Marco Rubio a confirmé que l’administration Trump avait approuvé les ventes d’armes d’une valeur de près de 12 milliards de dollars à Israël, et qu’il (Rubio) avait utilisé des « pouvoirs d’urgence » pour accélérer la livraison d’une première partie de cette aide militaire, évaluée à environ 4 milliards de dollars.
Précédemment, Human Rights Watch, Amnesty International, et divers médias dont le New York Times, le Washington Post, AFP, CNN (ou encore ici) et NPR ont identifié certaines armes américaines utilisées lors d’attaques israéliennes.
Le transfert d’armes par le gouvernement américain à Israël, qui a ensuite utilisé ces armes à plusieurs reprises pour commettre des crimes de guerre apparents, a rendu les États-Unis complices de leur utilisation illégale.
Human Rights Watch appelle depuis longtemps les États-Unis et d’autres gouvernements à faire davantage pour empêcher de nouvelles atrocités commises par le gouvernement israélien, notamment en mettant fin aux ventes d’armes et à l’assistance militaire fournies à ce pays, en imposant des sanctions ciblées aux responsables israéliens suspectés de violations, et en suspendant certains accords commerciaux préférentiels.
« Selon le droit international, un pays est considéré comme légalement complice lorsqu’il aide sciemment une autre nation à commettre de graves violations des lois de la guerre et d’autres abus », a conclu Sarah Yager. « Les citoyens américains devraient savoir que les armes américaines fournies à Israël facilitent directement les atrocités à Gaza, impliquant profondément les États-Unis dans les violations des lois de la guerre que Human Rights Watch et d’autres organisations documentent. »