Enquête sur l’université de Haïfa et son traitement des étudiants Palestiniens : Une chronique de discrimination et de racisme

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Amal Ziyade | Baladna Association for Arab Youth | 7 Janvier 2011 |

Le « campus », en tant qu’espace physique des institutions académiques, est le centre premier de la vie étudiante. La vie du campus, non limitée à l’enseignement, est une chance unique d’acquérir le capital humain, si central pour tenter d’influencer la sphère publique et les luttes sociales. Grâce aux valeurs des libertés universitaires, l’université offre à ses étudiants une large base de libres activités. Un rappel historique indique aisément que d’innombrables mouvements sociaux étudiants ont grandement influencé des questions tant locales que générales. C’est cette liberté socio-académique offerte par
une université qui permet aux étudiants de devenir des leaders influençant la sphère publique, même après la fin de leurs études.

En Israël, les circonstances actuelles ne passent guère inaperçues et l’activisme étudiant a largement eu lieu, menant à des mouvements sociaux et politiques importants en de multiples occasions. Pour tous ces mouvements, l’administration des campus offrit à ces activités une grande sphère de liberté. Cependant, lorsqu’il s’agit des étudiants Palestiniens, l’accès à une telle liberté sociopolitique se présente différemment. Depuis les débuts de l’établissement d’Israël, les différents gouvernements ont considéré l’éducation de sa minorité palestinienne comme un outil pouvant potentiellement accroître la menace sécuritaire par sa seule existence. David Ben Gourion, le premier Premier ministre d’Israël, connu pour ses efforts pour maintenir un large fossé entre les citoyens Palestiniens et juifs (afin de neutraliser la menace arabe) disait dans son discours que si le nombre des étudiants Arabes inscrits aux universités et aux grandes
écoles augmente, certains éléments changeront dans la population, les rendant plus forts que ses citoyens juifs.(1)

On peut trouver une attitude similaire vis-à-vis des citoyens Palestiniens d’Israël parmi d’autres décideurs, tel Uri Lubrani, un conseiller de l’ancien Premier ministre. D’après Haaretz, Lubrani a dit que : «Ce serait peut-être mieux s’il n’y avait pas d’étudiants Arabes. Si les Arabes restaient des bûcherons, il serait beaucoup plus facile pour nous de les contrôler, mais certaines choses ne dépendent pas de nos volontés ».(2) Il n’est pas surprenant que de telles attitudes et opinions ségrégationnistes aient infiltré de facto les couloirs des campus.

L’attitude d’Israël envers ses citoyens Palestiniens dans la deuxième décennie suivant sa création est analysée en détail dans la thèse de Yaier Boimel. Dans un chapitre de son travail, Boimel décrit une longue chronologie de manifestations ayant eu lieu contre le racisme envers les étudiants Palestiniens. Parmi d’autres sujets, Boimel met l’accent sur la difficulté de s’inscrire aux universités, obtenir un logement, des bourses et du travail. Le professeur explique que les conséquences d’une telle discrimination sont bien visibles quand on regarde le nombre des diplômés de l’université. Entre 1961 et 1971, par exemple, seules 328 étudiants Arabes ont reçu un diplôme, soit 0,09 % de la population, comparé à 13 % pour les diplômés universitaires juifs pendant la même décennie.(3) Notamment, dans plusieurs cas ce ratio a été imposé en accord avec le Shabak, comme la recherche de Boimel le mentionne ci-dessous :

« Quand l’université de Haïfa refusa d’accepter Mohammed Miyari dans son personnel enseignant en 1970 suite aux recommandations du Shabak, cela devint une affaire publique. Le recteur adjoint de l’université de Haïfa, Binyamin Aktsin, justifia la consultation du Shabak en disant que les Arabes d’Israël vivent une crise d’identité face au choix de la loyauté envers l’État d’Israël ou les Etats arabes ennemis voisins. Ceci conduit à des précautions supplémentaires quand on embauche des Arabes, même s’ils n’ont pas de convictions préalables et que leur casier est vierge ».(4)

Boimel cite d’autres chercheurs pour illustrer des limitations additionnelles de la liberté d’expression pour les étudiants Palestiniens dans les universités israéliennes. Ils établirent qu’à cause de la peur des étudiants Palestiniens politiquement organisés, l’administration attribue à chacun d’eux un agent de sécurité travaillant étroitement avec le Shabak (en liaison avec l’université) dans les relations avec ces étudiants.(5)

Si de tels rapports sont bien soutenus par des preuves substantielles, il devient alors clair que la façon dont les universités israéliennes traitent les étudiants Palestiniens est ouvertement discriminatoire sur la base de la croyance que cette minorité constitue une menace sécuritaire potentielle. La liberté académique et l’espace de liberté qui caractérisent les campus universitaires dans le but de faire éclore une vie étudiante saine sont par conséquent limités pour les étudiants Palestiniens uniquement à cause de leur appartenance ethnique.

Sur la base de ces faits, on peut raisonnablement se demander si un tel comportement discriminatoire continue d’être un problème dans les campus universitaires et c’est cette question qui sera traitée en profondeur dans ce document. Via l’analyse de récentes études de cas concernant des actions discriminatoires envers les étudiants Palestiniens, cette étude portera particulièrement sur la réalité de l’université de Haïfa, qui compte le
plus grand nombre d’étudiants Palestiniens depuis le début des années 1970.

Ce rapport a été rédigé par Baladna Association for Arab Youth, une ONG traitant
principalement de l’émancipation des jeunes dirigeants Palestiniens, qui considère
l’action étudiante comme vitale à la promotion de cette direction. Le rapport est basé sur le nombre croissant de plaintes pour discrimination affectant tous les aspects de la vie. Il est nécessaire d’examiner s’il s’agit de cas isolés de discrimination ou s’ils font partie d’une politique d’Etat.

Le but de ce document est de renforcer l’action et d’encourager un débat public sur les questions de la liberté d’expression et de l’existence d’une tribune pour la liberté académique pour des étudiants Palestiniens. Un tel débat devrait avoir lieu entre les autorités universitaires, le corps enseignant, et le public israélien en général.

Comme mentionné plus haut, l’accent portera surtout sur l’université de Haïfa. Une
recherche ultérieure sur le même sujet dans des publications futures devrait inclure d’autres établissements d’éducation supérieure.
Le document couvrira les aspects suivants :

Le campus en tant que plateforme pour la liberté d’expression et l’action publique : ce chapitre examinera d’abord les procédures existantes dans l’université concernant toute action politique ou publique dans laquelle s’engagent les étudiants. Ensuite, l’accent sera mis sur la réponse de l’université aux actions et activités dans lesquelles ont pris part des étudiants Arabes. Ce chapitre utilisera les protocoles de la Commission éducation de la Knesset se rapportant à ce sujet.

Condition d’inscription dans différents départements universitaires : la question a été soulevée plusieurs fois de cas où les étudiants Arabes ont noté que les conditions d’acceptation sont discriminatoires sur la base de leur ethnicité. Ce chapitre examinera ces cas et étudiera s’il s’agit effectivement d’actes de discrimination injustifiée contre les étudiants Arabes.

Discrimination pour l’acceptation dans les dortoirs d’étudiants : ici aussi, il a été suggéré que les conditions d’acceptation aux dortoirs d’étudiants sont discriminatoires vis-à-vis des étudiants arabes. Malgré un précédent judiciaire de la cour fédérale décidant que la priorité donnée aux ex-appelés sur les étudiants Arabes pour l’acceptation aux foyers étudiants est discriminatoire, elle est encore fréquente.

Discrimination dans l’attribution de subventions et de bourses : les bourses sont attribuées en partie par des programmes spéciaux dans la section du bureau des étudiants du doyen à l’université de Haïfa. Mais à cause de nombreuses plaintes venant d’étudiants Palestiniens reçues par Baladna, nous avons décidé d’examiner cette procédure ainsi que les limitations à l’obtention de telles subventions et bourses qui nous ont été présentées.

Le décryptage du traitement des étudiants Arabes par l’université de Haïfa est une
première étape dans un processus général visant à clarifier l’approche de toutes les institutions d’éducation supérieure vis-à-vis de ce groupe minoritaire. Le cas de
l’université de Haïfa aidera à réaliser les premiers pas afin de changer la réalité existante et développer le scepticisme vis-à-vis des règlements appliqués par les autres institutions universitaires.

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Traduction de l’Hébreu en anglais par Lisa Hanamiya, édité par Bryan Van Hulst
Août 2010

Traduction de l’anglais en français : JPB/SH/JM, janvier 2011.


1. Discours de Ben Gourion à la Knesset dans les années 1962 — 1963 se référant à «certains éléments parmi les Arabes israéliens » menaçant la sécurité d’Israël.
Référence : Yair Boimel (2002) p. 168.

2 Haaretz, 4/4/1961. Référence: Yair Boimel (2002) p. 123.

3 Boimel (2002) p. 263-265.

4 Boimel (2002) p. 264.

5 Boimel seraient ouvertes à des articles de chercheurs tels que: Alex Reches, Zeev Shiff, Henry Rosenfeld. Boimel (2002) p. 264.