Discours de Michel Warschawski lors de la remise du Prix 2012 des droits de l’homme de la République française au Centre d’Information Alternative

AURDIP | 8 janvier 2013 | Discours de Michel Warschawski le 10/12/12 à l’occasion de la remise du Prix 2012 des droits de l’homme de la République française au Centre….

AURDIP | 8 janvier 2013 |

Discours de Michel Warschawski le 10/12/12 à l’occasion de la remise du Prix 2012 des droits de l’homme de la République française au Centre d’Information Alternative.

Madame la Garde des Sceaux, Mesdames et Messieurs les membres du Jury,

Permettez-moi, au nom de mes collègues et ami/es du Centre
d’Information Alternative, Juifs et Arabes, Israéliens et
Palestiniens, de vous remercier chaleureusement pour avoir bien voulu
honorer notre action contre l’impunité.

Si c’est pour cette action spécifique que vous avez bien voulu nous
donner ce prix, nous-même le recevons également comme un signe
d’encouragement à notre engagement pour le vivre-ensemble et notre
volonté de construire des ponts entre les peuples plutôt que des murs.

Nous en sommes d’autant plus honorés que c’est de vos mains, Madame la
Garde des Sceaux, que nous recevons ce prix, vous qui, avec
détermination, avez combattu pour que soient reconnus comme crimes
contre l’humanité, donc imprescriptible, la traite négrière
transatlantique et l’esclavage qui en a résulté, reconnaissance à
travers cette loi qui porte votre nom et qui honore la France, que
l’impunité peut durer pendant des siècles, mais qu’il ne faut jamais
cesser de lutter contre elle.

Ne nous y trompons pas : le combat contre l’impunité (par rapport à
l’esclavage, au génocide des Juifs d’Europe, à l’apartheid ou à
l’occupation coloniale en Palestine) est UN et ne peut ni ne doit être
hiérarchisé.

Ce combat s’appuie sur les leçons tirées du judéocide nazi par la
communauté internationale tout entière. PLUS JAMAIS CA ! avait
proclamé avec force la communauté des nations après la découverte des
charniers de Treblinka et d’Auschwitz. Et pour que les enfants des
rescapés des camps de la mort ne connaissent plus une barbarie de
telle ampleur, cette communauté des Nations nous a armé du Droit
International. À commencer par la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme. La présence parmis nous de Christiane et Stéphane Hessel
est aussi une façon de marquer ce combat pour le Droit International.
Ils sont des amis proches du Centre d’Information Alternative, nos
parrains, c’est-à-dire ceux dont la vie, l’action et les valeurs
qu’ils défendent nous inspirent et nous guident dans notre combat.
Stéphane Hessel nous a donne la DUDH, le devoir de la communauté
internationale de juger les criminels de guerre et
l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Le Traité de Rome
et la constitution de la Cour Pénale Internationale ont parachevé
cette œuvre pionnière.

Soixante-cinq ans plus tard ses enfants spirituels, que nous sommes,
sont honorés par la République Française pour le combat que nous
menons contre l’impunité des hommes politiques et des militaires
israéliens soupçonnés d’avoir commis de tels crimes, à Gaza, à Jenine
ou au Liban.

Madame la Garde des Sceaux, Mesdames et Messieurs membres du Jury,

Pourquoi l’impunité face à de tels crimes est-elle inacceptable ?
Pourquoi en avons-nous fait un de nos combats prioritaires ? Pour
trois raisons essentielles :

– D’abord pour une question d’hygiène internationale: un monde
dans lequel les criminels de guerre peuvent vivre normalement et
circuler librement serait un monde malade où n’existe aucune frontière
entre le bien et le mal.

– Ensuite, parce que la pénalisation des crimes de l’occupation
coloniale en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et au Liban, sont un
moyen de faire justice, au moins un peu de justice, aux victimes
palestiniennes et libanaises. Cette reconnaissance des crimes et leur
pénalisation sont également la condition préalable à toute éventuelle
réconciliation. L’ont compris nos camarades Sud-Africains quand ils
ont mis en place le processus de Vérité et Réconciliation : vérité
avant réconciliation, vérité pour qu’il puisse y avoir réconciliation.

– Mais il s’agit aussi, et c’est peut-être la raison la plus
importante, d’un acte de libération pour mes propre concitoyen/nes. En
effet, il en est des sociétés comme des individus : l’impunité est
suicidaire. Rien ne semble pouvoir arrêter le criminel, qui ainsi
court à sa propre perte. Qui aime bien, châtie bien, nous disait-on à
l’école des Parents, et cette formule, certes un peu archaïque, est
certainement valable aussi pour les Etats et les sociétés.

En dénonçant les crimes de l’occupation coloniale, en traitant les
hommes politiques, les officiers et les soldats impliqués dans des
crimes de guerre comme des criminels de guerre, et en leur refusant
l’impunité, nous, en Israël comme à travers le monde, plaçons des
barrières salutaires à l’Ubris, cette folie de la puissance qui menace
ceux qui croient, méchamment mais aussi bêtement, à l’usage illimité
de la force.

C’est dans cet esprit, que le Centre d’Information Alternative s’est
pleinement impliqué dans la campagne BDS – Boycott, Désinvestissement,
Sanctions – lancée par la société civile palestinienne et reprise par
des dizaines de milliers d’individus, d’organisations, de syndicats et
de partis politiques à travers le monde. Sanctionner le colonialisme
israélien c’est aussi aider à faire comprendre à mes concitoyens que
pour leur propre bien il faut y mettre fin.

J’aime mon pays, c’est là que vivent mes enfants et grandissent mes
petits enfants qui, pour certains d’entre eux, se trouvent avec nous
aujourd’hui. Et parce que je l’aime, je me bats pour que la communauté
internationale nous aide à mettre fin à son état d’impunité. Car ce
qui est profondément anti-israélien c’est de le pousser à la faute et
à la fuite en avant, en laissant notre pays dans l’impunité…