Deux ans après le début de l’offensive israélienne sur Gaza et alors qu’une commission d’enquête indépendante de l’ONU vient confirmer que l’État d’Israël commet « un génocide » [1], Al Haq, Avocats pour la Justice au Proche Orient (AJPO), l’Union juive française pour la paix (UJFP), Survie, et NIDAL, soutenues dans la stratégie juridique par Droit et Mouvements Sociaux (DMS), déposent une nouvelle action en justice pour faute au civil contre les organisateurs du Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget (SIAE).
Elles estiment que le SIAE a exécuté des contrats illicites et contraires à l’ordre public, en promouvant et en accueillant des entreprises et délégations qui livrent directement ou indirectement des armes à Israël, favorisant ainsi la vente de leurs armes et leur renforcement économique.
En juin dernier, une première procédure en référé initiée par Al Haq, l’UJFP, Attac, Stop Fuelling War (SFW) et Survie, avec la coordination de Droit & Mouvements Sociaux (DMS), avait conduit la société organisatrice du Salon du Bourget (SIAE) à répondre devant le tribunal de Bobigny des mêmes faits. Une autre assignation en référé lui reprochait par ailleurs l’accueil d’entreprises soupçonnées de contourner les sanctions internationales contre la Russie et le Soudan.
Si la Cour d’appel de Paris a rejeté leurs demandes, la combinaison de cette action et de mobilisations telles que celle organisées par la Coalition partenaire Guerre à la guerre contre le Salon du Bourget du 20 au 22 juin 2025, rassemblant 4 000 personnes lors de la manifestation à Bobigny (93), a poussé l’Etat et le SIAE à prendre des mesures la veille du salon pour empêcher l’exposition de certaines armes israéliennes.
Recouvrir de draps noirs certains stands d’entreprises israéliennes ne saurait cependant exonérer SIAE de sa responsabilité dans les crimes internationaux.
Aujourd’hui, les associations franchissent une nouvelle étape : elles engagent une action inédite en responsabilité civile pour faire reconnaître une faute de SIAE d’avoir exécuté des contrats illicites consistant en l’accueil au salon d’entités impliquées directement ou indirectement dans le génocide. Les Amis de la Terre France, parties à l’appel en référé, les soutiennent.
Du 16 au 22 juin 2025, la ville du Bourget (93), a accueilli l’un des plus grands salons mondiaux de l’aéronautique et de l’espace, rassemblant près de 2 500 industriels et start-up du secteur civil et militaire. Le Bourget leur a ainsi permis la signature de contrats d’armement à hauteur de 150 milliards de dollars.
A l’heure où le bilan des victimes gazaouies s’élève à 64 700 morts et de 164 000 blessés [2], les requérantes estiment que promouvoir et accueillir des entreprises d’armement (israéliennes et d’autres nationalités) et des délégations impliquées dans le génocide est contraire aux dispositions d’ordre public du code pénal sur la complicité et le recel de crimes de guerre et de génocide, et sur la dignité humaine.
Les associations s’appuient sur la jurisprudence historique rendue dans le dossier Lafarge, qui a reconnu la responsabilité d’une entreprise française pour complicité de crimes contre l’humanité en Syrie. En effet, cette décision affirme « qu’à partir du moment où vous commettez un acte, quel qu’il soit, même par omission, dont vous savez qu’il participe à un crime, vous pouvez être poursuivi pour complicité de ce crime”, souligne la coordinatrice de DMS, qui a rédigé la plainte contre Lafarge [3].
À chaque édition, le Salon du Bourget facilite le commerce des armes et des composants provenant de multinationales du monde entier.
Cette activité constitue la condition première à la perpétration de crimes dans le cadre de conflits armés, dont le nombre de victimes civiles a augmenté de 40% l’année dernière [4] et ne cesse de croître. “Sans les salons de l’armement, les crimes internationaux tels que le génocide à Gaza n’auraient pas la même intensité : ces événements facilitent les livraisons d’armes et renforcent économiquement les industries de guerre” expliquent les plaignantes, dans la continuité de leur tribune « Qui arme les crimes internationaux ? [5] ».
Les exportations d’armement israélien ont atteint un record historique de 14,7 milliards de dollars en 2024, en hausse de 13 % par rapport à 2023 et un doublement en 5 ans. Plus de la moitié de ces contrats dépassent les 100 millions de dollars, et sont conclus avec des pays européens [6]. Des multinationales de tous pays dont la France continuent de livrer par ailleurs des armes à Israël, en violation de l’obligation des États de prévenir et faire cesser le génocide.
Face à ce constat, “il est urgent de faire progresser le droit civil pour qu’il empêche l’impunité des milliers d’acteurs économiques et étatiques impliqués dans les crimes internationaux” conclut la coordinatrice de l’action à DMS.
Cette nouvelle action judiciaire s’inscrit dans un mouvement de mobilisation plus large, qui s’intensifie en France et dans le monde, pour dénoncer la course à l’armement et à la militarisation, pour faire cesser l’impunité de l’industrie de l’armement qui profite des guerres et du génocide en cours à Gaza.
La coalition Guerre à la guerre fait partie de ce mouvement et soutient aussi cette nouvelle action en justice. Selon elle, les armes utilisées par l’occident, pour coloniser ou exterminer des peuples comme le peuple palestinien, sont issues du même système répressif que celles qui servent aux répressions internes des militant-es, des défenseur-es des droits humains et des personnes migrantes qui luttent pour leurs droits.
L’action en justice est un pas supplémentaire vers un droit de regard du justiciable sur le commerce de l’armement, et la fin de ce système.
Contacts presse :
Al-Haq : joel.alhaq@gmail.com
DMS : droitetmouvementssociaux@proton.me
Survie et la coalition Guerre à la Guerre : camille.lesaffre@survie.org
AJPO : d.cochain@ajpo-france.org
NIDAL et Urgence Palestine : association.nidal@proton.me
[1] https://news.un.org/fr/story/2025/09/1157475, voir aussi la tribune qui explique la caractérisation de génocide à Gaza https://bit.ly/article-mediapart
[3] dont le procès s’ouvre le 4 novembre sur le volet financement de terrorisme.
[4] https://www.iiss.org/publications/armed-conflict-survey/2024/editors-introduction/