Où est l’avocat général de l’armée ? Le chef d’état-major des FDI ? Le procureur général ? Le leader de l’opposition au Parlement ? Le Président de la Knesset ? le Président ? Silence. Nous massacrons.

Ils disent à des gens qui ont faim de venir recevoir de la nourriture à 11h du matin mais ils viennent –ces affamés sont indisciplinés tous autant qu’ils sont – à 10h. Alors, ils disent aux soldats de les bombarder, de leur tirer dessus. Puis les soldats –ces soldats juifs sont disciplinés tous autant qu’ils sont – les bombardent, leur tirent dessus et les tuent. Par dizaines, par centaines. Avez-vous un fils en service sur un bateau lance-missiles israélien ? Peut-être que vous avez un fils qui est un criminel de guerre. Un artilleur ? Un sniper ? Et bien sûr – avant tout un pilote ?
Réfléchissez : vous pourriez être les parents d’un criminel de guerre. Si votre fils ne l’était pas, il ne bombarderait pas des gens affamés indisciplinés qui se présentent une heure en avance. Les gens viennent une heure en avance parce qu’ils ont faim, parce que nous les avons affamés.

C’est pire que Kafr Qasem – le tristement célèbre massacre en 1956 de 47 citoyens palestiniens d’Israël tués par la police des frontières pour avoir violé sans le savoir un couvre-feu.
C‘est bien pire. Non seulement parce que le « drapeau noir » qui désigne des ordres illégaux aussi flagrants a été transformé en torchon, et non seulement à cause de l’étendue terrifiante et infiniment plus grande des crimes. C’est bien pire à cause du silence – et du soutien massif de l’opinion publique en Israël d’un bout à l’autre du pays.
Après tout, il est évident pour tous ceux qui vivent ici qu’il n’y aura pas un autre procès Kafr Qasem et qu’il n’y aura absolument pas, certainement pas des procès de Nuremberg pour juger nos criminels de guerre – le haut commandement militaire et la direction politique. Il n’y aura rien, même pas une amende de 10 centimes, comme la sentence prononcée à l’encontre du commandant de brigade tenu pour responsable de Kafr Qasem.

Où est L’avocate générale de l’armée ? Elle garde le silence. Elle doit être occupée à améliorer le mécanisme de camouflage – pardon je veux dire du système d’enquête des Forces Israéliennes de Défense.
Et le chef d’état-major des FDI ? Pour sûr, il explore le dictionnaire pour trouver le sens de l’expression désormais très employée de « être guidé par les valeurs ». Mais il ne trouve rien que du vide, parce que c’est exactement pour cela que nous avons inventé cette expression. Pour ne pas parler de moralité, pour oublier « Tu ne tueras point ».
Et où est le procureur général ? Occupé avec Bibi , et se défendant vis-à-vis de La Haye. Et où est le leader de l’opposition à la Knesset ? Accordez-nous une pause. Et où est le Président de la Knesset ? Ça c’est drôle. Le président ? Bâillement. Silence. On massacre.
Vous souvenez-vous de tous les discours qui ont marqué les 50 ans passés depuis la guerre du Kippour ? Orchestrés en toute cérémonie juste quelques jours avant le 7 octobre – comment nous étions supposés avoir compris « le lourd fardeau de la responsabilité » et tiré nos enseignements ? Et comment tout ce verbiage se révéla être un gros tas de conneries, de mots vides, dans les kibboutz près de la frontière de Gaza et à Sderot, Ofakim, et au festival Nova ? Des fleuves de sang et d’horreur, impossibles à comprendre et qui ne le seront jamais.

Surtout, à cela préside un commandement qui n’a rien compris, un premier ministre machiavélique qui a l’honneur de détrôner Golda Meir de son titre de premier ministre le pire dans l’histoire d’Israël – un gouvernement de minables qui font des discours ronflants, derrière lesquels il n’y a rien non plus. Une performance d’enseignements tirés en lieu et place de modestie et de sens commun.
Vous souvenez-vous de tout cela ? Alors rappelez-vous les discours du jour de la commémoration de l’holocauste, toutes les cérémonies, tous les enseignements scolaires. Comment nous avons appris de l’holocauste que non seulement les Juifs ne seraient plus sans défense mais aussi qu’un soldat juif ne serait jamais comme eux. Vous rappelez-vous ? Encore un océan de mots vides, un autre gros tas de conneries. De semblants d’engagement vides sur les valeurs humaines fondamentales – et une réalité de corps détruits sur toute la bande de Gaza.
Des mots comme sable, pourris jusqu’à l’os – et les corps pourrissant sous le sable.
Il est déjà possible d’imaginer les montagnes de déchets à venir eu égard aux « nécessités militaires », le danger probable, les circonstances complexes et les évaluations des renseignements. Et bien sûr, la proportionnalité et les procédures qui ont été clarifiées, ah les procédures !
Mais comment est-il possible de supporter tous ces mots blanchis ? Après tout, chacun sait quelle est « la nécessité » ; tous nous savons ce que fait Israël à Gaza : détruire autant que nous pouvons, tuer autant de gens que possible.
- Photo : Un tank israélien manœuvre à Gaza, vu depuis le côté israélien de la frontière, plus tôt ce mois-ci. Crédit photo : Amir Cohen/Reuters