Armement : « Le gouvernement français viole ses engagements internationaux » pour Benoît Muracciole, expert en usage des armes

Plusieurs accords signés par la France ne sont pas respectés par l’exécutif. Le principal étant celui sur le commerce des armes auprès des Nations Unies, note Benoît Muracciole, expert en usage des armes. Ce dernier interdit tout transfert vers des États commettant des crimes contre l’humanité ou de génocide, comme Israël à Gaza.

La France continue-t-elle à livrer des armes ou des composants à Israël ?

Benoît Muracciole

Président d’Action sécurité éthique républicaines (Aser)

Le gouvernement français a affirmé en mars respecter tous les traités signés sur le commerce des armes. Le ministère des Affaires étrangères a clairement indiqué « que les matériels exportés vers Israël ne sont pas des armes proprement dites, mais des composants élémentaires ». Le gouvernement reconnaît donc exporter du matériel au gouvernement israélien et de violer ses engagements internationaux dont l’article 6 du Traité sur le commerce des armes (TCA), approuvé en 2013 par l’Assemblée générale des Nations unies.

Le paragraphe 3 est clair. La France doit cesser tout transfert d’armes qui « pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949 ». Chaque pays ayant ratifié le TCA a l’obligation de cesser ses exportations vers des États impliqués dans des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou un potentiel génocide. Des situations que plusieurs rapports ont documentées dans les territoires palestiniens occupés.

Le gouvernement français contrevient à cet accord et aux signatures d’autres traités internationaux sur la prévention de génocide par exemple. Pourtant, le président français s’est prononcé en octobre dernier contre les livraisons d’armes à Israël. Mais l’absence de transparence ne nous permet pas de savoir si les paroles sont suivies d’actes. Il a déjà menti sur la guerre au Yémen.

Quel texte contrôle les exportations d’armes de la France ?

Elles sont définies à la fois par la Position commune de l’Union européenne et par le TCA, qui définit une liste de matériel de guerre. Les autorités françaises sont également signataires de l’arrangement de Wassenaar, en 1996, sur le contrôle des exportations d’armes conventionnelles, de matériels de guerre et de biens et technologies à double usage (civil et militaire). Ce forum multilatéral permet de promouvoir la transparence, les échanges de vues et d’information, ainsi qu’une plus grande responsabilité dans les transferts d’armes.

La seule obligation des États est de notifier les transferts d’armes et de matériel de guerre et de biens à double usage. Avec plusieurs associations, nous avons lancé en 2024 une action visant à stopper les transferts d’armes de la France vers Israël en demandant de suspendre la licence ML3 (munitions, pièces détachées et composants) auprès du Premier ministre d’alors, Gabriel Attal, et nous avons saisi le tribunal administratif. Nous attendons la date pour la cour d’appel. Quand on parle de transfert d’armes, c’est aussi un transbordement avec un cargo ou un avion qui arrive, qui dépose des conteneurs, qui sont chargés dans un autre avion ou dans un autre navire et qui repartent à destination d’Israël. Ou alors un transit d’armes.

Comment lutter contre l’opacité sur les exportations d’armes ?

Normalement, les autorités doivent rendre tous les ans, en juin, un rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France. Si cela a eu lieu en 2024, cela n’a pas été le cas en 2023. Faute d’informations suffisantes, la société civile ne peut pas agir correctement. Il existe 22 catégories, assez peu détaillées, qui nous empêchent de savoir véritablement de quel type de matériel il s’agit. Mais la mobilisation citoyenne et celle des ONG comme BDS, France-Palestine, Stop Arming Israel nous permet d’être informés et de lancer des actions. Les dockers, les douaniers nous aident également comme en 2020, à Cherbourg avec le blocage du cargo Bahri Yanbu à destination de l’Arabie saoudite, chargées à Anvers. En pleine guerre du Yémen, nous avions plaidé l’article 6 du TCA puisque des crimes de guerre avaient été reconnus par l’Onu.

D’autres exportations d’armes françaises sont-elles condamnables ?

Le TCA défend l’engagement à faciliter la paix. Aujourd’hui, les livraisons à l’Inde et au Pakistan doivent être stoppés étant donné l’escalade. Mais la France semble vouloir au contraire les relancer comme avec la Grèce. Paris profite des tensions avec la Turquie pour vendre des rafales à Athènes, alors que le pays connaît des problèmes économiques et sociaux.